Procédure devant la Cour :
Par une requête, enregistrée le 1er décembre 2015, sous le n° 15MA04526, M. C..., représenté par Me B...demande à la Cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Toulon du 23 octobre 2015 ;
2°) d'annuler l'arrêté susvisé en tant qu'il porte refus de titre de séjour et obligation de quitter le territoire français ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- contrairement à ce qu'ont estimé les premiers juges, le préfet du Var ne pouvait pas procéder à un nouvel examen de sa situation suite au jugement en date du 16 octobre 2014 du tribunal administratif de Toulon ;
- la circonstance qu'il ait utilisé quatre identités différentes est inopérante ;
- il était bien mineur lors de son entrée en France ;
- la décision portant refus de titre de séjour méconnaît les dispositions de l'article L. 313-15 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation ;
- la décision portant obligation de quitter le territoire français est insuffisamment motivée ; elle viole les dispositions de l'article 12 de la loi du 12 avril 2000 ; elle méconnaît les dispositions de l'article L. 511-1-1° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
M. C...a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 29 février 2016.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 modifiée relative à l'aide juridique ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de Mme Marchessaux a été entendu au cours de l'audience publique.
1. Considérant que M.C..., de nationalité guinéenne, relève appel du jugement en date du 23 octobre 2015 par lequel le tribunal administratif de Toulon a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté en date du 22 juin 2015 du préfet du Var qui a refusé de lui délivrer son titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination ;
Sur le bien-fondé du jugement attaqué :
2. Considérant qu'aux termes de l'article L. 313-15 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " A titre exceptionnel et sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire prévue au 1° de l'article L. 313-10 portant la mention " salarié " ou la mention " travailleur temporaire " peut être délivrée, dans l'année qui suit son dix-huitième anniversaire, à l'étranger qui a été confié à l'aide sociale à l'enfance entre l'âge de seize ans et l'âge de dix-huit ans et qui justifie suivre depuis au moins six mois une formation destinée à lui apporter une qualification professionnelle, sous réserve du caractère réel et sérieux du suivi de cette formation, de la nature de ses liens avec sa famille restée dans le pays d'origine et de l'avis de la structure d'accueil sur l'insertion de cet étranger dans la société française. Le respect de la condition prévue à l'article L. 311-7 n'est pas exigé. " ;
3. Considérant qu'aux termes du premier alinéa de l'article L. 111-6 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " La vérification de tout acte d'état civil étranger est effectuée dans les conditions définies par l'article 47 du code civil. " ; que selon l'article R. 313-1 du même code : " L'étranger qui, n'étant pas déjà admis à résider en France, sollicite la délivrance d'une carte de séjour temporaire présente à l'appui de sa demande : / 1° Les indications relatives à son état civil (...) " ; que l'article 47 du code civil dispose que : " Tout acte de l'état civil (...) des étrangers fait en pays étranger et rédigé dans les formes usitées dans ce pays fait foi, sauf si d'autres actes ou pièces détenus, des données extérieures ou des éléments tirés de l'acte lui-même établissent, le cas échéant après toutes vérifications utiles, que cet acte est irrégulier, falsifié ou que les faits qui y sont déclarés ne correspondent pas à la réalité. " ;
4. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier qu'entré en France au mois de décembre 2012 selon ses déclarations, M. C...a indiqué être né le 3 février 1996 et a été pris en charge par le service de l'aide à l'enfance du département du Var a compter du 7 décembre 2012 jusqu'au 3 février 2014, son placement ayant été prolongé en tant que majeur de moins de vingt et un ans ; que le précédent refus de séjour opposé au requérant, le 30 juillet 2014, à sa demande de titre de séjour présentée sur le fondement de l'article L. 313-15 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, a été annulé par un jugement du 16 octobre 2014 au motif que si le préfet du Var soutenait que la prise en charge de M. C... par le service de l'aide sociale à l'enfance avait été obtenue au moyen d'un acte de naissance apocryphe, qui ne permettait pas d'établir qu'il était né le 3 février 1996, en se fondant sur un rapport établi le 22 juillet 2014 par les services de l'ambassade de France à Conakry retenant l'existence d'anomalies de forme dans l'acte de naissance produit, il ne contestait pas l'authenticité du jugement supplétif du tribunal de grande instance de Kaloum en date du 14 août 2014 produit par le requérant à l'instance et n'arguait pas davantage que cet acte serait entaché de fraude ; que pour refuser, par l'arrêté contesté, à M. C...le bénéfice