Par un arrêt n° 14MA02676 du 5 novembre 2015, la cour administrative d'appel de Marseille a annulé le jugement du tribunal administratif de Marseille du 18 avril 2014 et a rejeté la demande de MmeB....
Par une décision n° 395931 du 20 octobre 2016, le Conseil d'Etat a annulé cet arrêt et a renvoyé l'affaire devant la Cour.
Procédure devant la Cour :
Par une requête, enregistrée le 18 juin 2014, MmeB..., représentée par MeC..., demande à la Cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Marseille du 18 avril 2014 en tant qu'il ne lui a pas donné entière satisfaction ;
2°) de condamner la communauté urbaine Marseille Provence Métropole à lui verser la somme de 90 594,74 euros ;
3°) de condamner la communauté urbaine Marseille Provence Métropole aux dépens, comprenant les frais d'expertise à hauteur de la somme de 1 400 euros ;
4°) de mettre une somme de 3 000 euros à la charge de la communauté urbaine Marseille Provence Métropole au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- sa chute est exclusivement due au défaut d'entretien normal de la voie publique ;
- aucune situation de force majeure ne peut lui être opposée ;
- elle n'a commis aucune faute de nature à exonérer la communauté urbaine de sa responsabilité ;
- elle justifie des préjudices résultant de son accident.
Par des mémoires en défense, enregistrés les 1er octobre 2014 et 6 octobre 2015, la communauté urbaine Marseille Provence Métropole conclut :
- à titre principal, par la voie de l'appel incident, à l'annulation de ce jugement et au rejet de la demande de MmeB... ;
- à titre subsidiaire, à ce que l'indemnisation de la requérante soit ramenée à de plus justes proportions.
Elle soutient que :
- elle justifie de l'entretien normal de la voie publique ;
- Mme B...a commis une faute de nature à l'exonérer totalement de sa responsabilité ;
- les préjudices dont elle se prévaut sont surévalués.
Par un mémoire, enregistré le 26 mai 2015, le département des Bouches-du-Rhône conclut :
- à la réformation du jugement du tribunal administratif de Marseille du 18 avril 2014 ;
- à ce que la somme mise à la charge de la communauté urbaine Marseille Provence Métropole au titre des prestations versées à la requérante soit portée à 103 708,67 euros, assortie des intérêts au taux légal.
Il soutient que :
- il a droit au remboursement des prestations versées à MmeB..., agent territorial ;
- il justifie de leur montant.
La requête a été communiquée à la caisse primaire d'assurance maladie des Bouches-du-Rhône, qui n'a produit aucune observation.
Un courrier du 19 décembre 2016 adressé aux parties en application de l'article R. 611-11-1 du code de justice administrative les a informées de la période à laquelle il est envisagé d'appeler l'affaire à l'audience et a indiqué la date à partir de laquelle l'instruction pourra être close dans les conditions prévues par le dernier alinéa de l'article R. 613-1 et le dernier alinéa de l'article R. 613-2.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience par un avis d'audience adressé le 21 février 2017 portant clôture d'instruction immédiate en application des dispositions de l'article R. 613-2 du code de justice administrative.
Un mémoire présenté pour le département des Bouches-du-Rhône, enregistré le 8 mars 2017, n'a pas été communiqué.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- l'ordonnance n° 59-76 du 7 janvier 1959 ;
- la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 ;
- le code de la route ;
- le code de la sécurité sociale ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Héry,
- les conclusions de M. Thiele, rapporteur public,
- et les observations de MeA..., représentant le département des Bouches-du-Rhône.
Une note en délibéré présentée pour le département des Bouches-du-Rhône a été enregistrée le 13 mars 2017.
