Procédure devant la Cour :
I. Par un recours enregistré le 15 avril 2015 sous le n° 15MA01591, le ministre des finances et des comptes publics demande à la Cour d'annuler les articles 1er et 2 du jugement susmentionné et de remettre à la charge de la SARL Méditerranée Constructions les droits et pénalités dont la décharge a été prononcée, à l'exception des intérêts de retard prévus à l'article 1727 du code général des impôts et des majorations prévues à l'article 1759 du même code.
Le ministre soutient que :
- la demande présentée devant le tribunal administratif le 15 mai 2012 était tardive et donc irrecevable au regard des dispositions de l'article R. 199-1 du livre des procédures fiscales ; la réclamation contentieuse de la société en date du 10 juillet 2009 a fait l'objet d'une décision de rejet datée du 4 janvier 2010, adressée au siège social de ladite société, situé avenue de l'Aubarède à Mougins ; le pli n'a pu être distribué, la boîte étant non identifiable, et a été retourné au service ; par ailleurs, une copie du rejet de la réclamation avait été adressée au conseil de la contribuable, lequel en avait informé sa cliente par lettre du 22 janvier 2010 jointe à la demande de la société devant le tribunal administratif ;
- le tribunal a inexactement apprécié les faits ; les montants de 403 721 euros et 183 780 euros ont été considérés par le service comme des produits de l'exercice en l'absence de toute comptabilisation en tant que travaux en cours ; les rectifications reposaient sur les propres écritures comptables de l'entreprise ; elles ne nécessitaient pas de droit de communication pour en asseoir le bien-fondé ; dans ce contexte, le tribunal a commis une erreur de droit en estimant que le service ne justifiait pas de la réalité des produits notifiés du seul fait que la nature et la consistance des travaux en cause étaient aisément vérifiables, les clients concernés étant des personnes publiques ;
- à titre subsidiaire, il sollicite une substitution de base légale ; sur le fondement des articles 38-2, 38-3 et 38-4 bis du code général des impôts, l'administration était en droit de réintégrer à l'actif du bilan de clôture de chaque exercice non prescrit l'évaluation des travaux en cours non comptabilisés et, compte tenu des corrections symétriques des bilans, de redresser le résultat imposable du premier exercice non prescrit ; dans la mesure où la société contribuable soutient que les travaux en litige n'étaient pas achevés en 2003 et 2004, et ne pouvaient donner lieu à facturation, il demande le maintien des impositions en cause sur le fondement de l'article 38-2 du code général des impôts, en lieu et place de l'article 39-1, dès lors que les montants de 403 721 euros et 183 780 euros correspondaient toujours à des travaux en cours à la clôture des exercices 2003 et 2004, et qu'à défaut d'avoir été comptabilisés au titre de ces exercices, l'actif de la société a été minoré ;
- le jugement comporte des erreurs matérielles ; pour 2004, la réduction en base est de 183 780 euros, après réponse aux observations du contribuable, et non 448 281 euros ; aucun rappel de taxe sur la valeur ajoutée relatif aux travaux considérés comme achevés n'a été notifié, ce qui implique qu'aucun dégrèvement ne pouvait être prononcé à ce titre, comme l'a fait le tribunal.
Par un courrier en date du 3 novembre 2015, une mise en demeure a été adressée à la SARL Méditerranée Constructions.
II. Par un recours enregistré le 15 avril 2015 sous le n° 15MA01590, le ministre des finances et des comptes publics demande à la Cour d'ordonner qu'il soit sursis à l'exécution du jugement n° 1201842 en date du 19 décembre 2014 par lequel le tribunal administratif de Nice a partiellement déchargé la SARL Méditerranée Constructions des impositions en litige.
Le ministre soutient que :
- la condition d'urgence posée par l'article R. 811-16 est satisfaite dès lors que l'exécution du jugement risque d'entraîner pour l'Etat des conséquences difficilement réparables ;
- des doutes sérieux existent quant à la légalité du jugement.
Par un courrier en date du 3 novembre 2015, une mise en demeure a été adressée à la SARL Méditerranée Constructions.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Martin,
- et les conclusions de M. Ringeval, rapporteur public.
