Procédure devant la Cour :
Par une requête, enregistrée le 12 mars 2016, Mme C..., représentée par Me Khadraoui-Zgaren, demande à la Cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Nice du 19 février 2016 ;
2°) d'annuler l'arrêté du préfet des Alpes-Maritimes du 2 juillet 2015 ;
3°) d'enjoindre au préfet des Alpes-Maritimes, à titre principal, de lui délivrer un titre de séjour sous astreinte de 100 euros par jour de retard, à titre subsidiaire de réexaminer son dossier dans un délai de quinze jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 150 euros par jour de retard, et de lui délivrer, en cette attente, une autorisation provisoire de séjour ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 2 000 euros à verser à son conseil, lequel renonce à percevoir l'aide juridictionnelle en application des dispositions combinées de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique.
Elle soutient que :
- l'arrêté n'est pas suffisamment motivé, est stéréotypé ;
- le préfet aurait dû saisir la commission du titre de séjour dès lors qu'elle pouvait bénéficier de plein droit d'un titre de séjour, au titre des dispositions de l'article l. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- l'arrêté méconnaît l'article 3 de l'accord franco-tunisien du 17 mars 1988 modifié ;
- elle peut se prévaloir des dispositions de l'article 7 ter d) de l'accord bilatéral franco-tunisien ;
- l'arrêté contesté méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et les dispositions du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- l'arrêté porte une atteinte grave et disproportionnée à sa vie privée et familiale.
Mme C... a été admise au bénéficie de l'aide juridictionnelle partielle (25 %) par une décision du 23 mai 2016.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- l'accord franco-tunisien du 17 mars 1988 modifié ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
A été entendu au cours de l'audience publique le rapport de Mme Steinmetz-Schies.
1. Considérant que Mme A... épouseC..., ressortissante tunisienne, née le 19 juillet 1978, est entrée en France, le 24 janvier 2006, sous couvert d'un visa de court séjour délivré par les autorités grecques, et a déclaré s'y être maintenue ; qu'il ressort de l'examen de son passeport, délivré en 2008 à Tunis, qu'en 2009 et 2010 de multiples tampons d'entrée et de sorties du territoire français y sont apposés ; qu'un visa Schengen C pour une durée n'excédant pas 90 jours lui a ainsi permis d'entrer en France le 24 août 2010 ; que le 20 novembre 2012, elle a été condamnée à une peine d'un an d'emprisonnement avec sursis pour faux et usage d'un faux document administratif en 2010 ; que le 19 juillet 2013, le préfet des Alpes-Maritimes lui a refusé le séjour et lui a fait obligation de quitter le territoire français ; que par un arrêt du 12 mars 2015, la cour administrative d'appel de Marseille a annulé, pour un motif de légalité externe, l'arrêté du 19 juillet 2013 et a enjoint au préfet de réexaminer sa demande; que par un arrêté du 2 juillet 2015, le préfet des Alpes-Maritimes a rejeté sa demande de titre de séjour, l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination ; que Mme C... relève appel du jugement du 19 février 2016 qui a rejeté sa demande d'annulation de l'arrêté du 2 juillet 2015 ;
2. Considérant en premier lieu, que l'arrêté du 2 juillet 2015 par lequel le préfet des Alpes-Maritimes a refusé de délivrer à Mme C... un titre de séjour et l'a obligée à quitter le territoire français, pris au visa de l'article L. 511-1 I du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, ainsi que de l'accord franco-tunisien du 17 mars 1988 modifié, rappelle notamment les conditions d'entrée et de séjour de l'intéressée, sa situation maritale et familiale, rappelle la présence en France de son fils Ali, né le 19 février 1997, entré en France le 14 juillet 2011, majeur depuis février 2015, et est ainsi suffisamment motivé en fait et en droit ; que la motivation de cet arrêté, n'est pas stéréotypée, et démontre que le préfet a procédé à un examen particulier de sa situation personnelle ; que, par suite, le moyen tiré de l'insuffisante motivation de l'arrêté manque en fait et doit être écarté ;
3. Considérant en deuxième lieu, qu'aux termes de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " La carte de séjour temporaire mentionnée à l'article L. 313-11 ou la carte de séjour temporaire mentionnée au 1° de l'article L. 313-10 peut être délivrée, sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, à l'étranger ne vivant pas en état de polygamie dont l'admission au séjour répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard des motifs exceptionnels qu'il fait valoir, sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 311-7 (...) " ; qu'il résulte des dispositions de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile que, si le législateur a prévu que la commission nationale de l'admission exceptionnelle au séjour donnera un avis sur les critères d'admission exceptionnelle au séjour, il a entendu laisser à l'administration un large pouvoir pour apprécier si l'admission au séjour d'un étranger répond à des considérations humanitaires ou si elle se justifie au regard des motifs exceptionnels que celui-ci fait valoir ; que dans ces conditions, il appartient seulement au juge administratif, saisi d'un moyen en ce sens, de vérifier que l'administration n'a pas commis d'erreur manifeste dans l'appréciation qu'elle a portée sur l'un ou l'autre de ces points ;
