Procédure devant la Cour :
Par une requête enregistrée, le 16 juillet 2015, M. D..., représenté par Me C..., demande à la Cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Marseille du 3 mars 2015 ;
2°) d'annuler les décisions du 23 octobre 2014 ;
3°) d'enjoindre au préfet des Bouches-du-Rhône de réexaminer sa situation dans un délai d'un mois sous astreinte de 50 euros par jour de retard ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros à verser à Me C..., son avocat, au titre des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Il soutient que :
- l'arrêté litigieux est insuffisamment motivé, le préfet n'ayant pas précisé le contenu des textes visés, ni les éléments de fait retenus ;
- le tribunal n'a pas répondu à certains arguments sur les moyens tirés du défaut de motivation de l'arrêté et de l'incompétence de l'auteur de l'acte attaqué ;
- il n'est pas justifié de la publication de la délégation de signature de l'auteur de la décision fixant le pays de renvoi préalablement à la prise de ladite décision ;
- la décision portant obligation de quitter le territoire méconnaît son droit d'être préalablement entendu, reconnu comme principe général du droit par la Cour de justice de l'Union européenne ;
- la décision de refus de séjour méconnaît l'article L. 311-11 7° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et est entachée d'erreur manifeste d'appréciation ;
- il justifie notamment avoir résidé habituellement en France depuis plus de dix ans, en l'espèce depuis 2001, avoir deux de ses frères et sa soeur en France, en situation régulière, avoir créé des liens personnels sur le territoire national, et être bénéficiaire d'une promesse d'embauche ;
- l'arrêté méconnaît les dispositions de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; le préfet a ainsi commis une erreur manifeste d'appréciation de sa situation particulière au regard de sa durée de présence et de son état de santé actuel, qui nécessite un suivi médical régulier ;
- l'arrêté méconnaît les dispositions du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dès lors qu'il souffre de problèmes de santé conséquents ;
- que la décision portant obligation de quitter le territoire méconnaît les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, dès lors que l'absence d'accès aux soins équivaudrait à des traitements inhumains et dégradants ;
- l'obligation de quitter le territoire français, l'exécution de cette décision, et la décision fixant le pays de renvoi méconnaissent l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la décision fixant le pays de renvoi est illégale du fait de l'illégalité de l'obligation de quitter le territoire français, elle-même illégale du fait de l'illégalité du refus de séjour ;
- le tribunal n'a pas répondu au moyen tiré de ce que la décision fixant le pays de renvoi est illégale du fait de l'illégalité de l'obligation de quitter le territoire français et du refus de séjour ;
- les décisions portant obligation de quitter le territoire et fixant le pays de destination sont illégales du fait de l'illégalité de la décision portant refus de séjour.
M. D... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 16 juin 2015.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 modifiée ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de Mme Chevalier-Aubert a été entendu au cours de l'audience publique.
1. Considérant que M. D..., né le 11 juillet 1966, de nationalité malgache, relève appel du jugement en date du 3 mars 2015 par lequel le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande dirigée contre l'arrêté en date du 23 octobre 2014 par lequel le préfet des Bouches-du-Rhône a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français et a fixé Madagascar comme pays de destination ;
Sur la régularité du jugement attaqué :
2. Considérant que si M. D..., fait valoir que le jugement n'a pas répondu à tous ses arguments sur les moyens tirés du défaut de motivation de l'arrêté litigieux et sur l'incompétence de l'auteur de l'acte attaqué, il ressort des motifs du jugement que les premiers juges, qui n'étaient pas tenus de répondre à l'ensemble des arguments soulevés devant eux, ont répondu à ces moyens de manière circonstanciée à la fois en droit et en fait ; que, par suite, le moyen tiré du défaut de motivation du jugement attaqué doit être écarté ;
3. Considérant qu'en première instance M. D... a invoqué l'illégalité des décisions portant obligation de quitter le territoire et fixant le pays de destination du fait de l'illégalité de la décision portant refus de séjour ; que, contrairement à ce qui est soutenu, le tribunal a écarté ce moyen ; que le jugement n'est ainsi pas entaché d'omission à statuer sur ce point ;
Sur la légalité de l'arrêté contesté :
En ce qui concerne la légalité externe :
4. Considérant, en premier lieu, que l'arrêté du 23 octobre 2014 a été signé par M. B..., qui disposait d'une délégation de signature du préfet des Bouches-du-Rhône en date du 25 avril 2014, régulièrement publiée au recueil des actes administratifs de la préfecture des Bouches-du-Rhône n° 102 du 29 avril 2014, à l'effet de signer notamment les refus de séjour, les obligations de quitter le territoire et les décisions fixant le pays de destination ; que par suite, le moyen tiré de l'incompétence du signataire de l'acte attaqué doit être écarté ;
5. Considérant, en deuxième lieu, que l'arrêté attaqué énonce de façon suffisamment circonstanciée les considérations de droit et de fait sur lesquelles il se fonde et est, dès lors, régulièrement motivé ; qu'il ne ressort pas des pièces du dossier, notamment de cette motivation, que le préfet n'aurait pas procédé à un examen particulier de la situation de M. D... ;
