Procédure devant la Cour :
Par une requête et un mémoire enregistrés le 7 avril 2020 et le 10 avril 2020, M. B..., représenté par Me C..., demande à la Cour :
1°) d'annuler cette ordonnance du président de la cinquième chambre du tribunal administratif de Nice ;
2°) d'annuler l'arrêté du 8 février 2019 du préfet des Alpes-Maritimes ;
3°) d'enjoindre au préfet des Alpes-Maritimes de lui délivrer un titre de séjour ou, à défaut, de réexaminer sa demande, en application des dispositions des articles L. 911-1 et L. 911-2 du code de justice administrative ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 2 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- l'ordonnance attaquée est entachée d'irrégularité car l'arrêté ne lui a pas été notifié le 3 avril 2019 ;
- il n'a pas été convoqué devant la commission du titre de séjour et l'arrêté attaqué est dès lors entaché de vice de procédure ;
- le préfet a fait une inexacte application des stipulations de l'article 42 de l'accord franco-sénégalais du 23 septembre 2006 et a commis une erreur manifeste d'appréciation dans l'application de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile car il s'est fondé sur un avis de la direction régionale des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi ne statuant pas sur ses qualifications ;
- l'obligation de quitter le territoire français est illégale par voie de conséquence de l'illégalité de la décision de refus de séjour ;
- le préfet a violé les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales en l'éloignant.
La requête de M. B... a été communiquée au préfet des Alpes-Maritimes, qui n'a pas produit de mémoire en défense.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- l'accord du 23 septembre 2006 entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République du Sénégal relatif à la gestion concertée des flux migratoires et l'avenant à cet accord signé le 25 février 2008 ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. D... Grimaud, rapporteur ;
- et les observations de Me A..., substituant Me C..., représentant M. B....
Considérant ce qui suit :
1. M. B..., ressortissant sénégalais né le 2 janvier 1974 et entré en France, selon ses déclarations, en 2000, a demandé le 13 octobre 2014 à se voir délivrer un titre de séjour. La décision rejetant cette demande adoptée par le préfet des Alpes-Maritimes le 18 novembre 2014 a été annulée par le tribunal administratif de Nice le 6 avril 2017. Cette juridiction ayant enjoint au préfet des Alpes-Maritimes de réexaminer la situation de M. B..., cette autorité a, par un nouvel arrêté en date du 8 février 2019, refusé le séjour à M. B... et l'a obligé à quitter le territoire français.
Sur la régularité de l'ordonnance attaquée :
2. Aux termes du I de l'article L. 512-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " I. _ L'étranger qui fait l'objet d'une obligation de quitter le territoire français sur le fondement des 3°, 5°, 7° ou 8° du I de l'article L. 511-1 ou sur le fondement de l'article L. 511-3-1 et qui dispose du délai de départ volontaire mentionné au premier alinéa du II de l'article L. 511-1 ou au sixième alinéa de l'article L. 511-3-1 peut, dans le délai de trente jours suivant sa notification, demander au tribunal administratif l'annulation de cette décision, ainsi que l'annulation de la décision relative au séjour, de la décision mentionnant le pays de destination et de la décision d'interdiction de retour sur le territoire français ou d'interdiction de circulation sur le territoire français qui l'accompagnent le cas échéant ". Aux termes du I de l'article R. 776-2 du code de justice administrative : " I. - Conformément aux dispositions du I de l'article L. 512-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, la notification d'une obligation de quitter le territoire français avec délai de départ volontaire, prise en application des 3°, 5°, 7° ou 8° du I de l'article L. 511-1 ou de l'article L. 511-3-1 du même code, fait courir un délai de trente jours pour contester cette obligation ainsi que les décisions relatives au séjour, au délai de départ volontaire, au pays de renvoi et à l'interdiction de retour ou à l'interdiction de circulation notifiées simultanément (...) ".
3. Si l'arrêté attaqué mentionne que " l'intéressé a pris connaissance de la décision le 3 avril au guichet " et qu'il " refuse de signer le 3 avril 2019 ", M. B... soutient qu'un document lui a été présenté lors de sa visite au guichet et qu'il lui a été demandé de le signer sans que lui soit remise une copie de ce document, faits qui sont confirmés par le conseil de l'exposant, qui accompagnait le requérant lors de son rendez-vous à la préfecture et qui fait valoir sans être contredit qu'il a demandé en vain à se voir délivrer un exemplaire de la décision attaquée. Il en résulte que le requérant, qui conteste formellement l'existence d'une notification suffisante à faire courir le délai de recours le 3 avril 2019, est fondé à soutenir qu'en l'absence de preuve de cette notification apportée par le préfet des Alpes-Maritimes, c'est à tort que le président de la cinquième chambre du tribunal administratif de Nice a jugé que le délai de recours a couru à compter de cette date et qu'il était forclos lors de l'introduction de sa demande.