4. Considérant que si Mme C... fait valoir qu'elle réside de manière habituelle en France depuis 2006, qu'elle est mariée, que son fils réside en France et qu'elle bénéficie de contrats de travail, ces circonstances ne suffisent pas à caractériser des considérations humanitaires ou des motifs exceptionnels au sens des dispositions précitées ; que, par suite, le préfet n'a pas méconnu les dispositions précitées et n'était pas tenu de saisir, pour ce motif, la commission de titre de séjour ;
5. Considérant en troisième lieu, qu'aux termes de l'article 3 de l'accord franco-tunisien du 17 mars 1988 modifié : " 2.3.3 Le titre de séjour portant la mention " salarié ", prévu par le premier alinéa de l'article 3 de l'Accord du 17 mars 1988 modifié, est délivré à un ressortissant tunisien en vue de l'exercice, sur l'ensemble du territoire français, de l'un des métiers énumérés sur la liste figurant à l'Annexe I du présent Protocole, sur présentation d'un contrat de travail visé par l'autorité française compétente sans que soit pris en compte la situation de l'emploi (...) " ; qu'aux termes de l'article 3 dudit accord : " Les ressortissants tunisiens désireux d'exercer une activité professionnelle salariée en France pour une durée d'un an au minimum, et qui ne relèvent pas des dispositions de l'article 1er du présent Accord reçoivent après contrôle médical et sur présentation d'un contrat de travail visé par les autorités compétentes, un titre de séjour valable un an renouvelable et portant la mention " salarié " " ;
6. Considérant que Mme C... fait valoir qu'elle a été embauchée et que la préfecture lui a délivré un récépissé l'autorisant à travailler ; qu'il résulte toutefois de l'instruction que si Mme C... a été embauchée en mars 2015, elle a été licenciée dès juillet 2015 par son employeur dès lors qu'elle avait fourni une fausse carte de résident pour se faire embaucher ; que, par suite, Mme C..., qui ne présentait pas un contrat de travail visé par le autorités compétentes, qui n'établit ni même n'allègue qu'une demande d'autorisation de travail aurait été présentée par son employeur, ne peut soutenir que le préfet a méconnu les dispositions précitées ;
7. Considérant en quatrième lieu, qu'aux termes de l'article 7 ter d) de l'accord franco-tunisien : " (...) reçoivent de plein droit un titre de séjour renouvelable valable un an et donnant droit à l'exercice d'une activité professionnelle dans les conditions fixées à l'article 7 : (...) les ressortissants tunisiens qui, à la date d'entrée en vigueur de l'accord signé à Tunis le 28 avril 2008, justifient par tous moyens résider habituellement en France depuis plus de dix ans, le séjour en qualité d'étudiant n'étant pas pris en compte dans la limite de cinq ans ; (...) " ;
8. Considérant que si Mme C... soutient résider en France depuis 2006, elle ne l'établit pas plus en appel qu'en première instance ; que, par suite, le moyen tiré de la méconnaissance de l'article 7 ter d) de l'accord précité doit être écarté ;
9. Considérant en cinquième lieu, qu'aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit : (...) / 7° A l'étranger ne vivant pas en état de polygamie, qui n'entre pas dans les catégories précédentes ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, dont les liens personnels et familiaux en France, appréciés notamment au regard de leur intensité, de leur ancienneté et de leur stabilité, des conditions d'existence de l'intéressé, de son insertion dans la société française ainsi que de la nature de ses liens avec la famille restée dans le pays d'origine, sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus, sans que la condition prévue à l'article L. 311-7 soit exigée. L'insertion de l'étranger dans la société française est évaluée en tenant compte notamment de sa connaissance des valeurs de la République (...). " ; qu'aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1° - Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2° - Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui " ;
10. Considérant que Mme C... soutient qu'elle réside en France depuis 2006 et fait valoir qu'elle s'est mariée à plusieurs reprises en France, la dernière fois le 13 juillet 2012, que son fils, entré en France le 14 juillet 2011, bénéficie d'une bourse pour poursuivre ses études, qu'elle contribue financièrement et moralement à son entretien, qu'elle n'a plus d'attaches dans son pays d'origine et est bien insérée dans la société française ; que toutefois l'intéressée a été impliquée à plusieurs reprises dans une procédure pour faux et usage de faux documents administratifs ; que, compte tenu de l'ensemble des circonstances de l'espèce, en particulier des conditions et de la durée du séjour de la requérante en France, l'arrêté lui refusant la délivrance d'un titre de séjour ne porte pas à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels il a été pris et ne méconnait pas les stipulations et dispositions précitées ;
11. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que Mme C... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nice a rejeté sa demande ; que ses conclusions à fin d'injonction, et celles tendant à ce qu'une somme représentative des frais de procédure soit, en application des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative ou 37 de la loi du 10 juillet 1991, mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas la partie perdante, ne peuvent, par voie de conséquence, qu'être rejetées ;
D É C I D E :
Article 1er : La requête de Mme C... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme B... A...épouseC..., à Me Khadraoui-Zgaren, avocat et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée au préfet des Alpes-Maritimes.
Délibéré après l'audience du 5 décembre 2016, où siégeaient :
- M. Moussaron, président,
- Mme Steinmetz-Schies, président-assesseur,
- Mme Héry, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 19 décembre 2016.
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N° 16MA00991