En ce qui concerne la légalité interne :
S'agissant de la décision de refus de titre de séjour :
6. Considérant qu'aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit : (...)7° A l'étranger ne vivant pas en état de polygamie, qui n'entre pas dans les catégories précédentes ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, dont les liens personnels et familiaux en France, appréciés notamment au regard de leur intensité, de leur ancienneté et de leur stabilité, des conditions d'existence de l'intéressé, de son insertion dans la société française ainsi que de la nature de ses liens avec la famille restée dans le pays d'origine, sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus, sans que la condition prévue à l'article L. 311-7 soit exigée. L'insertion de l'étranger dans la société française est évaluée en tenant compte notamment de sa connaissance des valeurs de la République (...) " ;
7. Considérant que M. D..., âgé de quarante-huit ans à la date du refus de séjour, est célibataire et sans charge de famille ; que le requérant déclare être entré en France en 1994 et être en mesure de l'établir depuis 2000 ; que toutefois, pour attester d'une résidence habituelle sur le territoire français, il se borne à produire pour chacune des années concernées quelques factures, des cotisations à des associations, ou quelques documents médicaux ; que ces documents n'ont pas de force suffisamment probante pour établir la durée de son séjour en France ; que si M. D... fait valoir qu'il est intégré, qu'il dispose d'une promesse d'embauche et que résident de manière régulière en France trois membres de sa fratrie, il n'établit pas être dépourvu d'attaches familiales dans son pays d'origine, où vivent ses parents ; qu'enfin, la circonstance qu'il ne constitue pas une menace à l'ordre public ne saurait par elle-même lui ouvrir un droit au séjour ; que, dans ces conditions, eu égard en particulier à ses conditions de séjour en France, M. D... n'est pas fondé à soutenir que la décision attaquée aurait porté à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels elle a été prise, en violation des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et des dispositions précitées de l'article L. 313-11 7° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; que, pour les mêmes motifs, cette décision n'est pas entachée d'erreur manifeste dans l'appréciation de sa situation personnelle et familiale ;
8. Considérant, en quatrième lieu, qu'aux termes de l'article L. 313-14 code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " La carte de séjour temporaire mentionnée à l'article L. 313-11, ou la carte de séjour temporaire mentionnée au 1° de l'article L. 313-10 sur le fondement du troisième alinéa de cet article, peut être délivrée, sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, à l'étranger ne vivant pas en état de polygamie dont l'admission au séjour répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard des motifs exceptionnels qu'il fait valoir, sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 311-7 " ;
9. Considérant que si M. D... fait valoir qu'il ne constitue pas une menace à l'ordre public, qu'il ne vit pas en état de polygamie et que son état de santé nécessite un suivi médical régulier, il n'établit pas qu'il ne pourrait pas recevoir à Madagascar un traitement approprié à la maladie de Vaquez dont il souffre depuis 2013 ; qu'il ne peut se prévaloir d'une autre pathologie qui a été découverte postérieurement à la date de l'arrêté attaqué ; qu'ainsi, il ne justifie pas de l'existence de considérations humanitaires ou de motifs exceptionnels à cette date ; que, dès lors, le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile doit être écarté ;
10. Considérant, en dernier lieu, que lorsqu'il est saisi d'une demande de délivrance d'un titre de séjour sur le fondement de l'une des dispositions du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, le préfet n'est pas tenu, en l'absence de dispositions expresses en ce sens, d'examiner d'office si l'intéressé peut prétendre à une autorisation de séjour sur le fondement d'une autre disposition de ce code, même s'il lui est toujours loisible de le faire à titre gracieux, notamment en vu de régulariser la situation de l'intéressé ; qu'il en résulte qu'un étranger ne peut utilement invoquer le moyen tiré de la méconnaissance d'une disposition du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile à l'encontre d'un refus opposé à une demande de titre de séjour qui n'a pas été présentée sur le fondement desdites dispositions ; qu'en l'espèce, il ne ressort pas des pièces du dossier et il n'est d'ailleurs pas allégué que M. D... aurait présenté une demande de titre de séjour sur le fondement des dispositions de l'article L. 313-11 11° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; que le préfet des Bouches-du-Rhône, par l'arrêté contesté, ne s'est pas prononcé sur ce fondement ; qu'il s'ensuit que le moyen tiré de la méconnaissance de ces dispositions doit être écarté comme inopérant ;
S'agissant de l'obligation de quitter le territoire français :
11. Considérant, en premier lieu, qu'il résulte de ce qui a été dit précédemment en ce qui concerne la légalité du refus de titre de séjour qui lui a été opposé, que M. D... n'est pas fondé à exciper de l'illégalité de cette décision à l'appui de ses conclusions dirigées contre la décision portant obligation de quitter le territoire français ;
