Procédure devant la Cour :
Par une requête et un mémoire, enregistrés le 17 janvier 2017 et le 20 janvier 2017, la commune de Cuxac-Cabardès, représentée par Me A..., demande à la Cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Montpellier du 17 novembre 2016 ;
2°) de rejeter la demande présentée par les consorts D...devant le tribunal administratif ;
3°) de mettre à la charge des consorts D...la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- c'est à tort que le tribunal administratif n'a pas prononcé un non-lieu sur l'ensemble des conclusions aux fins d'annulation qui lui étaient soumises ;
- le tribunal administratif aurait dû soulever d'office le moyen d'ordre public tiré de la tardiveté de la demande de première instance ;
- le tribunal a dénaturé les conclusions dont il était saisi en s'estimant saisi de conclusions dirigées contre un refus d'alignement ;
- la clôture de la propriété des consorts D...est implantée en limite séparative du domaine public et ne saurait être déplacée pour empiéter de deux mètres sur ce domaine ;
- la bande de terrain séparant cette clôture de la voie publique supporte des réseaux d'électricité et d'assainissement ainsi que des dispositifs d'éclairage public ;
- les règles d'urbanisme et notamment celles fixées par le plan local d'urbanisme s'opposent à la délivrance de l'autorisation sollicitée.
Par un mémoire en défense, enregistré le 28 juin 2017, les consortsD..., représentés par Me B..., concluent au rejet de la requête, à que la Cour leur reconnaisse le droit d'avancer leur clôture existante au droit de leur propriété sans avoir à requérir l'accord de la commune ni solliciter une déclaration préalable à cette fin et, enfin, à ce que soit mise à la charge de la commune de Cuxac-Cabardès la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Ils soutiennent que :
- l'exception de non-lieu n'est pas fondée ;
- la demande de première instance n'était pas tardive ;
- les autres moyens soulevés par la commune de Cuxac-Cabardès ne sont pas fondés.
Par un acte, enregistré le 19 avril 2018, les consortsD..., représentés par Me B..., déclarent se désister purement et simplement des conclusions tendant à ce que la Cour leur reconnaisse le droit d'avancer leur clôture existante au droit de leur propriété sans avoir à requérir l'accord de la commune ni solliciter une déclaration préalable à cette fin et maintenir le surplus de leurs conclusions.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de la voirie routière ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Guidal, président,
- les conclusions de M. Chanon, rapporteur public,
- et les observations de Me A..., représentant la commune de Cuxac-Cabardès.
1. Considérant que les consorts D...sont propriétaires, sur le territoire de la commune de Cuxac-Cabardès (Aude), de la parcelle bâtie cadastrée section D 440 ; que la commune de Cuxac-Cabardès, qui a décidé en 1996 de créer une voie communale dénommée allée des Sapinettes, a fait établir par un géomètre expert le 5 décembre 1996 un document d'arpentage divisant la parcelle D 440 en deux nouvelles parcelles, la parcelle D n° 627, destinée à demeurer la propriété des consortsD..., et la parcelle D n° 628, d'une contenance de 8 mètres carrés, qui avait vocation à être cédée à la commune pour constituer l'assiette de la future voie publique ; que si en 1997 les époux D...ont donné leur accord à cette cession, qui devait intervenir gratuitement, aucun acte de cession n'a jamais été établi ; que, par une délibération du 24 novembre 2014, le conseil municipal de Cuxac-Cabardès a " approuvé un plan d'alignement " de l'allée des Sapinettes à Cazelles ; que, par courrier du 11 décembre 2014, M. et Mme D... ont saisi le maire de Cuxac-Cabardès d'une demande tendant à ce que leur clôture soit avancée à la limite de l'alignement de leur propriété ; que le maire a refusé de faire droit à cette demande par une décision du 19 décembre 2014 ; que les consorts D...ont alors demandé au tribunal administratif de Montpellier l'annulation de cette décision ainsi que celle de la délibération du 24 novembre 2014 ; qu'en cours d'instance devant le tribunal administratif, le conseil municipal de Cuxac-Cabardès a, par une nouvelle délibération du 26 octobre 2015, retiré celle du 24 novembre 2014 qui approuvait le plan d'alignement ; que, par un jugement du 17 novembre 2016, le tribunal administratif de Montpellier après avoir prononcé par son article 1er un non-lieu à statuer sur les conclusions dirigées contre la délibération du 24 novembre 2014, a, par son article 2, annulé la décision du 19 décembre 2014 du maire de Cuxac-Cabardès et par son article 3 enjoint au maire de procéder au réexamen de la demande des consorts D...; que la commune de Cuxac-Cabardès doit être regardée comme demandant l'annulation des articles 2 et 3 de ce jugement ;
