Procédure devant la Cour :
I. - Par une requête enregistrée le 10 août 2018 sous le n° 18MA03867, le préfet des Bouches-du-Rhône demande à la Cour :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) de rejeter la demande présentée par M. A... devant le tribunal administratif de Marseille.
Il soutient que :
- le moyen d'erreur manifeste d'appréciation dans l'application de l'article 17 du règlement n° 604/2013 du 26 juin 2013 retenu par le premier juge est infondé ;
- les autres moyens soulevés par M. A... étaient infondés.
Par un mémoire en défense enregistré le 30 août 2018, M. B... A...conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens soulevés par le préfet des Bouches-du-Rhône sont infondés.
Par une ordonnance du 12 septembre 2018, la clôture de l'instruction a été fixée au 26 septembre 2018.
II. - Par une requête enregistrée le 10 août 2018 sous le n° 18MA03868, le préfet des Bouches-du-Rhône demande à la Cour d'ordonner le sursis à exécution du jugement du magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Marseille du 16 juin 2018.
Il soutient que :
- l'absence de bien-fondé du moyen d'erreur manifeste d'appréciation dans l'application de l'article 17 du règlement n° 604/2013 du 26 juin 2013 retenu par le premier juge est sérieux ;
- les autres moyens soulevés par M. A... étaient infondés.
Par un mémoire en défense enregistré le 30 août 2018, M. A... conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens soulevés par le préfet des Bouches-du-Rhône sont infondés.
Par une ordonnance du 12 septembre 2018, la clôture de l'instruction a été fixée au 28 septembre 2018.
M. A...a obtenu le bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par deux décisions en date du 26 octobre 2018.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. D... Grimaud, rapporteur,
- et les observations de Me C..., représentant M. A....
Considérant ce qui suit :
1. M. A..., ressortissant ivoirien né le 25 avril 1992, est entré irrégulièrement en France le 1er avril 2017 selon ses déclarations et a déposé une demande d'asile auprès de la préfecture des Bouches-du-Rhône le 22 mars 2018. Le préfet des Bouches-du-Rhône a décidé le 11 juin 2018 sa remise aux autorités italiennes en vue de l'examen de cette demande et l'a assigné à résidence le même jour. Le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Marseille a annulé ces deux arrêtés par un jugement du 16 juin 2018.
Sur le bien-fondé du jugement attaqué :
2. En premier lieu, le paragraphe 1 de l'article 17 du règlement du 26 juin 2013 établissant les critères et mécanismes de détermination de l'État membre responsable de l'examen d'une demande de protection internationale introduite dans l'un des États membres par un ressortissant de pays tiers ou un apatride dispose : " Par dérogation à l'article 3, paragraphe 1, chaque État membre peut décider d'examiner une demande de protection internationale qui lui est présentée par un ressortissant de pays tiers ou un apatride, même si cet examen ne lui incombe pas en vertu des critères fixés dans le présent règlement. / L'État membre qui décide d'examiner une demande de protection internationale en vertu du présent paragraphe devient l'État membre responsable et assume les obligations qui sont liées à cette responsabilité. (...) " ;
3. S'il ressort des pièces du dossier que M. A..., dont le cousin réside en France, dispose d'un hébergement, a noué des liens amicaux et s'est vu offrir une promesse d'embauche, sa présence en France ne datait que d'un peu plus d'un an à la date de l'arrêté attaqué. A cette date, son insertion socioprofessionnelle demeurait limitée à des travaux de formation et d'aide à un particulier, de consistance et d'ampleur inconnues, en dehors de tout cadre professionnel établi, et à une participation de nature indéterminée à des activités associatives. Par ailleurs, si M. A... a besoin de soins, il n'établit pas, par les pièces qu'il produit, que les affections dont il est atteint ne pourraient être prises en charge de manière satisfaisante en Italie. Enfin, le requérant ne démontre pas, par sa seule argumentation, laquelle n'est étayée sur ce point par aucune pièce, que l'accueil des demandeurs d'asile et l'examen de leurs demandes pâtiraient en Italie de défaillances systémiques justifiant que les autorités françaises examinent sa demande de protection internationale. Il en résulte que le préfet des Bouches-du-Rhône est fondé à soutenir que c'est à tort que le premier juge a retenu le moyen tiré de l'erreur manifeste d'appréciation commise dans l'application des dispositions de l'article 17 du règlement du 26 juin 2013, l'arrêté ne méconnaissant pas davantage, pour les raisons qui viennent d'être exposées, les stipulations des articles 3 et 8 de la convention européenne de sauvegarde de droits de l'homme et des libertés fondamentales ni les dispositions des articles 4 et 18 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne.
4. Toutefois, lorsque le juge d'appel, saisi par le défendeur de première instance, censure le motif retenu par les premiers juges, il lui appartient, en vertu de l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner l'ensemble des moyens présentés par l'intimé en première instance, alors même qu'ils ne seraient pas repris dans les écritures produites, le cas échéant, devant lui, à la seule exception de ceux qui auraient été expressément abandonnés en appel.
5. Mme E...F..., signataire de la décision attaquée, bénéficiait, en sa qualité d'adjoint au chef du pôle régional Dublin à la préfecture des Bouches-du-Rhône, par un arrêté du préfet des Bouches-du-Rhône du 26 février 2018, régulièrement publié le même jour au recueil des actes administratifs de la préfecture, d'une délégation de signature à l'effet de signer notamment les décisions de transfert prises en application du livre VII du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par suite, le moyen tiré de l'incompétence du signataire de l'arrêté attaqué doit être écarté.
6. Il résulte de ce qui précède que le préfet des Bouches-du-Rhône est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le premier juge a annulé son arrêté du 11 juin 2018 décidant la remise de M. A... aux autorités italiennes ainsi que l'arrêté du même jour par lequel il l'a assigné à résidence. Il y donc lieu de faire droit à sa requête, d'annuler ce jugement et de rejeter la demande de M. A... tendant à l'annulation de l'arrêté du préfet des Bouches-du-Rhône du 11 juin 2018.
Sur les conclusions présentées au titre de l'article R. 811-15 :
7. Le présent arrêt statue sur les conclusions à fin d'annulation du jugement attaqué. Dès lors, les conclusions du préfet des Bouches-du-Rhône tendant à ce que le sursis à exécution de ce jugement soit ordonné sur le fondement des dispositions de l'article R. 811-15 du code de justice administrative sont devenues sans objet. Il n'y a donc pas lieu d'y statuer.
Sur les frais liés au litige :
8. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 s'opposent à ce qu'il soit fait droit à la demande présentée par M. A... dès lors que l'Etat n'est pas la partie perdante dans la présente instance.
D É C I D E :
Article 1er : Le jugement n° 1804643 du tribunal administratif de Marseille du 16 juin 2018 est annulé.
Article 2 : La demande présentée par M. A... devant le tribunal administratif de Marseille est rejetée.
Article 3 : Il n'y a pas lieu de statuer sur la requête n° 18MA03868.
Article 4 : Les conclusions de M. A... tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 5 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'intérieur à M. B... A...et à Me C....
Copie en sera adressée au préfet des Bouches-du-Rhône.
Délibéré après l'audience du 22 octobre 2018, où siégeaient :
- M. David Zupan, président,
- M. D... Grimaud, premier conseiller,
- M. Allan Gautron, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 12 novembre 2018.
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N°s 18MA03867-18MA03868