Procédure devant la Cour :
I. Par une requête enregistrée le 19 juin 2020 sous le n° 20MA02025, Mme A... D..., représentée par Me B..., demande à la Cour :
1°) d'annuler ce jugement du magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Montpellier en toutes ses dispositions ;
2°) d'annuler l'arrêté du 27 mai 2019 du préfet de l'Hérault l'obligeant à quitter le territoire français sans délai, fixant le pays de destination et portant interdiction de retour d'un an ;
3°) d'annuler l'arrêté du 27 mai 2019 du préfet de l'Hérault l'assignant à résidence ;
4°) d'enjoindre au préfet de l'Hérault de lui délivrer un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale ", dans un délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 50 euros par jour de retard, ou à titre subsidiaire, de réexaminer sa demande de titre de séjour sous les mêmes conditions, sur le fondement des articles L. 911-1 et L. 911-2 du code de justice administrative ;
5°) de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 2 000 euros à Me B... au titre des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Elle soutient que :
- l'obligation de quitter le territoire français viole les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- pouvant bénéficier de plein droit d'un titre de séjour sur le fondement du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, elle ne pouvait être éloignée ;
- la décision de refus de départ volontaire est illégale par voie de conséquence de l'obligation de quitter le territoire français ;
- la décision de refus de départ volontaire est entachée d'erreur d'appréciation ;
- l'interdiction de retour sur le territoire français est illégale par voie de conséquence de l'obligation de quitter le territoire français ;
- l'interdiction de retour sur le territoire français est insuffisamment motivée ;
- le préfet a commis une erreur d'appréciation en édictant une interdiction de retour sur le territoire français à son encontre ;
- la décision fixant le pays de destination est illégale par voie de conséquence de l'obligation de quitter le territoire français ;
- l'arrêté d'assignation à résidence est insuffisamment motivé.
Par un mémoire en défense, enregistré le 28 juillet 2020, le préfet de l'Hérault conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens soulevés par Mme A... D... ne sont pas fondés.
II. Par une requête enregistrée le 19 juin 2020 sous le n° 20MA02026, Mme A... D..., représentée par Me B..., demande à la Cour :
1°) d'ordonner, sur le fondement des dispositions des articles R. 811-15 et R. 811-17 du code de justice administrative, qu'il soit sursis à l'exécution du jugement du magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Montpellier n° 1902706 du 5 juin 2019 ;
2°) de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 1 000 euros à Me B... au titre des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Elle soutient que :
- l'exécution du jugement attaqué est susceptible d'entraîner pour elle des conséquences difficilement réparables ;
- les moyens soulevés dans la requête n° 20MA02025 sont sérieux.
Par un mémoire en défense, enregistré le 28 juillet 2020, le préfet de l'Hérault conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens soulevés par Mme A... D... ne sont pas fondés.
Par courrier du 10 septembre 2020, les parties ont été informées, dans l'instance enregistrée sous le n° 20MA02025, en application des dispositions de l'article R. 6117 du code de justice administrative, de ce que l'arrêt était susceptible d'être fondé sur un moyen relevé d'office, tiré de l'irrecevabilité des moyens de légalité externe soulevés devant la Cour dans la mesure où aucun moyen relevant de cette cause n'a été soulevé devant le tribunal.
Mme A... D... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 17 avril 2020.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
La présidente de la Cour a désigné Mme E... F..., présidente assesseure, pour présider les formations de jugement en cas d'absence ou d'empêchement de
M. Guy Fedou, président de la 6ème chambre en application de l'article R. 222-26 du code de justice administrative.
La présidente de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de M. C... Grimaud, rapporteur, a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. Entrée pour la première fois en France en 2010 selon ses déclarations, Mme A... D..., née le 1er janvier 1959 et de nationalité marocaine, a été l'objet le 27 mai 2019 d'un arrêté du préfet de l'Hérault ordonnant son éloignement sans délai sur le fondement du 3° du I de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et lui interdisant le retour sur le territoire français pour une durée d'un an. Le préfet a, le même jour, décidé l'assignation à résidence de Mme A... D... dans le département de l'Hérault pour une durée de quarante-cinq jours.