Sur la régularité du jugement attaqué :
2. Considérant, en premier lieu, que si la délibération du conseil municipal du 24 novembre 2014 a été retirée par celle du 26 octobre 2015, il est constant qu'à la date du jugement attaqué, la décision du 19 décembre 2014 du maire de Cuxac-Cabardès n'avait été ni rapportée ni annulée et que son illégalité n'avait pas été déclarée par une décision juridictionnelle ; que le retrait de la délibération du 24 novembre 2014 n'a pas entraîné celui, implicite, de la décision du 19 décembre 2014 ; que, dès lors, la commune de Cuxac-Cabardès ne justifie pas, faute du retrait de cette décision, de ce que les conclusions des consorts D...tendant à son annulation seraient devenues sans objet ; que, par suite, la commune de Cuxac-Cabardès n'est pas fondée à soutenir que le tribunal administratif de Montpellier aurait entaché son jugement d'irrégularité en s'abstenant de prononcer une décision de non-lieu sur ces conclusions ;
3. Considérant, en deuxième lieu, qu'aux termes de l'article R. 421-1 du code de justice administrative : " (...) la juridiction ne peut être saisie que par voie de recours formé contre une décision, et ce, dans les deux mois à partir de la notification ou de la publication de la décision attaquée " ; que selon l'article R. 421-5 du même code : " Les délais de recours contre une décision administrative ne sont opposables qu'à la condition d'avoir été mentionnés, ainsi que les voies de recours, dans la notification de la décision " ;
4. Considérant qu'il ne ressort pas des pièces du dossier que la notification de la décision du 19 décembre 2014 du maire de Cuxac-Cabardès aurait comporté l'indication des voies et délais de recours ; que, dès lors, le délai de recours de deux mois prévu par l'article R. 421-1 du code de justice administrative n'était pas opposable à la demande d'annulation des consorts D...; que, par suite, la commune de Cuxac-Cabardès n'est pas fondée à soutenir qu'en s'abstenant de soulever d'office le moyen d'ordre public tiré de la tardiveté de la demande, le tribunal administratif de Montpellier aurait commis une deuxième irrégularité ;
5. Considérant, en troisième lieu, que la demande adressée par les consorts D...à la commune tendait uniquement à ce qu'ils soient autorisés à avancer leur clôture " à l'alignement de leur propriété ", au droit de la voie publique ; que, dans les termes où elle était formulée, cette demande ne pouvait être regardée comme une déclaration préalable de travaux présentée au titre des dispositions du code de l'urbanisme ; que, d'ailleurs, il ne ressort ni des pièces du dossier ni des énonciations de la décision en litige que le maire se serait cru saisi d'une telle demande préalable à laquelle il aurait entendu s'opposer ; que, par suite, en estimant qu'il était saisi d'une question tenant aux limites de la voie publique, le tribunal administratif ne s'est nullement mépris sur la nature de la décision contestée ni n'a méconnu son office ;
Sur la légalité de la décision du 19 décembre 2014 du maire de Cuxac-Cabardès :
6. Considérant qu'aux termes de l'article L. 112-1 du code de la voirie routière, dans sa rédaction alors en vigueur : " L'alignement est la détermination par l'autorité administrative de la limite du domaine public routier au droit des propriétés riveraines. Il est fixé soit par un plan d'alignement, soit par un alignement individuel. / Le plan d'alignement, auquel est joint un plan parcellaire, détermine après enquête publique ouverte par l'autorité exécutive de la collectivité territoriale ou de l'établissement public de coopération intercommunale, propriétaire de la voie, et organisée conformément aux dispositions du code de l'expropriation pour cause d'utilité publique la limite entre voie publique et propriétés riveraines./ L'alignement individuel est délivré au propriétaire conformément au plan d'alignement s'il en existe un. En l'absence d'un tel plan, il constate la limite de la voie publique au droit de la propriété riveraine " ;
7. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier et qu'il n'est d'ailleurs pas contesté que, par la délibération du 26 octobre 2015, le conseil municipal de Cuxac-Cabardès a retiré celle du 24 novembre 2014 qui approuvait le plan d'alignement de l'allée des Sapinettes à Cazelles, au droit des parcelles cadastrées D 631 à D 405 dont celle des consortsD... ; qu'à la suite de ce retrait, le tribunal administratif a prononcé, par son jugement du 17 novembre 2016, un non-lieu à statuer sur les conclusions d'annulation dirigées contre la délibération du 24 novembre 2014 ; que ce non-lieu n'est pas contesté en appel ; qu'il s'ensuit que le retrait ainsi opéré a acquis un caractère définitif ; que la décision du 19 décembre 2014 du maire de Cuxac-Cabardès refusant de faire droit à demande des intéressés d'avancer leur clôture " à l'alignement de leur propriété " trouvait son fondement dans la délibération du 24 novembre 2014 ; que, par voie de conséquence du retrait de cette délibération, la décision en litige s'est ainsi trouvée privée de base légale et devait en conséquence être annulée ;
