Procédure devant la Cour :
Par une requête et un mémoire, enregistrés les 12 avril et 16 juillet 2018, sous le n° 18MA01700, Mme B...A..., représentée par Me C... demande à la Cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Marseille du 20 novembre 2017 ;
2°) d'annuler l'arrêté préfectoral du 13 février 2017 ;
3°) d'enjoindre, à titre principal, au préfet des Bouches-du-Rhône de lui délivrer un certificat de résidence portant la mention " vie privée et familiale " dans le délai de deux mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 50 euros par jour de retard, et, dans l'attente, de lui délivrer dans un délai de dix jours à compter de la même date et sous la même astreinte, une autorisation provisoire de séjour et de travail ou un récépissé de demande de titre de séjour l'autorisant à travailler, ou, de réexaminer sa demande, dans le délai de deux mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 50 euros par jour de retard et de lui délivrer dans un délai de dix jours à compter de la même date et sous la même astreinte, une autorisation provisoire de séjour et de travail ou un récépissé de demande de titre de séjour l'autorisant à travailler ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1500 euros à verser à Me C... en application des dispositions des articles 37 et 75 de la loi du 10 juillet 1991, ce règlement emportant renonciation à l'indemnité versée au titre de l'aide juridictionnelle.
Elle soutient que :
S'agissant de la décision portant refus de titre de séjour :
- elle est insuffisamment motivée ;
- elle est entachée d'un défaut d'examen de sa situation ;
- elle comporte des erreurs de fait ;
- cette décision viole les stipulations de l'article 6-5 de l'accord franco-algérien et de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation ;
- elle est contraire aux stipulations de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;
S'agissant de la décision portant obligation de quitter le territoire français :
- elle est illégale en raison de l'illégalité du refus de titre de séjour ;
- elle est entachée d'une erreur de droit dès lors qu'elle doit bénéficier de plein droit d'un certificat de résidence ;
- elle viole les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- elle est contraire aux stipulations de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;
S'agissant de la décision refusant de lui octroyer un délai de départ volontaire supérieur à trente jours ;
- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation ;
S'agissant de la décision fixant le pays de destination :
- elle est insuffisamment motivée ;
- elle est entachée d'un défaut d'examen de sa situation ;
- elle viole les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
Mme A... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 19 février 2018.
Par un mémoire en défense, enregistré le 30 avril 2018, le préfet des Bouches-du-Rhône conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens soulevés par Mme A... ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention internationale relative aux droits de l'enfant du 26 janvier 1990 ;
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 modifié ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le décret n° 91-1266 du 19 décembre 1991 ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de Mme D... a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. Mme A..., née le 23 avril 1985, de nationalité algérienne, relève appel du jugement du 20 novembre 2017 par lequel le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 13 février 2017 du préfet des Bouches-du-Rhône qui a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination.
Sur le bien-fondé du jugement attaqué :
En ce qui concerne la légalité de la décision portant refus de titre de séjour :
2. La décision contestée comporte l'énoncé des considérations de droit et de fait sur lesquelles elle se fonde. Elle mentionne notamment que Mme A... allègue être entrée en France le 21 octobre 2009 dans des conditions indéterminées et s'y maintient depuis, qu'elle ne justifie d'aucune insertion sociale ou professionnelle depuis son arrivée ni de l'ancienneté et de la stabilité de ses liens personnels et familiaux. Cette décision relève aussi que dans la mesure où l'intéressée, qui est mère d'un enfant de cinq ans scolarisé en classe de maternelle n'établit pas être dépourvue d'attaches personnelles et familiales dans son pays d'origine où elle a vécu jusqu'à l'âge de 24 ans, lui refuser l'admission au séjour en France n'est pas contraire à l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Ainsi le préfet des Bouches-du-Rhône a examiné l'atteinte à la vie privée et familiale de Mme A... au vu des éléments en sa possession dont la présence de son enfant mineur. Par suite, il a implicitement mais nécessairement examiné sa demande d'admission au séjour au regard de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant. Cette décision est dès lors suffisamment motivée et n'est pas entachée d'un défaut d'examen de la situation personnelle de Mme A....
3. Si la décision contestée mentionne à tort que Mme A... aurait déposé sa demande de titre de séjour le 26 janvier 2017 au lieu du 2 septembre 2016 et que son adresse serait erronée, ces erreurs purement matérielles n'ont eu aucune incidence sur sa légalité. En tout état de cause, le préfet des Bouches-du-Rhône aurait pris la même décision en se fondant sur les autres motifs mentionnés au point 2.
4. Aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui. ". Aux termes de l'article 6 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 modifié : " (...) Le certificat de résidence d'un an portant la mention " vie privée et familiale " est délivré de plein droit : (...) 5) au ressortissant algérien, qui n'entre pas dans les catégories précédentes ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, dont les liens personnels et familiaux en France sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus (...) ".
