Procédure devant la Cour :
Par une requête enregistrée le 21 juillet 2014 et un mémoire complémentaire enregistré le 28 janvier 2016, M. A..., représenté par Me B..., demande à la Cour :
1°) d'annuler cette ordonnance du tribunal administratif de Montpellier ;
2°) d'annuler la décision prise le 26 septembre 2013 par le préfet des Bouches-du-Rhône ;
3°) d'enjoindre au préfet de réexaminer sa demande dans le délai de deux mois sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement à son conseil, lequel renonce à l'aide juridictionnelle, d'une somme de 1 200 euros sur le fondement des dispositions combinées de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Le requérant soutient que :
- le tribunal a irrégulièrement rejeté sa demande par ordonnance sur le fondement de l'article R. 222-1 7° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le tribunal n'a pas répondu au moyen tiré de ce qu'il remplissait les conditions posées par l'article 3 de l'accord franco-marocain du 9 octobre 1987 ;
- le tribunal a prononcé à tort le retrait de l'aide juridictionnelle qui lui avait été accordée ;
- le préfet n'a pas procédé à un examen complet et sérieux de sa demande d'abrogation de la décision portant interdiction de séjour ;
- le préfet a commis une erreur de droit en se plaçant sur le terrain de l'article L. 561-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile alors que sa demande d'assignation à résidence était fondée sur les dispositions de l'article L. 561-1 du même code ;
- le préfet a commis une erreur de fait en estimant qu'il n'apportait aucun élément nouveau par rapport à sa demande exposée au mois de septembre 2012 alors qu'il se prévalait d'une promesse d'embauche accompagnée d'une demande d'autorisation de travail et remplissait ainsi les conditions posées par l'article 3 de l'accord franco-marocain du 9 octobre 1987 ;
- le préfet a commis une erreur manifeste d'appréciation en refusant d'abroger la décision portant interdiction de retour, dès lors notamment qu'il vit en France depuis 2004, qu'il est bien intégré et qu'il a recherché activement un emploi.
Par une ordonnance du 14 décembre 2015, la clôture de l'instruction a été fixée au 18 janvier 2016.
Par un mémoire en défense enregistré le 18 janvier 2016, le préfet de l'Hérault conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens soulevés par le requérant ne sont pas fondés.
Les parties ont été informées, en application des dispositions de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, de ce que l'arrêt était susceptible d'être fondé sur un moyen d'ordre public, tiré de ce que l'article R. 222-1 du code de justice administrative ne donne pas compétence à l'auteur de l'ordonnance attaquée pour prendre une décision de retrait du bénéfice de l'aide juridictionnelle.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- l'accord franco-marocain du 9 octobre 1987 ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
A été entendu au cours de l'audience publique le rapport de M. Martin.
1. Considérant que M. A..., ressortissant marocain né en 1974, a fait l'objet d'un arrêté du préfet de l'Hérault en date du 27 septembre 2012 portant notamment interdiction de retour sur le territoire français pendant une durée de deux ans ; que par lettre du 8 mai 2013, M. A... a sollicité l'abrogation de cette mesure et son assignation à résidence à Montpellier ; que le préfet de l'Hérault ayant opposé un refus à ces demandes par décision du 26 septembre 2013, M. A... a contesté cette décision devant le tribunal administratif de Montpellier, qui a rejeté son recours par une ordonnance du 20 février 2014 rendue par le président de la 4ème chambre sur le fondement des dispositions de l'article R. 222-1 du code de justice administrative ; que M. A... relève appel de cette ordonnance ;
Sur la régularité de l'ordonnance attaquée :
2. Considérant, d'une part, qu'aux termes de l'article R. 222-1 du code de justice administrative : " Les présidents de tribunal administratif et de cour administrative d'appel, le vice-président du tribunal administratif de Paris et les présidents de formation de jugement des tribunaux et des cours peuvent, par ordonnance : (...) 7° Rejeter, après l'expiration du délai de recours ou, lorsqu'un mémoire complémentaire a été annoncé, après la production de ce mémoire, les requêtes ne comportant que des moyens de légalité externe manifestement infondés, des moyens irrecevables, des moyens inopérants ou des moyens qui ne sont assortis que de faits manifestement insusceptibles de venir à leur soutien ou ne sont manifestement pas assortis des précisions permettant d'en apprécier le bien-fondé. (...) " ;