8. Considérant qu'il résulte des dispositions précitées de l'article L. 112-1 du code de la voirie routière, d'une part, qu'en l'absence de plan d'alignement, l'alignement individuel, qui n'emporte aucun effet sur le droit de propriété des riverains, ne peut être fixé qu'en fonction des limites actuelles et réelles de la voie publique en bordure des propriétés riveraines ; que, d'autre part, l'alignement individuel, qui est un acte déclaratif, ne saurait résulter d'une décision implicite ;
9. Considérant qu'il ne ressort ni des termes de la décision en litige qui repose exclusivement sur l'existence alléguée d'un plan d'alignement approuvé par délibération du 24 novembre 2014, ni des autres pièces du dossier, que le maire de la commune aurait entendu par cette décision constater explicitement la limite de la voie communale en tenant compte de ses limites réelles ; qu'il résulte de ce qui a été dit au point 8, que la lettre du 19 décembre 2014 refusant le déplacement de la clôture ne contient pas davantage de décision implicite d'alignement individuel que la commune serait fondée à opposer aux intéressés ; que, par suite, en l'absence de toute décision explicite fixant de manière précise l'alignement individuel au droit de la propriété des consortsD..., la circonstance invoquée par la commune tirée de la présence sur la bande de terrain située entre la clôture et la voie publique de réseaux électriques et d'assainissement ainsi que de dispositifs d'éclairage public est inopérante ;
10. Considérant, enfin, que si la commune de Cuxac-Cabardès soutient que les règles d'urbanismes en vigueur et notamment le règlement du plan local d'urbanisme s'opposent à l'implantation d'une nouvelle clôture à moins de 2,50 mètres de la voie publique, d'une part comme il a été dit au point 5, la demande adressée par les consorts D...ne pouvait être regardée comme une déclaration préalable de travaux présentée au titre des dispositions du code de l'urbanisme et, d'autre part, le refus qui leur a été opposé n'est pas fondé sur un tel motif ; que, ce moyen est, par suite, inopérant ;
11. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la commune de Cuxac-Cabardès n'est pas fondée à se plaindre de ce que, par le jugement attaqué du 17 novembre 2016, le tribunal administratif de Montpellier a annulé la décision du 19 décembre 2014 du maire de la commune ;
Sur les conclusions incidentes des consortsD... :
12. Considérant que, par un acte enregistré le 19 avril 2018, les consorts D...ont déclaré se désister de leurs conclusions tendant à ce que la Cour leur reconnaisse le droit d'avancer leur clôture existante au droit de leur propriété sans avoir à requérir l'accord de la commune ni solliciter une déclaration préalable à cette fin ; que ce désistement étant pur et simple, rien ne s'oppose à ce qu'il en soit donné acte ;
Sur les frais liés au litige :
13. Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge des consortsD... , qui ne sont pas dans la présente instance la partie perdante, la somme demandée par la commune de Cuxac-Cabardès au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ; qu'en revanche, il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la commune de Cuxac-Cabardès une somme de 2 000 euros au même titre ;
D É C I D E :
Article 1er : La requête de la commune de Cuxac-Cabardès est rejetée.
Article 2 : Il est donné acte du désistement d'instance des conclusions d'appel incident des consorts D...tendant à ce que la Cour leur reconnaisse le droit d'avancer leur clôture existante au droit de leur propriété sans avoir à requérir l'accord de la commune ni solliciter une déclaration préalable à cette fin.
Article 3 : La commune de Cuxac-Cabardès versera aux consortsD..., une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à la commune de Cuxac-Cabardès et aux consortsD....
Copie en sera adressée au préfet de l'Aude.
Délibéré après l'audience du 18 mai 2018, où siégeaient :
- M. Pocheron, président de chambre,
- M. Guidal, président assesseur,
- Mme C..., première conseillère.
Lu en audience publique, le 1er juin 2018.
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N° 17MA00164
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