Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 14 avril 2015, Mme A...B..., représentée par Me C..., demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Toulon du 13 mars 2015 ;
2°) d'annuler la décision du préfet du Var du 15 octobre 2013 ;
3°) d'enjoindre au préfet du Var d'autoriser le regroupement familial sous astreinte de 50 euros par jours de retard à compter d'un délai de 15 jours suivant la notification de l'arrêt à intervenir ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- l'intérêt de la jeune A...pour laquelle sa grand-mère bénéficie d'une décision de Kafala est de rejoindre cette dernière en France ;
- aucun des autres membres de sa famille au Maroc ne peut la prendre en charge financièrement ;
- la décision contestée méconnaît l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant et est entachée d'erreur manifeste d'appréciation.
Par un mémoire en défense, enregistré le 22 janvier 2016, le préfet du Var conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens soulevés par Mme B... ne sont pas fondés.
Par ordonnance du 6 janvier 2016, la clôture d'instruction a été fixée au 22 janvier 2016.
Par ordonnance du 22 janvier 2016, l'instruction a été rouverte.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention internationale relative aux droits de l'enfant, signée à New York le 26 janvier 1990 ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Ouillon,
- et les observations de Me C..., représentant Mme B....
1. Considérant que Mme B..., ressortissante marocaine née en 1944, a présenté, le 8 avril 2013, une demande de regroupement familial au bénéfice de sa petite-fille, A...B..., née le 14 mars 1998, dont la garde lui avait été confiée par un acte de " kafala " prononcé par la cour d'appel de Marrakech du 8 août 2011, rendu exécutoire en droit français par jugement du tribunal de grande instance de Toulon ; que, par décision du 15 octobre 2013, le préfet du Var a rejeté cette demande ; que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Toulon a rejeté la demande de Mme B... tendant à l'annulation de cette décision ;
Sur la décision de refus de regroupement familial :
2. Considérant, d'une part, qu'aux termes de l'article L. 411-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Le ressortissant étranger qui séjourne régulièrement en France depuis au moins dix-huit mois, sous couvert d'un des titres d'une durée de validité d'au moins un an prévus par le présent code ou par des conventions internationales, peut demander à bénéficier de son droit à être rejoint, au titre du regroupement familial, par son conjoint, si ce dernier est âgé d'au moins dix-huit ans, et les enfants du couple mineurs de dix-huit ans " ; qu'aux termes de l'article L. 411-5 du même code : " Le regroupement familial ne peut être refusé que pour l'un des motifs suivants : / 1° Le demandeur ne justifie pas de ressources stables et suffisantes pour subvenir aux besoins de sa famille. Sont prises en compte toutes les ressources du demandeur et de son conjoint indépendamment des prestations familiales et des allocations prévues à l'article L. 262-1 du code de l'action sociale et des familles, à l'article L. 815-1 du code de la sécurité sociale et aux articles L. 351-9, L. 351-10 et L. 351-10-1 du code du travail. Les ressources doivent atteindre un montant qui tient compte de la taille de la famille du demandeur. Le décret en Conseil d'Etat prévu à l'article L. 441-1 fixe ce montant qui doit être au moins égal au salaire minimum de croissance mensuel et au plus égal à ce salaire majoré d'un cinquième. (...). " ; qu'aux termes de l'article R. 411-4 du code précité : " Pour l'application du 1° de l'article L. 411-5, les ressources du demandeur et de son conjoint qui alimenteront de façon stable le budget de la famille sont appréciées sur une période de douze mois par référence à la moyenne mensuelle du salaire minimum de croissance au cours de cette période. Ces ressources sont considérées comme suffisantes lorsqu'elles atteignent un montant équivalent à : / - cette moyenne pour une famille de deux ou trois personnes ; (...). " ;
3. Considérant, d'autre part, qu'aux termes de l'article 3-1 de la convention relative aux droits de l'enfant : " Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait d'institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale. " ;
