Procédure devant la Cour :
Par une requête, enregistrée le 9 février 2018, Mme C..., représentée par Me B..., demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Montpellier du 6 octobre 2017 ;
2°) d'annuler l'arrêté préfectoral non daté notifié le 28 février 2017 portant refus de délivrance d'un titre de séjour et obligation de quitter le territoire français ;
3°) d'enjoindre au préfet de l'Hérault, à titre principal, de lui délivrer un titre de séjour " vie privée et familiale " sous astreinte de 100 euros par jour de retard à compter de la décision à intervenir et, à titre subsidiaire, de procéder au réexamen de sa demande, dans le délai de deux mois à compter de la décision à intervenir sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros à verser à Me B... en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et des articles 37 et 75 de la loi du 10 juillet 1991.
Elle soutient que :
- la décision portant refus de titre de séjour et celle portant obligation de quitter le territoire est entachée d'incompétence compte tenu de la délégation de signature trop générale donnée à son signataire ;
- la décision est entachée d'un défaut d'examen complet et sérieux de sa demande, révélé par les motifs de la décision qui ne font mention ni des éléments mettant en évidence le fait qu'elle serait isolée en Russie ni de la circonstance qu'elle bénéficie de trois promesses d'embauche ;
- sa demande de titre de séjour se fondant sur l'article L. 313-14 et L. 313-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, le préfet ne peut lui opposer le défaut de visa long séjour ;
- le préfet à commis une erreur manifeste d'appréciation quant à son admission exceptionnelle au séjour ;
- la décision portant refus de titre de séjour et celle portant obligation de quitter le territoire, sont entachées d'une erreur manifeste d'appréciation et méconnaissent les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et les dispositions du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
Mme C... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 15 décembre 2017.
Par un mémoire en défense, enregistré le 16 août 2018, le préfet de l'Hérault conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens de la requête ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code du travail ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le décret n° 91-1266 du 19 décembre 1991 ;
- le code de justice administrative ;
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de M. Pecchioli a été entendu au cours de l'audience publique.
1. Par jugement du 6 octobre 2017, le tribunal administratif de Montpellier a rejeté la demande de Mme C..., de nationalité russe, née le 7 août 1969, tendant à l'annulation de l'arrêté non daté notifié le 28 février 2017 portant refus de délivrance d'un titre de séjour et obligation de quitter le territoire français. Mme C... relève appel de ce jugement.
Sur le bien-fondé du jugement attaqué :
2. Il ressort, tout d'abord, des pièces du dossier que Mme C..., qui explique que son passeport lui a été dérobé et soutient qu'elle est entrée en France le 26 août 2011, a obtenu plusieurs visas à entrées multiples. Un premier visa de 90 jours, valable du 26 août 2011 au 25 août 2012, lui a tout d'abord été délivré le 26 août 2011 à Moscou. Un second visa de 30 jours valable du 1er septembre 2012 au 1er novembre 2012, puis un troisième de 18 jours valable du 24 octobre 2012 au 10 novembre 2012 et enfin un quatrième de 90 jours valable du 7 décembre 2012 au 6 décembre 2016 délivré le 7 décembre 2012 à Moscou. Il s'ensuit que si Mme C...est effectivement arrivée en France en 2011, elle n'est au mieux entrée au plus tard sur le territoire national qu'à la fin de l'année 2012, période pendant laquelle elle est également devenue propriétaire d'un ensemble immobilier situé à Montpellier.
3. Il ressort, ensuite, des pièces du dossier, notamment de l'achat du logement, intervenu suivant acte notarié le 7 septembre 2012, de la conclusion d'un pacte civil de solidarité avec un ressortissant français le 25 novembre 2013, lequel a été dissous le 24 juin 2015, de témoignages de voisines et amies qui la connaissent depuis cette année 2012 et avec lesquelles elle partage sa vie privée, d'une attestation de la présidente de l'association " Claquettes en vogue ", qu'à compter du début de l'année 2013, nonobstant de possibles allers-retours avec la Russie, Mme C...doit être regardée comme ayant établi sa résidence habituelle en France depuis cette date.