3. Considérant, d'autre part, qu'aux termes de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans sa rédaction applicable : " (...) III. - L'autorité administrative peut, par une décision motivée, assortir l'obligation de quitter le territoire français d'une interdiction de retour sur le territoire français. (...) L'autorité administrative peut à tout moment abroger l'interdiction de retour. Lorsque l'étranger sollicite l'abrogation de l'interdiction de retour, sa demande n'est recevable que s'il justifie résider hors de France. Cette condition ne s'applique pas : / 1° Pendant le temps où l'étranger purge en France une peine d'emprisonnement ferme ; / 2° Lorsque l'étranger fait l'objet d' une mesure d'assignation à résidence prise en application des articles L. 561-1 ou L. 561-2 (...) " ; qu'aux termes de l'article L. 561-1 du même code, dans sa rédaction alors applicable : " Lorsque l'étranger justifie être dans l'impossibilité de quitter le territoire français ou ne peut ni regagner son pays d'origine ni se rendre dans aucun autre pays, l'autorité administrative peut, jusqu'à ce qu'existe une perspective raisonnable d'exécution de son obligation, l'autoriser à se maintenir provisoirement sur le territoire français en l'assignant à résidence, par dérogation à l'article L. 551-1, dans les cas suivants: / 1° Si l'étranger fait l'objet d'une obligation de quitter le territoire français sans délai ou si le délai de départ volontaire qui lui a été accordé est expiré ; (...) 4° Si l'étranger doit être reconduit à la frontière en exécution d'une interdiction de retour (...) " qu'enfin, aux termes de l'article L. 561-2 dudit code : " Dans les cas prévus à l'article L. 551-1, l'autorité administrative peut prendre une décision d'assignation à résidence à l'égard de l'étranger pour lequel l'exécution de l'obligation de quitter le territoire demeure une perspective raisonnable et qui présente des garanties de représentation effectives propres à prévenir le risque, mentionné au II de l'article L. 511-1, qu'il se soustraie à cette obligation. (...) " ;
4. Considérant que pour rejeter le recours de M. A..., le premier juge a estimé que dès lors que celui-ci ne remplissait pas les conditions posées par l'article L. 561-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et qu'il était présent sur le territoire français contrairement aux dispositions de l'article L. 541-2 du même code, le préfet de l'Hérault était tenu de rejeter les demandes de l'intéressé tendant à son assignation à résidence et à la levée de l'interdiction de retour dont il faisait l'objet ;
5. Considérant qu'il est constant que M. A... n'a pas quitté le territoire français malgré la mesure d'interdiction de retour prise à son encontre le 27 septembre 2012 par le préfet de l'Hérault ; que le préfet avait toutefois la faculté, dans l'exercice de son pouvoir discrétionnaire de régularisation, d'autoriser l'intéressé, compte tenu de l'ensemble de sa situation personnelle, à se maintenir sur le territoire français en l'assignant à résidence ; qu'ainsi, c'est à tort que le premier juge a écarté comme inopérants les moyens invoqués par M. A... à l'encontre de la décision du 26 septembre 2013, notamment celui tiré de ce que cette décision serait entachée d'une erreur manifeste d'appréciation, au motif que le préfet était tenu de rejeter les demandes dont il était saisi ; que, par suite, le recours de M. A... n'entrait pas dans le champ d'application du 7° de l'article R. 222-1 du code de justice administrative et relevait de la seule compétence du tribunal administratif statuant en formation collégiale ; que, dès lors, l'ordonnance du président de la 4ème chambre du tribunal administratif de Montpellier est entachée d'irrégularité et doit être annulée pour ce motif, tant en ce qui concerne la demande d'annulation formée par M. A... que la décision accessoire qu'elle comporte, portant retrait du bénéfice de l'aide juridictionnelle qui avait été accordée à M. A... par décision du 10 décembre 2013 ;
6. Considérant qu'il y a lieu d'évoquer et de statuer immédiatement sur les moyens et conclusions présentés par M. A... tant devant le tribunal administratif de Montpellier que devant la cour administrative d'appel de Marseille ;