1. Considérant qu'à la suite d'une chute survenue le 26 octobre 2010 sur la voie publique, Mme B...a saisi le tribunal administratif de Marseille d'une demande tendant à la condamnation de la communauté urbaine Marseille Provence Métropole, devenue Métropole d'Aix-Marseille-Provence, à réparer les préjudices résultant de cet accident ; que par jugement du 18 avril 2014, le tribunal administratif de Marseille a partiellement fait droit à sa demande en retenant une part de responsabilité de 30 % de la collectivité et en condamnant cette dernière à verser à Mme B...la somme de 5 070 euros en réparation de ses préjudices et au département des Bouches-du-Rhône, son employeur, la somme de 31 113,20 euros en remboursement des prestations versées pour le compte de l'intéressée ; que par arrêt n° 14MA02676 du 5 novembre 2015, la Cour a annulé ce jugement et rejeté la demande de Mme B...en considérant que son accident était uniquement dû à son imprudence ; que par décision n° 395931 du 20 octobre 2016, le Conseil d'Etat a annulé cet arrêt au motif que la Cour avait inexactement qualifié les faits de l'espèce et a renvoyé l'affaire devant la Cour ;
Sur la responsabilité de la métropole d'Aix-Marseille-Provence :
2. Considérant qu'il résulte de l'instruction, et notamment des attestations circonstanciées établies par des riverains ainsi que par les marins-pompiers de Marseille, que Mme B...a été victime le 26 octobre 2010 à 9 heures d'une chute alors qu'elle se trouvait à l'angle des rues Michel Gachet et Nicolaïs, sur le territoire de la commune de Marseille, lui occasionnant une fracture complexe de la rotule gauche ;
3. Considérant que l'accident survenu à Mme B...a pour origine la présence d'un volumineux tas de déchets recouvrant le trottoir et débordant sur une partie de la chaussée ; que cette situation était la conséquence d'un mouvement de grève des éboueurs ayant débuté 14 jours plus tôt ; que si la métropole affirme que les moyens nécessaires ont été mobilisés pour faire face à l'amoncellement d'ordures ménagères dans les rues de Marseille, elle n'en justifie pas, alors même qu'il ressort d'un article de presse produit par Mme B...que les mesures visant à permettre une première collecte des déchets n'ont été mises en oeuvre que le 27 octobre 2010, lendemain de l'accident dont a été victime la requérante ; que, compte tenu de l'absence de collecte des déchets pendant près de deux semaines et de l'absence de mesures palliatives prises par la communauté urbaine, leur présence en grande quantité dans les rues ne revêt pas un caractère accidentel, la collectivité ayant disposé du temps nécessaire à l'organisation de mesures provisoires destinées à remédier aux conséquences du mouvement de grève ; que, par suite, la présence de cet obstacle est révélatrice d'un défaut d'entretien normal de nature à engager la responsabilité de la métropole d'Aix-Marseille-Provence ;
4. Considérant que, pour se décharger de sa responsabilité, la métropole ne peut utilement invoquer le fait du tiers, constitué par la grève des éboueurs ; que ce mouvement de grève ne revêt pas non plus un caractère de force majeure, dès lors que, comme il vient d'être dit, ce mouvement durait depuis près de deux semaines et que la présence anormale d'importants volumes de déchets ménagers sur les voies publiques n'était dès lors pas imprévisible ;
5. Considérant, toutefois, que l'accident a eu lieu à 9 heures du matin ; que le tas d'immondices était visible et que s'il débordait du trottoir sur une partie de la chaussée, il pouvait être contourné par MmeB..., qui aurait pu emprunter, sans méconnaître les dispositions de l'article R. 412-34 du code de la route dès lors que le trottoir était impraticable, le côté gauche de la rue Gachet puis de la rue Nicolaïs, dépourvus d'obstacle, ainsi qu'il ressort des photographies produites par l'intéressée ; que l'imprudence ainsi commise par la requérante est de nature à exonérer de moitié la responsabilité de la Métropole Aix-Marseille-Provence ;
Sur les préjudices :
