Procédure devant la Cour :
Par une requête, enregistrée le 15 février 2018, M. E..., représenté par Me F..., demande à la Cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Nîmes du 7 décembre 2017 en tant qu'il rejette le surplus des conclusions de sa demande ;
2°) d'annuler, à titre principal, la décision du 22 septembre 2015 du directeur de l'Office français de l'immigration et de l'intégration dans la limite de la somme restant en litige ;
3°) à titre subsidiaire, de réduire le montant des contributions en litige à un euro symbolique ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat, sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, le versement de la somme de 1 200 euros à Me F..., laquelle s'engage dans ce cas à renoncer à percevoir la part contributive de l'Etat au titre de l'aide juridictionnelle.
Il soutient que :
- la procédure suivie est irrégulière faute pour l'OFII de lui avoir transmis le procès-verbal à l'origine des sanctions financières ;
- L'OFII n'établit pas l'existence d'une relation de travail salarié en l'absence de lien de subordination et de rémunération.
Par un mémoire en défense, enregistré le 5 juillet 2018, l'Office français de l'immigration et de l'intégration, représenté par Me C..., conclut au rejet de la requête et à ce qu'une somme de 2 000 euros soit mise à la charge de M. E... sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que les moyens soulevés par M. E... ne sont pas fondés.
M. E... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 20 avril 2018.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code du travail ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Guidal, président,
- et les conclusions de M. Chanon, rapporteur public.
Considérant ce qui suit :
1. A la suite d'un contrôle d'identité effectué le 14 avril 2015, les services de police ont constaté la présence à bord d'un véhicule appartenant à M. E... d'un ressortissant étranger, démuni d'autorisation de travail. Informé de cette situation, le directeur général de l'Office français de l'immigration et de l'intégration (OFII) a, par une décision du 22 septembre 2015 mis à la charge de M. E... les sommes de 17 600 euros et 2 124 euros au titre, respectivement, de la contribution spéciale prévue à l'article L. 8253-1 du code du travail et de la contribution forfaitaire représentative des frais de réacheminement prévue à l'article L. 626-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. M. E... a contesté cette décision devant le tribunal administratif de Nîmes et demandé son annulation. Par une décision du 3 novembre 2017, le directeur général de l'OFII a réduit le montant de la contribution spéciale mise à la charge de M. E... à un montant de 12 876 euros. Par un jugement du 7 décembre 2017, le tribunal administratif de Nîmes, après avoir prononcé un non-lieu à statuer sur les conclusions de la demande à hauteur de la somme dégrevée en cours d'instance, a rejeté le surplus des conclusions de cette demande. M. E..., qui ne conteste à l'appui de son appel que le montant des sommes restant à sa charge, doit être regardé comme ne demandant que l'annulation de l'article 2 du jugement attaqué.
Sur le bien-fondé du jugement attaqué :
2. Aux termes du premier alinéa de l'article L. 8251-1 du code du travail : " Nul ne peut, directement ou indirectement, embaucher, conserver à son service ou employer pour quelque durée que ce soit un étranger non muni du titre l'autorisant à exercer une activité salariée en France ". Aux termes de l'article L. 8253-1 de ce code, dans sa rédaction en vigueur à la date des manquements relevés à l'encontre de M. E... : " Sans préjudice des poursuites judiciaires pouvant être intentées à son encontre, l'employeur qui a employé un travailleur étranger en méconnaissance des dispositions du premier alinéa de l'article L. 8251-1 acquitte, pour chaque travailleur étranger sans titre de travail, une contribution spéciale. Le montant de cette contribution spéciale est déterminé dans des conditions fixées par décret en Conseil d'Etat. Il est, au plus, égal à 5 000 fois le taux horaire du minimum garanti prévu à l'article L. 3231-12. Ce montant peut être minoré en cas de non-cumul d'infractions ou en cas de paiement spontané par l'employeur des salaires et indemnités dus au salarié étranger sans titre mentionné à l'article R. 8252-6. Il est alors, au plus, égal à 2 000 fois ce même taux (...) / L'Office français de l'immigration et de l'intégration est chargé de constater et de liquider cette contribution ". Enfin, aux termes du premier alinéa de l'article L. 626-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sans préjudice des poursuites judiciaires qui pourront être engagées à son encontre et de la contribution spéciale prévue à l'article L. 8253-1 du code du travail, l'employeur qui aura occupé un travailleur étranger en situation de séjour irrégulier acquittera une contribution forfaitaire représentative des frais de réacheminement de l'étranger dans son pays d'origine ".