4. Considérant que l'intérêt d'un enfant est en principe de vivre auprès de la personne qui, en vertu d'une décision de justice qui produit des effets juridiques en France, est titulaire à son égard de l'autorité parentale ; qu'ainsi dans le cas où est demandé, sur le fondement des dispositions précédemment citées du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, le regroupement familial en vue de permettre à un enfant de rejoindre en France un ressortissant étranger qui en a la charge en vertu d'une décision de l'autorité judiciaire étrangère, l'autorisation de regroupement familial ne peut, en règle générale, eu égard aux dispositions du code précité, être refusée pour un motif tiré de ce que l'intérêt de l'enfant serait de demeurer à l'étranger auprès de ses parents ou d'autres membres de sa famille ; qu'en revanche, et sous réserve de ne pas porter une atteinte disproportionnée au droit au respect de la vie privée et familiale, l'autorité administrative peut se fonder, pour rejeter la demande dont elle est saisie, sur les motifs énumérés à l'article L. 411-5 du code précité, notamment sur ceux tirés de ce que les conditions d'accueil de l'enfant en France seraient, compte tenu en particulier des ressources et des conditions de logement du titulaire de l'autorité parentale, contraires à son intérêt ;
5. Considérant que, pour rejeter la demande de regroupement familial présentée par Mme B... en faveur de sa petite-fille, le préfet du Var s'est fondé notamment sur l'insuffisance des ressources de l'intéressée ; qu'il ressort des pièces du dossier que les revenus
mensuels moyens dont disposait Mme B..., sur la période de douze mois précédant le dépôt de sa demande de regroupement familial, s'élevaient à 835 euros et étaient ainsi inférieurs au salaire minimum interprofessionnel de croissance ; que le montant des revenus retenus par le préfet n'est pas contesté ; qu'il n'est pas établi que Mme B... pourrait bénéficier d'autres ressources financières pérennes ; qu'ainsi les ressources de Mme B... étaient insuffisantes pour accueillir l'enfant et subvenir à ses besoins ; que, par ailleurs, si la mère de l'enfant et deux de ses tantes paternelles ont déclaré ne pas pouvoir assumer l'entretien de la jeuneA..., il ne ressort pas des pièces du dossier qu'elles ne seraient pas en mesure de la prendre en charge avec l'aide matérielle d'autres membres de la famille qui ont déjà adressé par le passé des mandats au père de l'enfant et à ce dernier ; qu'ainsi, eu égard à l'ensemble des circonstances de l'espèce, la décision contestée n'a pas été prise en méconnaissance de l'intérêt supérieur de cet enfant protégé par l'article 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant ;
6. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que Mme B... est entrée en France le 16 septembre 2000 et que sa petite-fille, A..., qui est née en 1998, a toujours vécu au Maroc aux côtés de sa mère ou de ses tantes, qui ont subvenu à ses besoins ; que, compte tenu de l'ensemble des circonstances de l'espèce, la décision contestée n'est pas entachée d'une erreur manifeste dans l'appréciation de ses conséquences sur leur situation personnelle ;
7. Considérant qu'il résulte de ce qui précède, sans qu'il soit besoin de se prononcer sur la recevabilité de la requête, que Mme B... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Toulon a rejeté sa demande ;
Sur les conclusions à fin d'injonction :
8. Considérant que le présent arrêt, qui rejette les conclusions aux fins d'annulation présentées par Mme B..., n'implique aucune mesure d'exécution ; qu'il y a lieu par suite de rejeter les conclusions à fin d'injonction formées par la requérante ;
Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
9. Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de l'Etat, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, le versement à Mme B... de la somme qu'elle demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ;
D É C I D E :
Article 1er : La requête de Mme B... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme A... B...et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée au préfet du Var.
Délibéré après l'audience du 8 février 2016, où siégeaient :
- M. Moussaron, président,
- M. Ouillon, premier conseiller,
- M. Gautron, conseiller,
Lu en audience publique, le 29 février 2016.
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N° 15MA01520