Procédure devant la Cour :
Par une requête enregistrée le 14 juin 2018, Mme C... épouseD..., représentée par Me B..., demande à la Cour :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) d'annuler l'arrêté du préfet de l'Hérault du 19 avril 2017 ;
3°) d'enjoindre au préfet de l'Hérault de lui délivrer un titre de séjour dans un délai d'un mois à compter de la notification du jugement à intervenir ou, à défaut, de réexaminer sa situation et de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour dans un délai de huit jours ;
4°) de mettre une somme de 1 500 euros à la charge de l'Etat, à verser à Me B... en application des dispositions combinées de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 et de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- le jugement est irrégulier car le tribunal n'a pas fait usage de ses pouvoirs d'instruction en vue de la production de son dossier ;
- la décision de refus de séjour est insuffisamment motivée ;
- cette décision est entachée d'erreur de droit car le préfet n'a pas examiné sa situation personnelle ;
- le préfet a méconnu les dispositions du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- cette décision viole les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- cette décision est entachée d'erreur manifeste d'appréciation quant à ses conséquences sur sa vie personnelle ;
- l'obligation de quitter le territoire français est illégale par voie de conséquence de l'illégalité du refus de séjour ;
- cette décision méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- cette décision est entachée d'erreur manifeste d'appréciation quant à ses conséquences sur sa vie personnelle ;
- la décision fixant le pays de destination est illégale par voie de conséquence de l'illégalité de la décision de refus de séjour et de l'obligation de quitter le territoire français.
Par un mémoire enregistré le 15 octobre 2018, le préfet de l'Hérault conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens soulevés par Mme C... épouse D...ne sont pas fondés.
Mme C... épouse D...a obtenu le bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 20 avril 2018.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de M. E... Grimaud, rapporteur, a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. Mme C... épouseD..., née le 11 octobre 1974 et de nationalité marocaine, est entrée en France le 1er septembre 2013 selon ses déclarations. A la suite de son mariage avec un ressortissant français, elle a demandé le 4 avril 2017 l'octroi d'un titre de séjour sur le fondement des dispositions du 4° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Le 19 avril 2017, le préfet de l'Hérault a rejeté cette demande, a obligé Mme C... épouse D...à quitter le territoire français et a désigné le Maroc comme pays de destination de cette mesure d'éloignement.
Sur la régularité du jugement attaqué :
2. Aux termes des dispositions de l'article R. 611-10 du code de justice administrative : " Sous l'autorité du président de la chambre à laquelle il appartient et avec le concours du greffier de cette chambre, le rapporteur fixe, eu égard aux circonstances de l'affaire, le délai accordé aux parties pour produire leurs mémoires. Il peut demander aux parties, pour être jointes à la procédure contradictoire, toutes pièces ou tous documents utiles à la solution du litige ".
3. La possibilité de solliciter des parties la production de pièces ou documents utiles à la solution du litige constitue l'un des pouvoirs propres du juge, qui n'est pas lié en cela par la demande des parties et qui décide ainsi souverainement de recourir à une telle mesure. En l'espèce, les premiers juges, qui disposaient des nombreuses pièces produites par les parties, suffisantes pour leur permettre de trancher le litige, ont pu valablement statuer sur la demande de Mme C... épouse D...sans procéder à une mesure d'instruction. La requérante n'est dès lors pas fondée à soutenir que le jugement attaqué serait irrégulier sur ce point.
Sur le bien-fondé du jugement attaqué :
4. En premier lieu, aux termes de l'article L. 211-2 du code des relations entre le public et l'administration : " Les personnes physiques ou morales ont le droit d'être informées sans délai des motifs des décisions administratives individuelles défavorables qui les concernent. " ; qu'aux termes de l'article L. 211-5 du même code : " La motivation exigée par le présent chapitre doit être écrite et comporter l'énoncé des considérations de droit et de fait qui constituent le fondement de la décision. ".
5. La décision de refus de séjour contestée comporte l'énoncé des considérations de droit et de fait sur lesquelles elle se fonde. Dès lors, le moyen tiré de ce que cette décision serait insuffisamment motivée doit être écarté.
6. En deuxième lieu, il ressort des pièces du dossier et, en particulier, des mentions de la décision attaquée, que le préfet de l'Hérault a procédé à l'examen particulier de la situation personnelle de Mme C... épouse D...avant de lui refuser le séjour, sans que la circonstance qu'il a statué rapidement sur la demande de l'intéressée puisse, à elle seule, établir l'erreur de droit alléguée à ce titre.