des dispositions précitées de l'article L. 313-15 dans le cadre du réexamen de sa demande de titre de séjour, le préfet du Var s'est fondé sur des éléments recueillis dans le cadre d'une enquête pour détention de faux document administratif et tentative d'obtention indue de document administratif selon lesquels le requérant a reconnu avoir utilisé quatre identités différentes depuis son entrée dans l'espace Schengen, à savoir Ismaila C...né à Labe le 20 février 1987 lors du dépôt d'une demande d'asile en 2011 en Belgique, Oumar Diallo né le 1er décembre 1993 à Conakry lors d'une interpellation à Roissy en 2012, Amadou Bah né le 25 décembre 1983 à Conakry à l'occasion d'une autre interpellation, et Oumar C...né le 3 février 1996 à Conakry lors de sa demande prise en charge en qualité de mineur isolé en décembre 2012 ; que, par ailleurs, l'intéressé a reconnu avoir payé un officier d'état civil guinéen lors de sa demande de jugements supplétifs ; que l'arrêté contesté mentionne également que selon le conseiller sûreté et immigration auprès de l'ambassade de France à Conakry, ces jugements sont produits par les tribunaux de première instance guinéens statuant sur simple déclaration de deux témoins qui n'ont pas l'obligation de connaître le bénéficiaire du jugement ; que le préfet du Var en a conclu que l'intéressé ne justifiait pas avoir été confié à l'aide sociale à l'enfance alors qu'il était mineur ; que, cependant, devant la Cour, M. C...produit un test osseux effectué le 24 février 2015, à l'hôpital Sainte-Musse, qui n'est pas contesté par le préfet du Var et démontrant que l'âge osseux du requérant est estimé à 19 ans ; que, par suite, en l'état de l'instruction, il doit être tenu pour établi que M. C...a été confié au service de l'aide sociale à l'enfance alors qu'il était âgé de 16 ans ; qu'il en résulte que c'est à tort que les premiers juges ont, au seul motif que M. C...ne remplissait pas les conditions d'âge exigées par l'article L. 131-15 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, rejeté sa demande ;
5. Considérant qu'il y a lieu de statuer par la voie de l'effet dévolutif de l'appel sur la demande de M. C... ;
6. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que le requérant a été scolarisé, lors de l'année scolaire 2012/2013, au collège Django Reinhardt de Toulon, puis a débuté une classe de seconde professionnelle d'installation des systèmes énergétiques et climatiques au lycée Maurice Janetti de Saint-Maximim la Sainte Baume ; que, pour l'année scolaire 2014/2015, il est inscrit au lycée professionnel Golf Hôtel d'Hyères pour y poursuivre sa formation ; que M. C... justifie poursuivre ses études avec sérieux ainsi qu'en attestent ses bulletins scolaires ; que les rapports de situation établis par les référents de l'aide sociale à l'enfance attestent que M. C..., hébergé en studio, est bien intégré et très apprécié des équipes pédagogiques ; qu'il a obtenu un diplôme d'études en langue française qu'il maîtrise parfaitement ; qu'il ressort, par ailleurs, du rapport d'observation et de comportement établi le 26 mai 2014 par le moniteur-éducateur de sa structure d'accueil, et n'est pas sérieusement contesté, que M. C...n'a pas eu de contact avec sa famille dans son pays d'origine ; qu'en outre, son père est décédé ; que, dans ses conditions, M. C...est fondé à soutenir que le préfet du Var a commis une erreur manifeste d'appréciation en refusant de lui délivrer un titre de séjour sur le fondement des dispositions de l'article L. 313-15 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
7. Considérant qu'il résulte de ce qui précède, et sans qu'il soit besoin de statuer sur les autres moyens de la requête, que M. C...est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Toulon a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 22 juin 2015 du préfet du Var et à demander l'annulation de cet arrêté ;
Sur l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
8. Considérant que, d'une part, M. C...n'allègue pas avoir exposé de frais autres que ceux pris en charge par l'Etat au titre de l'aide juridictionnelle totale qui lui a été allouée ; que, d'autre part, l'avocat de M. C...n'a pas demandé que lui soit versée par l'Etat la somme correspondant aux frais exposés qu'il aurait réclamée à son client si ce dernier n'avait bénéficié d'une aide juridictionnelle totale ; que dans ces conditions, les conclusions de la requête tendant au bénéfice des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent être rejetées ;
D E C I D E :
Article 1er : Le jugement en date du 23 octobre 2015 du tribunal administratif de Toulon et l'arrêté en date du 22 juin 2015 du préfet du Var sont annulés.
Article 2 : Les conclusions de M. C...tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. A...C..., à Me B...et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée au préfet du Var.
Délibéré après l'audience du 28 novembre 2016, où siégeaient :
- M. Bocquet, président,
- M. Marcovici, président assesseur,
- Mme Marchessaux, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 12 décembre 2016.
2
N° 15MA04526