Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 14 avril 2015, M. C..., représenté par Me B..., demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Marseille du 17 février 2015 ;
2°) d'annuler l'arrêté du 26 novembre 2014 du préfet des Bouches-du-Rhône ;
3°) d'enjoindre au préfet des Bouches-du-Rhône de réexaminer sa demande et, dans l'attente, de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour dès la notification de la décision à intervenir ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 2 000 euros à verser à Me B..., en application des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991, sous réserve que ce dernier renonce à la part contributive de l'Etat au titre de la mission d'aide juridictionnelle.
Il soutient que :
- il contribue à l'entretien de son enfant, en adressant à la mère de ce dernier des mandats cash, depuis qu'il a eu connaissance de sa naissance ;
- il remplit les conditions prévues par l'article L. 313-11 6° pour se voir délivrer un titre de séjour ;
- l'arrêté contesté méconnaît l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;
- l'arrêté contesté porte atteinte à sa vie privée et viole l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le préfet n'a pas examiné les conséquences de sa décision avant de prononcer à son encontre une mesure d'éloignement et cette décision n'est pas suffisamment motivée.
Par ordonnance du 6 janvier 2016, la clôture d'instruction a été fixée au 22 janvier 2016.
M. C... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 9 juillet 2015.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la convention internationale relative aux droits de l'enfant, signée à New York le 26 janvier 1990 ;
- l'accord du 17 mars 1988 entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République de Tunisie en matière de séjour et de travail ;
- le code civil ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
A été entendu, au cours de l'audience publique, le rapport de M. Ouillon.
1. Considérant que M. C..., ressortissant tunisien, né en 1972, est entré en France selon ses déclarations le 5 avril 2011 ; qu'il a présenté le 31 décembre 2013 une demande de délivrance d'un titre de séjour en qualité de parent d'enfant français ; que, par arrêté du 26 novembre 2014, le préfet des Bouches-du-Rhône a refusé de lui délivrer un titre de séjour et lui a fait obligation de quitter le territoire français dans le délai d'un mois ; que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Marseille a rejeté la demande de M. C... tendant à l'annulation de cet arrêté du 26 novembre 2014 ;
Sur la décision de refus de séjour :
2. Considérant, en premier lieu, qu'aux termes de l'article 11 de l'accord franco-tunisien du 17 juin 1988 en matière de séjour et de travail : " Les dispositions du présent accord ne font pas obstacle à l'application de la législation des deux Etats sur le séjour des étrangers sur tous les points non traités par l'accord. / Chaque Etat délivre notamment aux ressortissants de l'autre Etat tous titres de séjour autres que ceux visés au présent accord, dans les conditions prévues par sa législation " ; qu'aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit : / (...) 6° A l'étranger ne vivant pas en état de polygamie, qui est père ou mère d'un enfant français mineur résidant en France, à la condition qu'il établisse contribuer effectivement à l'entretien et à l'éducation de l'enfant dans les conditions prévues par l'article 371-2 du code civil depuis la naissance de celui-ci ou depuis au moins deux ans, sans que la condition prévue à l'article L. 311-7 soit exigée ; (...) " ; qu'aux termes de l'article 371-2 du code civil : " Chacun des parents contribue à l'entretien et à l'éducation des enfants à proportion de ses ressources, de celles de l'autre parent, ainsi que des besoins de l'enfant " ;
3. Considérant que M. C... est le père d'un enfant de nationalité française, né le 2 octobre 2013 à Marseille, qu'il a reconnu le 7 novembre 2013 ; que si l'intéressé, qui ne réside pas avec sa fille, soutient verser régulièrement de l'argent pour l'entretien de son enfant, il n'a commencé à verser des mandats à la mère de l'enfant qu'en décembre 2013 et n'établit pas qu'il contribue à l'entretien de son enfant depuis sa naissance ; que les documents qu'il produit, à savoir quatre tickets de caisse, dont trois sont antérieurs à la naissance de l'enfant, ne permettant pas d'identifier l'acheteur et le destinataire de tels achats, et une attestation du 8 décembre 2014 de la mère de l'enfant, dont certaines mentions, comme celles relatives aux versements de sommes d'argent, sont en contradiction avec les autres pièces du dossier, ne suffisent pas à établir qu'à la date de la décision de refus de séjour M. C... subvenait aux besoins de son enfant et contribuait à l'éducation et à l'entretien de celui-ci depuis sa naissance ou depuis au moins deux ans ; que, par suite, le requérant ne remplit pas les conditions posées par les dispositions susmentionnées du 6° de l'article L. 313-11 6° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile relatives à la délivrance d'un titre de séjour en qualité de parent d'enfant français ;
4. Considérant, en deuxième lieu, qu'aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance./ 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui. " ;