7. En troisième lieu, l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales stipule : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ". Le 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dispose quant à lui : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit : / (...) 7° A l'étranger ne vivant pas en état de polygamie, qui n'entre pas dans les catégories précédentes ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, dont les liens personnels et familiaux en France, appréciés notamment au regard de leur intensité, de leur ancienneté et de leur stabilité, des conditions d'existence de l'intéressé, de son insertion dans la société française ainsi que de la nature de ses liens avec la famille restée dans le pays d'origine, sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus, sans que la condition prévue à l'article L. 313-2 soit exigée. L'insertion de l'étranger dans la société française est évaluée en tenant compte notamment de sa connaissance des valeurs de la République (...) ".
8. Mme C... épouseD..., qui est entrée irrégulièrement en France, n'établit pas la continuité de son séjour depuis 2013. Si elle a épousé un ressortissant français, cette union datait de moins de six mois à la date de la décision attaquée et la requérante ne soutient ni n'établit que la relation qui l'unit à son époux serait ancienne et stable. Par ailleurs, le couple n'a pas d'enfant et il ne ressort pas des pièces du dossier que Mme C... épouse D...ait d'autres liens familiaux en France ou en soit dépourvu au Maroc. Enfin, le refus de titre de séjour qui lui a été opposé repose sur l'absence de visa de long séjour nécessaire à l'octroi d'un titre de séjour sur le fondement des dispositions du 4° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et a pour seul effet de la contraindre à solliciter depuis le Maroc un tel visa, dont la délivrance est de plein droit pour les conjoints de ressortissants français. Dans ces conditions, Mme C... épouse D...n'est pas fondée à soutenir que le préfet de l'Hérault a porté à son droit à mener une vie privée et familiale normale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels l'arrêté a été pris. Les moyens tirés de la méconnaissance des stipulations et dispositions précitées doivent dès lors être écartés, ainsi que, pour les mêmes motifs, celui tiré de l'erreur manifeste commise dans l'appréciation des conséquences de cet arrêté sur la vie personnelle de l'intéressé.
En ce qui concerne l'obligation de quitter le territoire français :
9. En premier lieu, il résulte de ce qui vient d'être dit que la décision de refus de séjour n'est pas entachée des illégalités que la requérante lui impute. Mme C... épouse D...n'est dès lors pas fondée à soutenir que l'obligation de quitter le territoire français serait illégale par voie de conséquence de l'illégalité de la décision de refus de séjour.
10. En second lieu, les moyens tirés de la méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et de l'erreur manifeste d'appréciation sont soulevés par la requérante dans les mêmes termes qu'en ce qui concerne la décision lui refusant l'octroi d'un titre de séjour. Il y a lieu, par suite de les écarter pour les mêmes motifs que ceux exposés au point 8 ci-dessus.
En ce qui concerne la décision fixant le pays de destination :
11. Il résulte de ce qui vient d'être dit que la décision de refus de séjour et l'obligation de quitter le territoire français ne sont pas entachées des illégalités que la requérante leur impute. Mme C... épouse D...n'est dès lors pas fondée à soutenir que la décision fixant le pays de destination serait illégale par voie de conséquence de l'illégalité de ces deux décisions.
12. Il résulte de tout ce qui précède que Mme C... épouse D...n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande. Sa requête doit dès lors être rejetée.
Sur les conclusions à fin d'injonction :
13. Le présent arrêt rejette les conclusions à fin d'annulation présentées par Mme C... épouseD.... Il n'implique dès lors aucune mesure d'exécution au sens des articles L. 911-1 et suivants du code de justice administrative et il convient en conséquence de rejeter les conclusions à fin d'injonction présentées par la requérante.
Sur les frais liés au litige :
14. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 s'opposent à ce qu'il soit fait droit à la demande présentée par Mme C... épouse D...dès lors que l'Etat n'est pas la partie perdante dans la présente instance.
D É C I D E :
Article 1er : La requête de Mme C... épouse D...est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme A... C...épouseD..., à Me B... et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée au préfet de l'Hérault.
Délibéré après l'audience du 22 octobre 2018, où siégeaient :
- M. David Zupan, président,
- M. E... Grimaud, premier conseiller,
- M. Allan Gautron, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 12 novembre 2018.
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N° 18MA02806