1. Considérant que la SARL Méditérranée Constructions, spécialisée en travaux de terrassement, a fait l'objet d'une vérification de comptabilité portant sur la période allant du 1er janvier 2002 au 31 décembre 2004 en matière d'impôts sur les sociétés, étendue jusqu'au 30 juin 2005 en matière de taxe sur la valeur ajoutée ; qu'une proposition de rectification en date du 28 février 2006 lui a alors été notifiée, relative à des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés et de contribution à l'impôt sur les sociétés, à des rappels de taxe sur la valeur ajoutée et à la pénalité pour revenus distribués prévue par les dispositions alors en vigueur de l'article 1763 A du code général des impôts ; que les cotisations et rappels susmentionnés ayant été mis en recouvrement le 17 mars 2008, la société a présenté une réclamation par l'entremise de son conseil, en date du 10 juillet 2009, laquelle a fait l'objet d'un rejet par courrier du 4 janvier 2010 ; que par les articles 1er et 2 du jugement attaqué en date du 19 décembre 2014, le tribunal administratif de Nice a partiellement fait droit à la demande dont il a été saisi par la SARL Méditerranée Constructions en réduisant la base d'imposition à l'impôt sur les sociétés de la somme de 403 721 euros au titre de l'exercice clos en 2003 et de la somme de 448 281 euros au titre de l'exercice clos en 2004, en la déchargeant, au titre des exercices susmentionnés, des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés et des rappels de taxe sur la valeur ajoutée correspondant à cette réduction de base d'imposition et, enfin, en la déchargeant des pénalités appliquées sur le fondement de l'article 1763 A alors en vigueur du code général des impôts et de l'article 1729 du même code ; que, d'une part, le ministre des finances et des comptes publics interjette appel dudit jugement en tant qu'il lui est défavorable par un recours enregistré sous le n° 15MA01591 et, d'autre part, par un recours enregistré sous le n° 15MA01590, demande à la Cour d'ordonner qu'il soit sursis à son exécution ;
2. Considérant que les recours susvisés sont dirigés contre le même jugement et ont fait l'objet d'une instruction commune ; qu'il y a lieu de les joindre pour qu'ils fassent l'objet d'un seul arrêt ;
Sur le recours n° 15MA01591 :
En ce qui concerne l'étendue du litige :
3. Considérant qu'il résulte des écritures du ministre que, du fait que la société intimée a été mise en liquidation judiciaire le 18 novembre 2014, les intérêts de retard et les majorations prévues à l'article 1763 A (devenu l'article 1759) du code général des impôts ont fait l'objet d'une remise conformément aux dispositions de l'article 1756 du même code ; que, par suite, le litige est limité aux seuls droits relatifs aux cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés et aux majorations pour manquements délibérés afférentes à ces impositions ;
En ce qui concerne la recevabilité de la demande de première instance :
4. Considérant qu'aux termes de l'article R. 190-1 du livre des procédures fiscales, dans sa rédaction applicable au litige : " Le contribuable qui désire contester tout ou partie d'un impôt qui le concerne doit d'abord adresser une réclamation au service territorial (...) de l'administration des impôts (...) dont dépend le lieu de l'imposition " ; qu'aux termes de l'article R. 198-10 du même livre : " (...) En cas de rejet total ou partiel de la réclamation, la décision doit être motivée. Les décisions de l'administration sont notifiées dans les mêmes conditions que celles prévues pour les notifications faites au cours de la procédure devant le tribunal administratif " ; qu'aux termes du premier alinéa de l'article R. 199-1 du même livre : " L'action doit être introduite devant le tribunal compétent dans le délai de deux mois à partir du jour de la réception de l'avis par lequel l'administration notifie au contribuable la décision prise sur la réclamation (...) " ; qu'aux termes de l'article R. 431-1 du code de justice administrative : " Lorsqu'une partie est représentée devant le tribunal administratif ou la cour administrative d'appel par un des mandataires mentionnés à l'article R. 431-2, les actes de procédure, à l'exception de la notification de la décision prévue aux articles R. 751-3 et suivants, ne sont accomplis qu'à l'égard de ce mandataire " ; qu'aux termes de l'article R. 751-3 du même code : " Sauf disposition contraire, les jugements, les ordonnances et arrêts sont notifiés par les soins du greffe à toutes les parties en cause, à leur domicile réel, par lettre recommandée avec demande d'avis de réception " ;