3. D'une part, l'infraction aux dispositions précitées de l'article L. 8251-1 du code du travail est constituée du seul fait de l'emploi de travailleurs étrangers démunis de titre les autorisant à exercer une activité salariée sur le territoire français. Il appartient au juge administratif, saisi d'un recours contre une décision mettant à la charge d'un employeur la contribution spéciale prévue par les dispositions de l'article L. 8253-1 du code du travail, pour avoir méconnu les dispositions de l'article L. 8251-1 du même code, de vérifier la matérialité des faits reprochés à l'employeur et leur qualification juridique au regard de ces dispositions. D'autre part, la qualification de contrat de travail ne dépend ni de la volonté exprimée par les parties, ni de la dénomination qu'elles ont entendu donner à la convention qui les lie mais des seules conditions de fait dans lesquelles le travailleur exerce son activité. A cet égard, la qualité de salarié suppose nécessairement l'existence d'un lien juridique de subordination du travailleur à la personne qui l'emploie, le contrat de travail ayant pour objet et pour effet de placer le travailleur sous la direction, la surveillance et l'autorité de son cocontractant, lequel dispose de la faculté de donner des ordres et des directives, de contrôler l'exécution dudit contrat et de sanctionner les manquements de son subordonné. Dès lors, pour l'application des dispositions précitées de l'article L. 8251-1 du code du travail, il appartient à l'autorité administrative de relever, sous le contrôle du juge, les indices objectifs de subordination permettant d'établir la nature salariale des liens contractuels existant entre un employeur et le travailleur qu'il emploie.
4. Il résulte de l'instruction qu'agissant sur réquisition du procureur de la République près le tribunal de grande instance de Nîmes aux fins de procéder à des contrôles d'identité sur le secteur ouest de la commune de Nîmes, le 14 janvier 2015, les services de police ont constaté que le véhicule de M. E..., ressortissant français, s'était arrêté pour prendre à son bord un passager, M. D..., porteur d'un sac à dos et que ce passager, de nationalité marocaine, était titulaire d'un titre de séjour italien mais ne disposait plus de titre de séjour en France en cours de validité. Si selon les énonciations d'un premier procès-verbal dressé le 14 janvier 2015 par un agent de police judiciaire M. E... a déclaré être auto-entrepreneur jointeur et indiqué qu'il se rendait sur un chantier à Saint Cezaire en compagnie de son ouvrier, il a indiqué dans un second procès-verbal dressé le 6 février 2015 par un officier de police judiciaire qu'il se bornait à conduire M. D... sur ce chantier afin qu'il soit, comme lui, embauché. M. D..., qui a déclaré dans un autre procès-verbal du 14 janvier 2015 avoir rendez-vous avec un ami pour effectuer une journée d'essai et qu'il avait été présenté à M. E... cinq jours auparavant a toujours contesté avoir reçu une quelconque rémunération de ce dernier. Il ne ressort ainsi ni de ces procès-verbaux ni des autres pièces du dossier que M. D... aurait fourni un travail en échange d'une rémunération que lui aurait versée M. E..., ni qu'il aurait été placé dans un lien de subordination vis-à-vis de M. E... dont il aurait reçu des ordres et des directives. La circonstance que M. D... détenait lors de son interpellation le numéro de téléphone de M. E... ne saurait être regardée comme constituant l'indice d'un lien de subordination. En admettant même que M. E... n'aurait pas effectué de travaux sur le chantier où il indiquait aux services de police se rendre, cette circonstance, qui au demeurant n'est pas corroborée par les résultats de l'instruction, n'établit pas davantage l'existence d'une relation de travail entre lui et M. D.... Ainsi, celui-ci ne peut être regardé comme ayant été engagé au service de M. E....
5. Il résulte de ce qui précède et sans qu'il soit besoin d'examiner l'autre moyen de la requête, que M. E... est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nîmes a rejeté sa demande tendant a l'annulation de la décision du 22 septembre 2015 du directeur général de l'Office français de l'immigration et de l'intégration en tant que cette décision a maintenu à sa charge la somme de 12 876 euros au titre de la contribution spéciale instituée par l'article de l'article L. 8253-1 du code du travail et la somme de 2 124 euros au titre de la contribution forfaitaire représentative des frais de réacheminement d'un étranger prévue à l'article L. 626-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
Sur les frais liés au litige :
6. Les conclusions présentées par M. E... sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et au titre de l'article 37 de la loi susvisée du 10 juillet 1991 sont dirigées contre l'Etat, qui n'est pas partie au présent litige et non contre l'OFII, qui a seul qualité de défendeur dans la présente instance. Elles ne peuvent, dès lors, être accueillies. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de M. E..., qui n'est pas dans la présente instance la partie perdante, la somme demandée par l'OFII au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.
D É C I D E :
Article 1er : L'article 2 du jugement du tribunal administratif de Nîmes n° 1600102 du 7 décembre 2017 et la décision du 22 septembre 2015 du directeur général de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, en tant que cette décision a maintenu à la charge de M. E... la somme de 12 876 euros au titre de la contribution spéciale instituée par l'article de l'article L. 8253-1 du code du travail et la somme de 2 124 euros au titre de la contribution forfaitaire représentative des frais de réacheminement d'un étranger prévue à l'article L. 626-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, sont annulés.
Article 2 : Les conclusions présentées par M. E... au titre des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 sont rejetées.
Article 3 : Les conclusions présentées par l'OFII au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... E..., à l'Office français de l'immigration et de l'intégration et à Me F....
Délibéré après l'audience du 29 mars 2019, où siégeaient :
- M. Pocheron, président de chambre,
- M. Guidal, président assesseur,
- Mme B..., première conseillère.
Lu en audience publique, le 12 avril 2019.
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N° 18MA00684
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