5. Mme A... déclare sans l'établir être entrée en France le 21 avril 2009. Toutefois, elle ne produit aucune preuve de présence au titre de l'année 2010. Le seul certificat médical de son médecin généraliste selon lequel il l'aurait reçue le 21 mars 2009 n'est pas de nature à démontrer sa présence habituelle sur le territoire national pour cette année. Par ailleurs, Mme A... est célibataire et mère d'un enfant né le 29 octobre 2011 qui était scolarisé en école maternelle à la date de la décision contestée. Elle ne justifie d'aucune insertion socio-économique. La requérante n'établit ni même n'allègue être dépourvue d'attaches familiales dans son pays d'origine où elle a vécu jusqu'à l'âge de 23 ans et ne démontre pas que sa cellule familiale ne pourrait pas se reconstituer en Algérie ni que son fils âgé de cinq ans serait dans l'impossibilité d'y poursuivre sa scolarité compte tenu du fait qu'il ne parlerait pas l'arabe. Dans ses conditions et alors même qu'elle serait bénévole dans une association, disposerait d'une promesse d'embauche et aurait une partie de sa famille en France, eu égard à la durée et aux conditions de son séjour en France, la décision en litige n'a pas porté au droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels elle a été prise et n'a, par suite, pas méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ni celles de l'article 6-5) de l'accord franco-algérien. Pour les mêmes motifs, elle n'est pas entachée d'erreur manifeste d'appréciation.
6. Aux termes du paragraphe 1 de l'article 3 de la convention relative aux droits de l'enfant susvisée : " Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait des institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale ". Il résulte de ces stipulations, qui peuvent être utilement invoquées à l'appui d'un recours pour excès de pouvoir dirigé contre un refus de séjour, que, dans l'exercice de son pouvoir d'appréciation, l'autorité administrative doit accorder une attention primordiale à l'intérêt supérieur des enfants dans toutes les décisions les concernant.
7. La décision de refus de séjour contestée n'a pas pour effet de séparer la requérante de son fil mineur. Rien ne fait obstacle à ce qu'elle reparte avec lui dans le pays d'origine, où ce dernier pourra poursuivre sa scolarité. Dès lors, Mme A... n'est pas fondée à soutenir que l'intérêt supérieur de son enfant n'aurait pas été pris en compte par l'administration.
En ce qui concerne la légalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français :
8. Pour les motifs indiqués aux points 2 à 7, Mme A... n'est pas fondée à invoquer par voie d'exception, contre la décision contestée, l'illégalité de la décision portant refus de titre de séjour.
9. Il ressort ce qui a été dit au point 5 que Mme A... ne pouvait prétendre à la délivrance de plein droit d'un certificat de résidence sur le fondement des stipulations de l'article 6-5 de l'accord franco-algérien. Par suite, le préfet des Bouches-du-Rhône a pu légalement prendre à son encontre la décision en litige.
10. Les moyens tirés de la violation de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et de l'article 3-1 de la convention relative aux droits de l'enfant doivent être écartés pour les mêmes motifs que ceux mentionnés aux points 5 et 7.
En ce qui concerne la légalité de la décision refusant d'accorder un délai de départ supérieur à trente jours :
11. En se bornant à alléguer que la durée de trente jours contestée était insuffisante au regard de la durée de son séjour en France et de la circonstance que son fils était scolarisé en école maternelle, Mme A... n'établit pas que le préfet des Bouches-du-Rhône aurait commis une erreur manifeste d'appréciation en ne lui octroyant pas un délai de départ volontaire plus long.
En ce qui concerne la légalité de la décision fixant le pays de destination :
12. La décision contestée comporte l'énoncé des considérations de droit et de fait sur lesquelles elle se fonde. Elle est, par suite, suffisamment motivée.
13. Il ressort des pièces du dossier et, en particulier, des mentions de la décision attaquée, que le préfet des Bouches-du-Rhône a procédé à l'examen particulier de la situation personnelle de Mme A... avant de prendre la décision en litige.
14. Aux termes de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou des traitements inhumains ou dégradants " et qu'aux termes du dernier alinéa de l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Un étranger ne peut être éloigné à destination d'un pays s'il établit que sa vie ou sa liberté y sont menacées ou qu'il y est exposé à des traitements contraires aux stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950 ".
15. Si Mme A... fait valoir qu'elle serait exposée à des risques en cas de retour en Algérie en raison de sa situation de mère célibataire, elle n'assortit pas ses allégations de justifications suffisamment probantes par la seule production d'une note du 11 avril 2016 de l'office de protection des réfugiés et apatrides pour établir le caractère actuel et personnel de ces risques. Ainsi le moyen tiré de ce que la décision fixant le pays de renvoi méconnaîtrait les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ne peut être accueilli.
16. Il résulte de tout ce qui précède que Mme A... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté préfectoral du 13 février 2017.
Sur les conclusions aux fins d'injonction et d'astreinte :
17. Le présent arrêt qui rejette les conclusions à fin d'annulation présentées par Mme A... n'implique aucune mesure d'exécution. Il y a lieu, par suite, de rejeter les conclusions de Mme A... aux fins d'injonction et d'astreinte.
Sur les frais liés au litige :
18. Les dispositions de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 et de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, tout ou partie de la somme que le conseil de Mme A... demande au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.
D É C I D E :
Article 1er : La requête de Mme A... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme B...A..., à Me C... et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée au préfet des Bouches-du-Rhône.
Délibéré après l'audience du 29 mars 2019, où siégeaient :
- M. Pocheron, président de chambre,
- M. Guidal, président assesseur,
- Mme D..., première conseillère.
Lu en audience publique, le 12 avril 2019.
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N° 18MA01700
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