En ce qui concerne l'évaluation du préjudice total et de l'indemnité mise à la charge du tiers responsable :
6. Considérant que si l'expert judiciaire a fixé la date de consolidation de l'état de santé de Mme B...au 27 mai 2011, il a cependant précisé que l'intéressée devait subir une intervention chirurgicale en vue de l'ablation du matériel d'ostéosynthèse et a notamment procédé à une évaluation du déficit fonctionnel temporaire en résultant ; qu'il résulte de l'instruction que cette intervention s'est déroulée le 5 janvier 2012 et que Mme B...a été placée en congé de maladie ordinaire jusqu'au 5 février 2012 ; qu'il y a donc également lieu de prendre en compte, pour la détermination des préjudices, la période allant du 5 janvier au 5 février 2012 ;
S'agissant des préjudices patrimoniaux :
7. Considérant, en premier lieu, que le département des Bouches-du-Rhône, employeur de la requérante, justifie avoir exposé des dépenses de santé comprenant des frais d'hospitalisation, de kinésithérapie, d'imagerie médicale, de soins infirmiers, de transport et d'expertise médicale pour la période du 26 octobre 2010 au 27 mai 2011 et du 5 janvier au 5 février 2012, pour un montant total de 31 616,34 euros ; que la requérante ne justifie pas, par la production d'une simple attestation de sa part, qu'elle aurait exposé des dépenses de santé ; que le montant total de ce poste de préjudice doit donc être arrêté à la somme de 31 616,34 euros ;
8. Considérant, en deuxième lieu, que le département des Bouches-du-Rhône a versé pour les mêmes périodes la somme de 32 869,51 euros de salaire à MmeB..., placée en congé de maladie, et s'est acquitté des charges patronales afférentes d'un montant de 13 857,77 euros ; que, pour sa part, Mme B...justifie avoir subi une perte de revenus de 1 124,24 euros ; que ce poste de préjudice s'élève ainsi à la somme de 47 851,52 euros ;
9. Considérant, en troisième lieu, que Mme B...n'établit pas que l'impossibilité dans laquelle elle s'est trouvée du fait de son accident de continuer à exercer l'ensemble des missions qui lui étaient confiées et notamment la présidence du fonds départemental d'aide aux jeunes aurait entraîné une perte de revenus professionnels ;
10. Considérant, en dernier lieu, que la requérante a droit au remboursement du vêtement détérioré lors de sa chute, dont elle justifie l'achat par la production d'une facture d'un montant de 160 euros, sans qu'elle soit tenue d'établir avoir exposé postérieurement une dépense du même type ;
11. Considérant qu'il résulte de ce qui vient d'être dit que les préjudices patrimoniaux doivent être fixés à la somme de 79 627,86 euros ;
S'agissant des préjudices extrapatrimoniaux :
12. Considérant, en premier lieu, qu'il résulte de l'instruction et notamment du rapport d'expertise que Mme B...a subi un déficit fonctionnel temporaire total du 26 au 30 octobre 2010, de 50 % du 31 octobre 2010 au 9 mars 2011 et de 25 % du 10 mars au 27 mai 2011 ; qu'il y a lieu également de prendre en compte les conséquences de l'intervention chirurgicale de janvier 2012 pour l'ablation du matériel d'ostéosynthèse en retenant un déficit fonctionnel temporaire total pour 48 heures et de 30 % pendant un mois ; que les souffrances endurées par Mme B...ont été évaluées à 3,5 sur une échelle de 7 ; qu'il sera fait une juste appréciation de l'ensemble de ces préjudices extrapatrimoniaux temporaires ainsi établis en retenant la somme de 7 200 euros ;
13. Considérant, en second lieu, que l'expert a retenu un taux de déficit fonctionnel permanent de 9 %, Mme B...souffrant notamment de douleurs lorsqu'elle emprunte des escaliers ainsi que d'une limitation de la fonction et ne pouvant plus s'adonner à la natation et à la course à pied ; que son préjudice esthétique permanent a été évalué à 2 sur une échelle de 7, l'intéressée présentant une cicatrice sur le genou de 12 centimètres de long ; que l'ensemble de ces préjudices extrapatrimoniaux définitifs justifie l'allocation d'une somme de 17 000 euros ;
