Procédure devant la Cour :
Par une requête, enregistrée le 18 janvier 2019, le préfet des Alpes-Maritimes demande à la Cour :
1°) d'annuler ce jugement du 21 décembre 2018 du tribunal administratif de Nice ;
2°) de rejeter la demande de M. B... présentée devant le tribunal administratif de Nice.
Il soutient que le dernier alinéa de l'article L. 311-8-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile n'est pas applicable à M. B..., dès lors que ce dernier, dont la protection accordée depuis la délivrance d'un passeport russe est entachée de fraude, ne peut être considéré comme ayant été en situation régulière depuis cinq ans.
Par un mémoire en défense, enregistré le 20 septembre 2019, M. B..., représenté par Me A..., demande à la Cour :
1°) de rejeter la requête ;
2°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 500 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- la requête d'appel du préfet n'est pas motivée ;
- c'est à bon droit que le tribunal administratif a jugé que l'arrêté avait été édicté en méconnaissance des dispositions de l'article L. 311-8-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- l'arrêté méconnaît en outre les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et celles de l'article 3-1 de la convention internationale sur les droits de l'enfant.
Par une décision du 21 juin 2019, M. B... a bénéficié de l'aide juridictionnelle totale.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention de Genève du 28 juillet 1951 relative au statut des réfugiés ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de Mme C... a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. M. D... B..., de nationalité russe, est entré en France le 23 septembre 2004 où il lui a été accordé, par décision du 14 mars 2005, le statut de réfugié. Par décision du 20 mars 2014, confirmée le 22 avril 2014 par la Cour nationale du droit d'asile, l'Office français de protection des réfugiés et apatrides a fait cesser la protection qui lui avait été accordée, l'intéressé s'étant volontairement réclamé de la protection du pays dont il a la nationalité par l'obtention d'un passeport russe le 28 octobre 2010. M. B... a sollicité le renouvellement de son titre de séjour sur le fondement de l'article L 311-8-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile en tant qu'étranger en situation régulière depuis au moins cinq ans. Par arrêté du 11 septembre 2018, le préfet des Alpes-Maritimes a rejeté sa demande et l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours. Le préfet relève appel du jugement du 21 décembre 2018 par lequel le tribunal administratif de Nice a annulé cet arrêté et lui a enjoint de délivrer à M. B... une carte de résident.
Sur le bienfondé du jugement attaqué :
2. Selon l'article L. 311-8-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Lorsqu'il est mis fin au statut de réfugié ou au bénéfice de la protection subsidiaire par décision définitive de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides ou par décision de justice ou lorsque l'étranger renonce à ce statut ou à ce bénéfice, la carte de résident mentionnée au 8° de l'article L. 314-11 ou la carte de séjour temporaire mentionnée à l'article L. 313-13 est retirée. / Dans les cas prévus au premier alinéa du présent article, l'autorité administrative statue, dans un délai fixé par décret en Conseil d'Etat, sur le droit au séjour des intéressés à un autre titre. / La carte de résident ou la carte de séjour temporaire ne peut être retirée en application du même premier alinéa quand l'étranger est en situation régulière depuis au moins cinq ans ". Aux termes de l'article L. 711-4 du même code : " L'Office français de protection des réfugiés et apatrides peut mettre fin, de sa propre initiative ou à la demande de l'autorité administrative, au statut de réfugié lorsque la personne concernée relève de l'une des clauses de cessation prévues à la section C de l'article 1er de la convention de Genève, du 28 juillet 1951, précitée. Pour l'application des 5 et 6 de la même section C, le changement dans les circonstances ayant justifié la reconnaissance de la qualité de réfugié doit être suffisamment significatif et durable pour que les craintes du réfugié d'être persécuté ne puissent plus être considérées comme fondées. L'office peut également mettre fin à tout moment, de sa propre initiative ou à la demande de l'autorité administrative, au statut de réfugié lorsque : 1° Le réfugié aurait dû être exclu du statut de réfugié en application des sections D, E ou F de l'article 1er de la convention de Genève, du 28 juillet 1951, précitée ; 2° La décision de reconnaissance de la qualité de réfugié a résulté d'une fraude ; 3° Le réfugié doit, compte tenu de circonstances intervenues après la reconnaissance de cette qualité, en être exclu en application des sections D, E ou F de l'article 1er de la convention de Genève, du 28 juillet 1951, précitée ".
3. Il ressort des pièces du dossier que l'Office français de protection des réfugiés et apatrides a fait cesser la protection accordée à M. B... par application de l'article 1C1 de la convention de Genève, qui stipule qu'il peut être mis fin au statut de réfugié si la personne intéressée " s'est volontairement réclamée à nouveau de la protection du pays dont elle a la nationalité ", et non pour des faits de fraude, dont le préfet n'établit au demeurant pas l'existence. Il est par ailleurs constant que M. B... a bénéficié d'un titre de séjour jusqu'à la décision de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides du 20 mars 2014, laquelle n'a pas de portée rétroactive, puis de récépissés de demandes de renouvellement de titre de séjour, le dernier étant valable jusqu'au 7 novembre 2018. A la date de l'arrêté préfectoral contesté, M. B... était donc en situation régulière depuis cinq ans, ainsi que l'a jugé à bon droit le tribunal administratif, et le préfet ne pouvait légalement refuser de lui délivrer le titre de séjour sollicité.
4. Il résulte de ce qui précède que le préfet des Alpes-Maritimes n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nice a annulé l'arrêté du 11 septembre 2018 et lui a enjoint de délivrer à M. B... une carte de résident. Sa requête doit par suite être rejetée, sans qu'il soit besoin de statuer sur la fin de non-recevoir opposée en défense.
Sur les frais liés au litige :
5. D'une part, M. B... n'allègue pas avoir exposé de frais autres que ceux pris en charge par l'Etat au titre de l'aide juridictionnelle totale qui lui a été allouée. D'autre part, l'avocat de M. B... n'a pas demandé que lui soit versée par l'Etat la somme correspondant aux frais exposés qu'il aurait réclamée à son client si ce dernier n'avait bénéficié d'une aide juridictionnelle totale. Dans ces conditions, les conclusions de la requête tendant au bénéfice des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent être rejetées.
DÉCIDE :
Article 1 : La requête du préfet des Alpes-Maritimes est rejetée.
Article 2 : Les conclusions de M. B... présentées en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'intérieur, à M. D... B... et à Me A....
Copie en sera adressée au préfet des Alpes-Maritimes.
Délibéré après l'audience du 18 novembre 2019, où siégeaient :
- M. Bocquet, président,
- Mme C..., première conseillère,
- M. Merenne, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 2 décembre 2019.
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N° 19MA00298