4. Il ressort par ailleurs des pièces du dossier que, si le préfet des Alpes-Maritimes a fait valoir, au cours de l'instance de référé introduite par le requérant sur le fondement des dispositions de l'article L. 521-3 du code de justice administrative, que l'arrêté du 8 février 2019 a été notifié le 15 février 2019 à M. B..., les pièces postales produites par le préfet, qui ne permettent pas au demeurant de contrôler l'adresse à laquelle a été envoyé ce courrier, sont contradictoires, l'une indiquant que le destinataire a été avisé et que le pli n'a pas été réclamé, l'autre que la boîte aux lettres du destinataire n'a pu être identifiée. La notification de cette convocation à l'intéressé n'est donc pas établie.
5. Il résulte de ce qui précède que M. B... doit être regardé comme ayant eu une connaissance de l'arrêté suffisante à déclencher le délai de recours le 21 novembre 2019, date à laquelle il a été produit par le préfet des Alpes-Maritimes au cours de l'instance de référé. Il s'ensuit que la demande présentée par le requérant et enregistrée au greffe du tribunal administratif de Nice le 20 décembre 2019 était recevable.
6. Il y a lieu, compte tenu de ce qui vient d'être dit, d'annuler l'ordonnance attaquée et, l'affaire étant en état, d'évoquer.
Sur les conclusions à fin d'annulation :
7. Aux termes des dispositions de l'article L. 312-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dans leur rédaction alors en vigueur : " La commission est saisie par l'autorité administrative lorsque celle-ci envisage de refuser de délivrer ou de renouveler une carte de séjour temporaire à un étranger mentionné à l'article L. 313-11 ou de délivrer une carte de résident à un étranger mentionné aux articles L. 314-11 et L. 314-12, ainsi que dans le cas prévu à l'article L. 431-3. L'étranger est convoqué par écrit au moins quinze jours avant la date de la réunion de la commission qui doit avoir lieu dans les trois mois qui suivent sa saisine ; il peut être assisté d'un conseil ou de toute personne de son choix et être entendu avec l'assistance d'un interprète. (....) ". Aux termes du deuxième alinéa de l'article L. 313-14 du même code : " L'autorité administrative est tenue de soumettre pour avis à la commission mentionnée à l'article L. 312-1 la demande d'admission exceptionnelle au séjour formée par l'étranger qui justifie par tout moyen résider en France habituellement depuis plus de dix ans ".
8. Si le préfet des Alpes-Maritimes a soutenu, dans le cadre de la procédure de référé introduite par le requérant sur le fondement des dispositions de l'article L. 521-3 du code de justice administrative, que le courrier du 14 novembre 2018 convoquant M. B... à la séance de la commission du titre de séjour du 13 décembre 2018 lui a été envoyé en lettre recommandée avec accusé de réception, il ressort des pièces du dossier que l'enveloppe et l'avis de dépôt qu'il produit comportent un numéro de recommandé différent de celui porté sur le courrier en cause. M. B... contestant avoir reçu ce courrier, et le préfet n'établissant pas, ainsi qu'il vient d'être dit, cette notification, le requérant est fondé à soutenir que la décision de refus de titre de séjour qui lui a été opposée est entachée de vice de procédure et doit être annulée ainsi que, par voie de conséquence, l'obligation de quitter le territoire français et la décision fixant le pays de destination.
Sur les conclusions à fin d'injonction :
9. Aux termes de l'article L. 911-2 du code de justice administrative : " Lorsque sa décision implique nécessairement qu'une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d'un service public prenne à nouveau une décision après une nouvelle instruction, la juridiction, saisie de conclusions en ce sens, prescrit, par la même décision juridictionnelle, que cette nouvelle décision doit intervenir dans un délai déterminé ".
10. Eu égard au motif pour lequel elle est prononcée, l'annulation prononcée par le présent arrêt implique seulement, au vu des motifs exposés au point 8, que le préfet des Alpes-Maritimes réexamine la demande présentée par M. B... dans un délai de deux mois à compter de sa notification. Il y a lieu de le lui enjoindre.
Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 :
11. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat le versement à M. B... de la somme de 1 500 euros.
D É C I D E :
Article 1er : L'ordonnance n° 1906086 du président de la cinquième chambre du tribunal administratif de Nice du 3 mars 2020 est annulée.
Article 2 : L'arrêté du préfet des AlpesMaritimes du 8 février 2019 est annulé.
Article 3 : Il est enjoint au préfet des AlpesMaritimes de réexaminer la demande de M. B... dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt.
Article 4 : L'Etat versera une somme de 1 500 euros à M. B... en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 5 : Le surplus des conclusions de M. B... est rejeté.
Article 6 : Le présent arrêt sera notifié à M. G... B... et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée au préfet des Alpes-Maritimes et au procureur de la République près le tribunal judiciaire de Nice.
Délibéré après l'audience du 5 octobre 2020, où siégeaient :
- M. Guy Fédou, président,
- Mme E... F..., présidente assesseure,
- M. D... Grimaud, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 19 octobre 2020.
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N° 20MA01584