14. Considérant qu'ainsi, le total des préjudices extrapatrimoniaux s'élève à la somme de 24 200 euros ; que, par suite, le préjudice total doit être arrêté à 103 827,86 euros ;
En ce qui concerne la part du préjudice demeurée à la charge de la victime :
15. Considérant, s'agissant des préjudices patrimoniaux, que la perte de revenus de Mme B...s'élève à la somme de 1 124, 24 euros et que les autres dépenses liées au dommage corporel restées à sa charge sont de 160 euros ;
16. Considérant que les préjudices personnels subis par la requérante sont entièrement restés à sa charge ;
En ce qui concerne l'indemnité due par le tiers responsable à la victime et au tiers payeur :
17. Considérant qu'eu égard à la part de responsabilité retenue à l'encontre de la métropole Aix-Marseille-Provence, l'indemnité due par elle doit être arrêtée à la somme totale de 51 913,93 euros ;
18. Considérant qu'ainsi, la Métropole Aix-Marseille-Provence doit être condamnée à verser à MmeB..., la somme de 13 304,24 euros, comprenant 1 204,24 euros au titre des préjudices patrimoniaux et 12 100 euros au titre des préjudices extrapatrimoniaux ; qu'elle doit également être condamnée à verser au département des Bouches-du-Rhône la somme de 37 416,79 euros au titre des préjudices patrimoniaux ;
19. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que Mme B...et le département des Bouches-du-Rhône sont seulement fondés à demander que les indemnités que le tribunal administratif de Marseille a mis à la charge de la communauté urbaine Marseille Provence Métropole, substituée par la métropole Aix-Marseille-Provence, soient respectivement portées à 13 304,24 euros et 37 416,79 euros ;
Sur les dépens :
20. Considérant que les premiers juges ont mis les frais et honoraires de l'expertise confiée à l'expert médical désigné par le juge des référés du tribunal administratif de Marseille à la charge définitive de la communauté urbaine Marseille Provence Métropole ; qu'il ressort de l'ordonnance de taxation définitive de ces frais d'expertise du 10 juillet 2013 produite par Mme B... que l'expert médical désigné par le juge des référés du tribunal administratif de Marseille a perçu le 12 juillet 2011 une allocation provisionnelle d'un montant de 700 euros à valoir sur le montant des frais d'expertise et que les frais et honoraires ont été taxés à la somme définitive de 700 euros ; que, par suite, les conclusions de Mme B...tendant à ce qu'une somme de 1 400 euros soit mise à la charge de la métropole Aix-Marseille-Provence au titre de ces mêmes frais ne peuvent qu'être rejetées ;
Sur les conclusions présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
21. Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre une somme de 2 000 euros à la charge de la métropole Aix-Marseille-Provence au titre des frais exposés par Mme B...et non compris dans les dépens ;
D É C I D E :
Article 1er : La somme de 5 070 euros que la communauté urbaine Marseille Provence Métropole a été condamnée à verser à Mme B...par l'article 1er du jugement du tribunal administratif de Marseille du 7 avril 2014 est portée à 13 304,24 euros.
Article 2 : La somme de 31 113,20 euros que la communauté urbaine Marseille Provence Métropole a été condamnée à verser au département des Bouches-du-Rhône par l'article 2 du même jugement est portée à 37 416,79 euros.
Article 3 : Le jugement du tribunal administratif de Marseille du 7 avril 2014 est réformé en ce qu'il est contraire au présent arrêt.
Article 4 : Le surplus des conclusions des parties est rejeté.
Article 5 : La métropole Aix-Marseille-Provence versera la somme de 2 000 euros à Mme B... au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 6 : Le présent arrêt sera notifié à Mme D...B..., à la métropole Aix-Marseille-Provence, au département des Bouches-du-Rhône et à la caisse primaire d'assurance maladie des Bouches-du-Rhône.
Délibéré après l'audience du 13 mars 2017, où siégeaient :
- M. Moussaron, président,
- Mme Steinmetz-Schies, président-assesseur,
- Mme Héry, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 27 mars 2017.
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N° 16MA04044