5. Considérant que si M. C... soutient être entré en France le 5 avril 2011 et y résider depuis lors, il n'établit pas l'ancienneté de son séjour sur le territoire national ; qu'il n'établit pas, comme il a été dit au point 3, l'intensité des liens familiaux avec son enfant ; qu'il n'établit pas non plus être dépourvu d'attaches familiales dans son pays d'origine où il a vécu jusqu'à, au moins, l'âge de trente-neuf ans ; que, par suite, dans les circonstances de l'espèce, la décision de refus de séjour n'a pas porté au droit de l'intéressé au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs qui lui ont été opposés et ne méconnaît pas ainsi les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
6. Considérant, en troisième lieu, qu'aux termes de l'article 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant du 26 janvier 1990 : " Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait d'institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale " ; qu'il résulte de ces stipulations que, dans l'exercice de son pouvoir d'appréciation, l'autorité administrative doit accorder une attention primordiale à l'intérêt supérieur des enfants dans toutes les décisions les concernant ;
7. Considérant que, comme il a été dit au point 3, l'intéressé ne justifie pas de la réalité et de l'intensité de ses liens avec son enfant, de sorte qu'il n'est pas fondé à soutenir que la décision contestée aurait méconnu l'intérêt supérieur de son enfant au sens des stipulations précitées de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;
Sur la décision portant obligation de quitter le territoire français :
8. Considérant, en premier lieu, qu'aux termes de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " I. - L'autorité administrative peut obliger à quitter le territoire français un étranger non ressortissant d'un Etat membre de l'Union européenne, d'un autre Etat partie à l'accord sur l'Espace économique européen ou de la Confédération suisse et qui n'est pas membre de la famille d'un tel ressortissant au sens des 4° et 5° de l'article L. 121-1, lorsqu'il se trouve dans l'un des cas suivants : (...) 3° Si la délivrance ou le renouvellement d'un titre de séjour a été refusé à l'étranger ou si le titre de séjour qui lui avait été délivré lui a été retiré ; (...) La décision énonçant l'obligation de quitter le territoire français est motivée. Elle n'a pas à faire l'objet d'une motivation distincte de celle de la décision relative au séjour dans les cas prévus aux 3° et 5° du présent I, sans préjudice, le cas échéant, de l'indication des motifs pour lesquels il est fait application des II et III. (...). " ;
9. Considérant que le préfet des Bouches-du-Rhône a, par un même arrêté, refusé de délivrer un titre de séjour à l'intéressé et lui a fait obligation de quitter le territoire français ; que la décision portant obligation de quitter le territoire français, prise sur le fondement des dispositions du 3° du I de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, applicables à M. C..., n'avait pas à faire l'objet d'une motivation distincte de celle de la décision relative au séjour qui, en l'espèce, est suffisamment motivée par la mention des considérations de fait et de droit qui en constituent le fondement ;
10. Considérant, en deuxième lieu, qu'il ne ressort pas des pièces du dossier que le préfet des Bouches-du-Rhône n'aurait pas procédé à un examen particulier de la situation personnelle de M. C... avant de prendre à son encontre une mesure d'éloignement ;
11. Considérant, en troisième lieu, qu'aux termes de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Ne peuvent faire l'objet d'une obligation de quitter le territoire français : / (...) 6° L'étranger ne vivant pas en état de polygamie qui est père ou mère d'un enfant français mineur résidant en France, à condition qu'il établisse contribuer effectivement à l'entretien et à l'éducation de l'enfant dans les conditions prévues par l'article 371-2 du code civil depuis la naissance de celui-ci ou depuis au moins deux ans ; (...) " ; que si M. C... fait valoir qu'il est le père d'un enfant de nationalité française, il n'établit pas, comme il a été dit au point 3, contribuer à l'entretien et à l'éducation de cet enfant depuis sa naissance ou depuis au moins deux ans ; que, dans ces conditions, M. C... n'est pas fondé à soutenir que le préfet des Bouches-du-Rhône aurait méconnu les dispositions du 6° de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile en lui faisant obligation de quitter le territoire français ;
12. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que M. C... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande ;
Sur les conclusions à fin d'injonction :
13. Considérant que le présent arrêt, qui rejette les conclusions aux fins d'annulation présentées par M. C..., n'implique aucune mesure d'exécution ; qu'il y a lieu par suite de rejeter les conclusions à fin d'injonction présentées par le requérant ;
Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions combinées des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 :
14. Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 font obstacle à ce que soit mis à la charge de l'Etat, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, le versement à Me B... de quelque somme que ce soit au titre des frais d'instance ;
D É C I D E :
Article 1er : la requête de M. C... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... C..., à Me B... et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée au préfet des Bouches-du-Rhône.
Délibéré après l'audience du 8 février 2016, où siégeaient :
- M. Moussaron, président,
- M. Ouillon, premier conseiller,
- M. Gautron, conseiller,
Lu en audience publique, le 29 février 2016.
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N° 15MA01530