4. Il ressort, enfin, des pièces du dossier que Mme C...est mère célibataire. Elle a un fils unique selon une attestation de ce dernier, non contestée par la préfecture. A la date de l'arrêté en litige, il bénéficiait d'un titre de séjour temporaire valable une année. Pacsé avec une ressortissante française, il a ainsi vocation à se maintenir sur le territoire national. Par ailleurs, les parents de Mme C... sont décédés et son unique soeur réside à l'autre bout de la Russie, à Vladivostok. Mme C...a produit également, en date de 2014 et 2015, des contrats d'apporteur d'affaires à des clients russes auxquels elle présentait des biens immobiliers situés en France. Elle produit également des promesses d'embauche notamment en qualité d'agent commercial dans le domaine immobilier, sous condition de régularisation de sa situation.
5. Il résulte de l'ensemble de ces éléments que si Mme C..., s'est effectivement maintenue irrégulièrement sur le territoire français depuis le début de l'année 2013, elle a montré en revanche une ferme volonté d'intégration, une bonne connaissance de la langue française, de solides liens amicaux, une participation active au milieu associatif, la pratique d'une activité professionnelle ainsi que des promesses d'embauche dans le domaine immobilier en qualité d'agent commercial. Eu égard à cette situation, et à ce qui a été dit aux points précédents, Mme C... justifie qu'elle se retrouverait isolée dans son pays d'origine. Compte tenu de l'ensemble des éléments susmentionnés, la décision refusant de lui délivrer un titre de séjour est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation sur sa situation personnelle.
6. Il résulte de ce qui précède, et sans qu'il soit besoin de se prononcer sur les autres moyens de la requête, que Mme C... est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande. Elle est, dès lors, fondée à demander l'annulation dudit jugement ainsi que celle de l'arrêté notifié le 28 février 2017.
Sur les conclusions à fin d'injonction :
7. L'exécution du présent arrêt, qui annule la décision de refus de titre de séjour et l'arrêté notifié le 28 février 2017, implique nécessairement la délivrance à Mme C... d'une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale ". Dès lors, il y a lieu d'enjoindre au préfet de l'Hérault de délivrer à l'intéressée un tel titre de séjour dans un délai fixé, dans les circonstances de l'espèce, à deux mois à compter de la notification du présent arrêt, sans qu'il soit besoin d'assortir cette injonction d'une astreinte.
Sur les conclusions présentées au titre des dispositions combinées des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 :
8. Aux termes de l'article L. 761-1 du code de justice administrative : " Dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à cette condamnation " ; qu'aux termes de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique : " (...) / En toute matière, l'avocat du bénéficiaire de l'aide juridictionnelle partielle ou totale peut demander au juge de condamner la partie tenue aux dépens ou qui perd son procès, et non bénéficiaire de l'aide juridictionnelle, à lui payer une somme au titre des honoraires et frais, non compris dans les dépens, que le bénéficiaire de l'aide aurait exposés s'il n'avait pas eu cette aide. / Si le juge fait droit à sa demande, l'avocat dispose d'un délai de douze mois à compter du jour où la décision est passée en force de chose jugée pour recouvrer la somme qui lui a été allouée. S'il recouvre cette somme, il renonce à percevoir la part contributive de l'Etat. (...) " .
9. L'avocat de la requérante, Me B..., demande la condamnation de l'Etat à lui verser la somme correspondant aux frais exposés et non compris dans les dépens qu'il aurait réclamée à son client si ce dernier n'avait bénéficié d'une aide juridictionnelle totale. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire droit à cette demande et de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros à verser à Me B..., au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, sous réserve qu'il renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat à la mission d'aide juridictionnelle qui lui a été confiée.
D E C I D E :
Article 1er : Le jugement n° 1702814 du tribunal administratif de Montpellier du 6 octobre 2017 et l'arrêté du préfet de l'Hérault notifié le 28 février 2017 sont annulés.
Article 2 : Il est enjoint au préfet de l'Hérault de délivrer à Mme C...un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale ", dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt.
Article 3 : L'Etat (ministre de l'intérieur) versera la somme de 2 000 (deux mille) euros à Me B... sur le fondement des dispositions combinées de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridictionnelle et de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, la perception de cette somme valant renonciation à l'aide juridictionnelle.
Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.
Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à Mme A...C..., à Me B...et au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée au préfet de l'Hérault.
Délibéré après l'audience du 17 septembre 2018, où siégeaient :
- M. Bocquet, président de chambre,
- M. Marcovici, président assesseur,
- M. Pecchioli, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 1er octobre 2018.
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N° 18MA00631