I. Sur le bien-fondé du jugement attaqué :
I.1. En ce qui concerne la légalité externe des décisions attaquées :
2. Les moyens de légalité externe tirés de ce que l'interdiction de retour sur le territoire français et l'arrêté d'assignation à résidence sont insuffisamment motivés sont fondés sur une cause juridique distincte de celle des moyens de légalité interne présentés dans la demande de première instance. Ils sont ainsi nouveaux en appel et doivent, dès lors, être écartés comme étant irrecevables.
I.2. En ce qui concerne la légalité interne des décisions attaquées :
I.2.1. S'agissant de l'obligation de quitter le territoire français :
3. En premier lieu, l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dispose : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit : / (...) 7° A l'étranger ne vivant pas en état de polygamie, qui n'entre pas dans les catégories précédentes ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, dont les liens personnels et familiaux en France, appréciés notamment au regard de leur intensité, de leur ancienneté et de leur stabilité, des conditions d'existence de l'intéressé, de son insertion dans la société française ainsi que de la nature de ses liens avec la famille restée dans le pays d'origine, sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus, sans que la condition prévue à l'article L. 313-2 soit exigée. L'insertion de l'étranger dans la société française est évaluée en tenant compte notamment de sa connaissance des valeurs de la République (...) ". L'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales stipule : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ".
4. S'il ressort des pièces du dossier que Mme A... D... réside en France de manière continue depuis l'année 2010 et vit en concubinage avec un ressortissant français depuis plusieurs années, l'intéressée, qui affirme sans autre précision avoir travaillé dans le secteur de la viticulture et en qualité de salariée à domicile, n'a connu aucune intégration socioprofessionnelle notable et ne maîtrise, au demeurant, que faiblement la langue française, ainsi que cela ressort de son audition par les services de gendarmerie. Par ailleurs, la nature et la continuité de la relation qu'elle entretient avec son concubin demeurent incertaines dans la mesure où, d'une part, en dehors de quelques témoignages de vie commune rédigés en termes lapidaires, aucune pièce ne permet d'attester de la communauté de vie du couple et où, d'autre part, les éléments soumis au juge démontrent que le concubin de Mme A... D... la salarie également comme assistante de vie. En outre, Mme A... D... s'est vu refuser le séjour par un arrêté du 12 février 2016 qui l'a obligée à quitter le territoire français, décision qu'elle n'a pas exécutée. Enfin, si la soeur de l'intéressée réside en France, il ressort des pièces du dossier que Mme A... D... n'entretient aucune relation avec elle et qu'elle n'a pas développé d'autres liens amicaux ou sociaux en France. En revanche, elle n'apparaît pas dépourvue d'attaches au Maroc où réside son fils et où elle a vécu jusqu'à l'âge de quarante-neuf ans, au moins. Dans ces conditions, Mme A... D... n'est pas fondée à soutenir que le préfet de l'Hérault a porté à son droit à mener une vie privée et familiale normale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels l'arrêté a été pris. Le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations précitées doit dès lors être écarté.
5. En deuxième lieu, indépendamment de l'énumération donnée par l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile des catégories d'étrangers qui ne peuvent faire l'objet d'une mesure d'éloignement, l'autorité administrative ne saurait légalement faire obligation de quitter le territoire français à un étranger que si ce dernier se trouve en situation irrégulière au regard des règles relatives à l'entrée et au séjour. Lorsque la loi prescrit que l'intéressé doit se voir attribuer de plein droit un titre de séjour, cette circonstance fait obstacle à ce qu'il puisse légalement faire l'objet d'une telle mesure d'éloignement.
6. Il résulte de ce qui vient d'être dit au point 4 que Mme A... D... ne peut prétendre de plein droit à l'obtention d'un titre de séjour sur le fondement des dispositions du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile qu'elle invoque. Elle n'est dès lors pas fondée à soutenir que le préfet a commis une erreur de droit en prenant à son encontre une mesure d'éloignement.
I.2.2. En ce qui concerne la décision refusant le bénéfice d'un délai de départ volontaire :
7. En premier lieu, il résulte de ce qui a été dit ci-dessus que l'obligation de quitter le territoire français édictée à l'encontre de Mme A... D... n'est pas entachée des illégalités qu'elle allègue. Dès lors, elle n'est pas fondée à invoquer son illégalité par voie d'exception à l'appui de ses conclusions dirigées contre la décision lui refusant le bénéfice d'un délai de départ volontaire.