12. Considérant, en deuxième lieu, qu'aux termes du paragraphe 1 de l'article 41 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne : " Toute personne a le droit de voir ses affaires traitées impartialement, équitablement et dans un délai raisonnable par les institutions et organes de l'Union " ; qu'aux termes du paragraphe 2 de ce même article : " Ce droit comporte notamment : / - le droit de toute personne d'être entendue avant qu'une mesure individuelle qui l'affecterait défavorablement ne soit prise à son encontre ; (...) " ; qu'aux termes du paragraphe 1 de l'article 51 de la charte : " Les dispositions de la présente Charte s'adressent aux institutions, organes et organismes de l'Union dans le respect du principe de subsidiarité, ainsi qu'aux Etats membres uniquement lorsqu'ils mettent en oeuvre le droit de l'Union. (...) " ;
13. Considérant que le droit d'être entendu implique que l'autorité préfectorale, avant de prendre à l'encontre d'un étranger une décision portant obligation de quitter le territoire français, mette l'intéressé à même de présenter ses observations écrites et lui permette, sur sa demande, de faire valoir des observations orales, de telle sorte qu'il puisse faire connaître, de manière utile et effective, son point de vue sur la mesure envisagée avant qu'elle n'intervienne ; que, toutefois, dans le cas prévu au 3° du I de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, où la décision faisant obligation de quitter le territoire français est prise concomitamment au refus de délivrance d'un titre de séjour, l'obligation de quitter le territoire français découle nécessairement du refus de titre de séjour ; que le droit d'être entendu n'implique alors pas que l'administration ait l'obligation de mettre l'intéressé à même de présenter ses observations de façon spécifique sur la décision l'obligeant à quitter le territoire français, dès lors qu'il a pu être entendu avant que n'intervienne la décision refusant de lui délivrer un titre de séjour ;
14. Considérant que lorsqu'il sollicite la délivrance ou le renouvellement d'un titre de séjour, l'étranger, en raison même de l'accomplissement de cette démarche qui tend à son maintien régulier sur le territoire français, ne saurait ignorer qu'en cas de refus, il pourra faire l'objet d'une mesure d'éloignement ; qu'à l'occasion du dépôt de sa demande, il est conduit à préciser à l'administration les motifs pour lesquels il demande que lui soit délivré un titre de séjour et à produire tous éléments susceptibles de venir au soutien de cette demande ; qu'il lui appartient, lors du dépôt de cette demande, lequel doit en principe faire l'objet d'une présentation personnelle du demandeur en préfecture, d'apporter à l'administration toutes les précisions qu'il juge utiles ; qu'il lui est loisible, au cours de l'instruction de sa demande, de faire valoir auprès de l'administration toute observation complémentaire utile, au besoin en faisant état d'éléments nouveaux ; que le droit de l'intéressé d'être entendu, ainsi satisfait avant que n'intervienne le refus de titre de séjour, n'impose pas à l'autorité administrative de mettre l'intéressé à même de réitérer ses observations ou de présenter de nouvelles observations, de façon spécifique, sur l'obligation de quitter le territoire français qui est prise concomitamment et en conséquence du refus de titre de séjour ; que, par suite, le moyen tiré de la méconnaissance du droit de M. D... d'être entendu préalablement à l'édiction de la décision litigieuse doit être écarté ;
15. Considérant, en troisième lieu, qu'aux termes de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants " ; que, le requérant qui, ainsi qu'il a été dit au point 9, n'établit pas qu'il ne pourrait recevoir à Madagascar un traitement approprié à son état de santé, n'est par suite pas fondé qu'il serait exposé, du fait d'un défaut de prise en charge médicale, à des traitements inhumains et dégradants en cas de retour a Madagascar ; que, par suite, le moyen tiré des stipulations précitées de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit être écarté ;
16. Considérant, enfin, que, pour les mêmes motifs que ceux exposés ci-dessus, la décision obligeant M. D... à quitter le territoire français n'a pas été prise en méconnaissance des stipulations des article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et n'est pas entachée d'erreur manifeste d'appréciation quant aux conséquences de cette décision sur la situation personnelle de l'intéressé ;
S'agissant de la décision désignant le pays de destination :
17. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que M. D... n'est pas fondé à exciper de l'illégalité de la décision refusant de lui délivrer un titre de séjour et de celle l'obligeant à quitter le territoire français à l'appui de ses conclusions dirigées contre la décision fixant le pays de destination, ni à faire valoir, eu égard notamment à ce qui a été dit au point 7, que cette dernière décision méconnaîtrait les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
18. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que M. D... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande ; que, par voie de conséquence, ses conclusions aux fins d'injonction et d'astreinte et celles qu'il présente au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 doivent être rejetées ;
D É C I D E :
Article 1er : La requête de M. D... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. D..., à Me C...et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée au préfet des Bouches-du-Rhône.
Délibéré après l'audience du 22 novembre 2016, où siégeaient :
- M. Cherrier, président,
- Mme Chevalier-Aubert, président assesseur,
- Mme Boyer, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 6 décembre 2016.
2
N° 15MA02923
mtr