Sur la décision du préfet de l'Hérault en tant qu'elle porte refus d'assignation à résidence :
7. Considérant qu'il ressort de la demande adressée le 8 mai 2013 au préfet de l'Hérault que M. A..., sans citer un quelconque fondement juridique, a sollicité son assignation à résidence en soutenant qu'il présentait des garanties de représentation suffisantes et disposait d'un domicile connu ; qu'il n'a invoqué dans cette demande aucune impossibilité de quitter le territoire français ; qu'il pouvait ainsi être regardé comme s'étant prévalu des dispositions précitées de l'article L. 561-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et non de celles de l'article L. 561-1 du même code ; qu'ainsi c'est sans commettre d'erreur de droit que le préfet a examiné la demande de M. A... sur le terrain des dispositions de l'article L. 561-2 et a relevé que le requérant, faute de disposer d'une adresse stable, ne présentait pas les garanties requises pour bénéficier d'une mesure d'assignation à résidence ; que, par suite, M. A..., qui au demeurant ne produit aucun élément sérieux qui justifierait d'une impossibilité de quitter le territoire français au sens de l'article L. 561-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, n'est pas fondé à demander l'annulation de la décision en cause en tant que celle-ci porte refus d'assignation à résidence ;
Sur la décision du préfet de l'Hérault en tant qu'elle porte refus d'abrogation de la décision d'interdiction de retour :
8. Considérant, en premier lieu, que M. A... soutient que la décision du 26 septembre 2013 serait entachée d'une erreur de fait et d'une absence d'examen complet de sa situation en ce qu'elle mentionne qu'aucun élément nouveau n'est produit à l'appui de la lettre du 8 mai 2013 par laquelle il a sollicité son assignation à résidence et l'abrogation de l'interdiction de retour prononcée le 27 septembre 2012, alors pourtant que cette lettre faisait état d'une promesse d'embauche postérieure au 27 septembre 2012 ; que, toutefois, il ne ressort pas des pièces du dossier, notamment des termes de la décision attaquée, laquelle évoque " la volonté d'insertion " de M. A..., que le préfet n'aurait pas examiné l'ensemble des circonstances dont se prévalait l'intéressé ni qu'il se serait fondé sur un fait matériellement inexact qui aurait exercé une influence sur le sens de sa décision ;
9. Considérant, en second lieu, que si M. A... fait valoir qu'il réside en France depuis 2004, qu'il bénéficie d'une promesse d'embauche et qu'il est bien intégré dans la société française, le préfet de l'Hérault a pu rejeter cette demande sans commettre d'erreur manifeste d'appréciation, eu égard aux circonstances que l'intéressé est célibataire et sans charge de famille, qu'il n'allègue pas être dépourvu d'attaches familiales dans son pays d'origine et qu'il s'est maintenu sur le territoire français malgré l'interdiction de retour prononcée à son encontre le 27 septembre 2012 ;
10. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à demander l'annulation de la décision prise à son encontre le 26 septembre 2013 par le préfet de l'Hérault ;
Sur les conclusions à fin d'injonction :
11. Considérant que le présent arrêt, qui rejette les conclusions à fin d'annulation de la décision du 26 septembre 2013, n'implique aucune mesure d'exécution ; que par suite, il n'y a pas lieu de faire application des dispositions des articles L. 911-1 et suivants du code de justice administrative ; que les conclusions présentées à cette fin par le requérant doivent donc être rejetées ;
Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 :
12. Considérant que dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme que demande le requérant au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ;
D É C I D E :
Article 1er : L'ordonnance du 20 février 2014 du président de la 4ème chambre du tribunal administratif de Montpellier est annulée.
Article 2 : La demande présentée par M. A... devant le tribunal administratif de Montpellier et le surplus de ses conclusions d'appel sont rejetés.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. C... A...et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée au préfet de l'Hérault.
Délibéré après l'audience du 2 février 2016, où siégeaient :
- M. Cherrier, président,
- M. Martin, président-assesseur,
- Mme Mastrantuono, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 23 février 2016.
''
''
''
''
N° 14MA03227 5
fn