8. En second lieu, ainsi qu'il a été dit au point 4, il ne ressort pas des pièces du dossier que Mme A... D... ait noué des attaches significatives en France ou se trouve dans une situation matérielle commandant qu'un délai de départ volontaire lui soit accordé. Par suite, elle n'est pas fondée à soutenir que la décision lui refusant un tel délai est entachée d'erreur d'appréciation.
I.2.3. En ce qui concerne l'interdiction de retour sur le territoire français :
9. Aux termes des dispositions du III de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'autorité administrative, par une décision motivée, assortit l'obligation de quitter le territoire français d'une interdiction de retour sur le territoire français, d'une durée maximale de trois ans à compter de l'exécution de l'obligation de quitter le territoire français, lorsque aucun délai de départ volontaire n'a été accordé à l'étranger. / (...) La durée de l'interdiction de retour mentionnée aux premier, sixième et septième alinéas du présent III ainsi que le prononcé et la durée de l'interdiction de retour mentionnée au quatrième alinéa sont décidés par l'autorité administrative en tenant compte de la durée de présence de l'étranger sur le territoire français, de la nature et de l'ancienneté de ses liens avec la France, de la circonstance qu'il a déjà fait l'objet ou non d'une mesure d'éloignement et de la menace pour l'ordre public que représente sa présence sur le territoire français. (...) ".
10. En premier lieu, il résulte de ce qui a été dit ci-dessus que l'obligation de quitter le territoire français et la décision de refus d'un délai de départ volontaire ne sont pas entachées des illégalités que la requérante allègue. Dès lors, Mme A... D... n'est pas fondée à invoquer leur illégalité par voie d'exception à l'appui de ses conclusions dirigées contre l'interdiction de retour sur le territoire français édictée à son encontre.
11. Il ressort des pièces du dossier que si Mme A... D..., qui ne constitue aucune menace pour l'ordre public, résidait en France depuis neuf ans à la date de la décision attaquée, ses liens familiaux affectifs et sociaux en France demeurent, ainsi qu'il a été dit au point 4, limités. En outre, il ressort des pièces du dossier que Mme A... D... avait fait l'objet d'une première décision d'éloignement avant l'arrêté attaqué. Dans ces conditions, elle n'est pas fondée à soutenir que le préfet de l'Hérault a commis une erreur d'appréciation en lui interdisant le retour sur le territoire français pour une durée d'un an.
I.2.4. En ce qui concerne la décision fixant le pays de destination :
12. Il résulte de ce qui a été dit ci-dessus que la décision d'éloignement attaquée n'est pas entachée des illégalités que la requérante allègue. Dès lors, Mme A... D... n'est pas fondée à invoquer son illégalité par voie d'exception à l'appui de ses conclusions dirigées contre la décision fixant le pays de destination de l'éloignement.
13. Il résulte de tout ce qui précède que Mme A... D... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Montpellier a, par le jugement attaqué, rejeté sa demande.
II. Sur les conclusions à fin de sursis à exécution :
14. Le présent arrêt statue sur les conclusions tendant à l'annulation du jugement attaqué. Par suite, il n'y a pas lieu de statuer sur les conclusions à fin de sursis à exécution.
III. Sur les conclusions à fin d'injonction :
15. Le présent arrêt, qui rejette les conclusions à fin d'annulation présentées par Mme A... D..., n'appelle aucune mesure d'exécution. Par suite, ses conclusions à fin d'injonction ne peuvent qu'être également rejetées.
IV. Sur les frais liés au litige :
16. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique s'opposent à ce que la somme réclamée par Me B... sur leur fondement soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance.
D É C I D E :
Article 1er : Il n'y a pas lieu de statuer sur les conclusions à fin de sursis à exécution de la requête n° 20MA02026.
Article 2 : La requête n° 20MA02025 de Mme A... D... est rejetée.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à Mme G... A... D..., à Me B... et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée au préfet de l'Hérault.
Délibéré après l'audience du 21 septembre 2020, où siégeaient :
- Mme E... F..., présidente assesseure, présidente de la formation de jugement en application de l'article R. 222-26 du code de justice administrative,
- M. C... Grimaud, premier conseiller,
- M. François Point, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 5 octobre 2020.
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Nos 20MA02025, 20MA02026