I- Par une requête enregistrée le 21 juin 2018, sous le numéro 18MA02953, M. C..., représenté par Me B..., demande à la Cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Nîmes du 23 mai 2018 ;
2°) d'annuler l'arrêté du 28 décembre 2017 du préfet de Vaucluse ;
3°) d'enjoindre au préfet de Vaucluse de lui délivrer un titre de séjour dans un délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 400 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- le préfet n'a pas instruit sa demande d'admission au séjour formulée en qualité de salarié ;
- le signataire de la décision de refus d'admission au séjour est incompétent pour rejeter une demande faite en qualité de salarié ;
- sa situation pouvait être régularisée par le préfet ;
- l'arrêté du préfet méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et est entaché d'erreur manifeste d'appréciation au regard de ses conséquences sur sa situation personnelle.
La requête a été communiquée au préfet de Vaucluse, qui n'a pas produit de mémoire.
II- Par une requête enregistrée le 21 juin 2018, sous le numéro 18MA02954, M. C..., représenté par MeB..., demande à la Cour :
1°) de prononcer le sursis à exécution de ce jugement du tribunal administratif de Nîmes du 23 mai 2018 ;
2°) d'enjoindre au préfet de Vaucluse de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour lui permettant de travailler dans un délai de quinze jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 400 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- l'exécution du jugement risque d'entraîner des conséquences difficilement réparables ;
- il a développé des moyens sérieux d'annulation dans sa requête au fond.
La requête a été communiquée au préfet de Vaucluse, qui n'a pas produit de mémoire.
Vu les autres pièces des dossiers.
Vu :
- l'accord du 17 mars 1988 conclu entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République de Tunisie en matière de séjour et de travail ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code du travail ;
- le code de justice administrative.
La présidente de la Cour a désigné M. Laurent Marcovici, président assesseur de la 5ème chambre, pour présider, en application de l'article R. 222-26 du code de justice administrative, la formation de jugement.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de Mme Duran-Gottschalk, rapporteure, a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. Les deux requêtes susvisées sont dirigées contre le même jugement. Il y a lieu de les joindre pour y statuer par un seul arrêt.
Sur les conclusions de la requête n° 18MA02953 :
2. Aux termes de l'article 3 de l'accord franco-tunisien : " Les ressortissants tunisiens désireux d'exercer une activité professionnelle salariée en France, pour une durée d'un an au minimum, et qui ne relèvent pas des dispositions de l'article 1er du présent Accord, reçoivent, après contrôle médical et sur présentation d'un contrat de travail visé par les autorités compétentes, un titre de séjour valable un an renouvelable et portant la mention "salarié" ". Selon l'article R. 5221-11 du code du travail : " La demande d'autorisation de travail relevant des 5°, 6°, 7°, 8°, 9°, 9° bis, 12° et 13° de l'article R. 5221-3 est faite par l'employeur (...) ". Aux termes de l'article R. 5221-17 du même code : " La décision relative à la demande d'autorisation de travail mentionnée à l'article R. 5221-11 est prise par le préfet (...) ".
3. M. C...a formulé une demande de titre de séjour, reçue par les services de la préfecture le 29 novembre 2017, par laquelle il sollicitait une carte de séjour " pour étranger travaillant en France ". Il a transmis à l'appui de cette demande un formulaire Cerfa prévu en cas de demande d'autorisation de travail d'un salarié étranger résidant en France, qu'il produit pour la première fois en appel, dûment rempli et signé par son employeur le 6 novembre 2017, pour occuper un emploi d'ouvrier agricole dans le cadre d'un contrat de travail à durée indéterminée. Le préfet a d'ailleurs visé dans son arrêté de refus d'admission au séjour cette demande d'autorisation de travail du 6 novembre 2017, la qualifiant de promesse d'embauche. Le préfet était ainsi saisi d'une demande d'autorisation de travail formulée sur le fondement de l'article 3 de l'accord franco-tunisien, dont il résulte de l'instruction et des motifs de l'arrêté contesté qu'elle n'a pas été instruite. Dans ces conditions, le jugement du 23 mai 2018 et l'arrêté du 28 décembre 2017 doivent être annulés.
4. Considérant qu'il résulte de ce qui précède, sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête, que M. C...est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nîmes a rejeté sa demande.
5. Compte-tenu du motif d'annulation de l'arrêté du préfet, il y a lieu d'enjoindre au préfet de Vaucluse de réexaminer la situation du requérant, dans le délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt.
Sur les conclusions de la requête n° 18MA02954 à fin de sursis à exécution :
6. Le présent arrêt statue sur la demande d'annulation du jugement attaqué. Les conclusions tendant au sursis à exécution de ce jugement sont donc devenues sans objet. Il y a également lieu de rejeter les conclusions à fin d'injonction.
Sur les frais liés au litige :
7. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat la somme globale de 2 000 euros au titre des frais exposés par M. C...dans les deux instances et non compris dans les dépens.
D É C I D E :
Article 1er : Le jugement du 23 mai 2018 du tribunal administratif de Nîmes et l'arrêté du 28 décembre 2017 du préfet de Vaucluse sont annulés.
Article 2 : Il est enjoint au préfet de Vaucluse de réexaminer la situation de M. C...dans un délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt.
Article 3 : Il n'y a pas lieu de statuer sur les conclusions à fin de sursis à exécution du jugement du tribunal administratif de Nîmes du 23 mai 2018 présentées dans la requête n° 18MA02954.
Article 4 : Les conclusions à fin d'injonction présentées dans l'instance n° 18MA02954 sont rejetées.
Article 5 : L'Etat versera une somme de 2 000 euros à M. C...en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 6 : Le présent arrêt sera notifié à M. A...C...et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée au préfet de Vaucluse.
Délibéré après l'audience du 5 novembre 2018, où siégeaient :
- M. Marcovici, président,
- M. Pecchioli, premier conseiller,
- Mme Duran-Gottschalk, première conseillère.
Lu en audience publique, le 19 novembre 2018.
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N° 18MA02953 - 18MA02954