5. Considérant qu'en indiquant que les décisions par lesquelles l'administration statue sur une réclamation sont notifiées dans les mêmes conditions que celles prévues pour les notifications faites au cours de la procédure devant le tribunal administratif, l'article R. 198-10 précité du livre des procédures fiscales a entendu renvoyer aux dispositions du code de justice administrative qui régissent la notification des décisions clôturant l'instance ; qu'il suit de là que le délai de recours devant le tribunal administratif ne court qu'à compter du jour où la notification de la décision de l'administration statuant sur la réclamation du contribuable a été faite au contribuable lui-même, à son domicile réel, alors même que cette réclamation aurait été présentée par l'intermédiaire d'un mandataire au nombre de ceux mentionnés à l'article R. 431-2 du code de justice administrative ; que la circonstance que le contribuable aurait élu domicile au cabinet de son mandataire est sans incidence sur l'application de cette règle ;
6. Considérant que l'administration a produit en appel la preuve de la notification à la SARL Méditerranée Constructions de la décision du 4 janvier 2010 par laquelle l'administration a rejeté sa réclamation en date du 10 juillet 2009, à savoir l'accusé de réception du pli recommandé la contenant, retourné à l'administration et portant les mentions " pli non distribuable " et " boîte non identifiable " ; qu'il ressort de ce document que la notification de la décision en cause a été effectuée au siège social de la société intimée, situé avenue de l'Aubarède à Mougins ; que si la réclamation, présentée par l'intermédiaire du conseil de la contribuable, indiquait que la société élisait domicile au siège du cabinet de son avocat, elle ne comportait aucune mention d'une adresse propre à l'intimée qui aurait été différente de celle de son siège social ; que dans ces conditions et dès lors que la circonstance que la contribuable avait élu domicile au cabinet de son mandataire est sans incidence sur l'application de la règle relative à la notification de la réclamation au domicile réel de la société, la notification ainsi effectuée était de nature à faire courir le délai de recours contentieux ; que si l'accusé de réception du pli recommandé ne contient pas les indications permettant de déterminer la date à laquelle la notification a été effectuée, la société intimée, mise en demeure de produire ses conclusions, s'est abstenue de le faire et doit être ainsi regardée comme ayant acquiescé à l'allégation selon laquelle sa demande devant le tribunal administratif, enregistrée seulement le 15 mai 2012, était tardive au regard des dispositions précitées de l'article R. 199-1 du livre des procédures fiscales ; que, dès lors, le tribunal administratif de Nice a méconnu les dispositions de cet article en écartant la fin de non-recevoir que l'administration fiscale avait opposée à la demande de la société Méditerranée Constructions ;
7. Considérant qu'il s'ensuit que le ministre des finances et des comptes publics est fondé à soutenir que c'est à tort que, par les articles 1er et 2 du jugement attaqué, le tribunal administratif de Nice a partiellement fait droit à la demande de décharge par la société contribuable des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés au titre des exercices 2002 à 2004, des rappels de taxe sur la valeur ajoutée réclamés au titre des exercices 2002 à 2005 ainsi que des pénalités appliquées sur le fondement de l'article 1729 du code des impôts ; que les articles 1er et 2 de ce jugement doivent ainsi être annulés, la demande présentée par la société Méditerranée Constructions devant le tribunal doit être rejetée et les cotisations supplémentaires, rappels et pénalités encore en litige au titre des exercices 2003 et 2004 remis à la charge de la société Méditerranée Constructions ;
Sur le recours n° 15MA01590 :
8. Considérant que, dès lors qu'il est statué par le présent arrêt sur le recours n° 15MA01591 du ministre des finances et des comptes publics tendant à l'annulation du jugement du 19 décembre 2014 du tribunal administratif de Nice, il n'y a pas lieu de statuer sur son recours n° 15MA01590 tendant au sursis à l'exécution de ce même jugement ;
D E C I D E :
Article 1er : Il n'y a pas lieu de statuer sur la requête n° 15MA01590.
Article 2 : Les articles 1er et 2 du jugement du 19 décembre 2014 du tribunal administratif de Nice sont annulés.
Article 3 : La demande présentée par la SARL Méditerranée Constructions devant le tribunal administratif de Nice est rejetée.
Article 4 : Les cotisations supplémentaires d'impôts sur les sociétés et de contributions à l'impôt sur les sociétés et les rappels de taxe sur la valeur ajoutée relatifs aux exercices 2003 et 2004, ainsi que les majorations correspondantes prévues à l'article 1729 du code général des impôts, sont remis à la charge de la SARL Méditerranée Constructions.
Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à la SARL Méditerranée Constructions et au ministre des finances et des comptes publics.
Copie en sera adressée à la direction de contrôle fiscal sud-est.
Délibéré après l'audience du 2 février 2016, où siégeaient :
- M. Cherrier, président de chambre,
- M. Martin, président-assesseur,
- Mme Mastrantuono, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 23 février 2016.
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N° 15MA01590, 15MA01591
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