Procédure devant la Cour :
Par une requête enregistrée le 25 avril 2017, M.D..., représenté par Me B..., demande à la Cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Nice du 1er décembre 2016 ;
2°) d'annuler la décision du 28 juillet 2016 du préfet des Alpes-Maritimes ;
3°) d'enjoindre au préfet des Alpes-Maritimes de l'admettre provisoirement au séjour au titre de l'asile ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros à verser à Me B... au titre des articles 37 et 75 de la loi du 10 juillet 1991 et de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- il n'a pas bénéficié du concours d'un interprète conformément à l'article 5 du règlement n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 ;
- l'entretien individuel n'a pas respecté la confidentialité ;
- il n'est pas établi que l'Etat français aurait saisi l'Etat polonais dans les formes et délais prescrits par le règlement n° 1560/2003 du 2 septembre 2003 portant modalités d'application du règlement dit Dublin III ;
- il n'est pas justifié du respect de l'article 26 du règlement CE n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 dès lors que la décision en litige lui a été notifiée dans une langue qu'il ne comprend pas.
M. D... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 20 mars 2017.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le règlement n° 1560/2003 de la Commission du 2 septembre 2003 ;
- le règlement n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de Mme Féménia, première conseillère, a été entendu au cours de l'audience publique.
1. Considérant que M. D..., ressortissant russe né le 20 septembre 1990, est entré irrégulièrement en France le 21 avril 2016 en compagnie de sa mère, Mme A... D... ; qu'il a présenté une demande d'asile le 25 avril 2016 ; que les autorités polonaises, responsables de sa demande d'asile en application du 2. de l'article 4 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013, ont fait connaître leur accord pour sa réadmission le 2 juin 2016 ; que, par arrêté du 28 juillet 2016, le préfet des Alpes-Maritimes a ordonné la remise de M. D... aux autorités polonaises ; que l'intéressé relève appel du jugement du 1er décembre 2016 par lequel le tribunal administratif de Nice a rejeté sa demande d'annulation de cette décision ;
Sur le bien-fondé du jugement attaqué :
2. Considérant, en premier lieu, qu'aux termes de l'article 4 du règlement n° 604/2013 du 26 juin 2013 : " Droit à l'information /1. Dès qu'une demande de protection internationale est introduite au sens de l'article 20, paragraphe 2, dans un Etat membre, ses autorités compétentes informent le demandeur de l'application du présent règlement, et notamment : / a) des objectifs du présent règlement et des conséquences de la présentation d'une autre demande dans un Etat membre différent ainsi que des conséquences du passage d'un Etat membre à un autre pendant les phases au cours desquelles l'Etat membre responsable en vertu du présent règlement est déterminé et la demande de protection internationale est examinée ; / b) des critères de détermination de l'Etat membre responsable, de la hiérarchie de ces critères au cours des différentes étapes de la procédure et de leur durée, y compris du fait qu'une demande de protection internationale introduite dans un Etat membre peut mener à la désignation de cet Etat membre comme responsable en vertu du présent règlement même si cette responsabilité n'est pas fondée sur ces critères ; / c) de l'entretien individuel en vertu de l'article 5 et de la possibilité de fournir des informations sur la présence de membres de la famille, de proches ou de tout autre parent dans les Etats membres, y compris des moyens par lesquels le demandeur peut fournir ces informations ; / (...). / 2. Les informations visées au paragraphe 1 sont données par écrit, dans une langue que le demandeur comprend ou dont on peut raisonnablement supposer qu'il la comprend. Les Etats membres utilisent la brochure commune rédigée à cet effet en vertu du paragraphe 3. / Si c'est nécessaire à la bonne compréhension du demandeur, les informations lui sont également communiquées oralement, par exemple lors de l'entretien individuel visé à l'article 5. / 4. (...) " ; qu'aux termes de l'article 20 de ce règlement : " (...) 2. Une demande de protection internationale est réputée introduite à partir du moment où un formulaire présenté par le demandeur (...) est parvenu aux autorités compétentes de l'Etat membre concerné (...). " ; qu'il résulte de ces dispositions que le demandeur d'asile auquel l'administration entend faire application du règlement du 26 juin 2013 doit se voir remettre, dès le moment où le préfet est informé de ce qu'il est susceptible d'entrer dans le champ d'application de ce règlement, et, en tout cas, avant la décision par laquelle l'autorité administrative décide de refuser l'admission provisoire au séjour de l'intéressé au motif que la France n'est pas responsable de sa demande d'asile, une information complète sur ses droits, par écrit et dans une langue qu'il comprend ; que cette information doit comprendre l'ensemble des éléments prévus au paragraphe 1 de l'article 4 du règlement ; qu'eu égard à la nature desdites informations, la remise par l'autorité administrative de la brochure prévue par les dispositions précitées constitue pour le demandeur d'asile une garantie ;
3. Considérant qu'il n'est pas contesté qu'au cours de l'entretien qu'il a eu avec les services de la préfecture des Alpes-Maritimes, le 25 avril 2016 , M. D... s'est vu remettre les brochures A, B et le guide d'accueil du demandeur d'asile, rédigés en langue russe ; qu'ainsi M. D... a reçu toutes les informations requises lui permettant de faire valoir ses observations avant que ne soit prise la décision contestée du 28 juillet 2016 ; que, dès lors, le préfet des Alpes-Maritimes n'a pas méconnu l'article 4 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 susvisé ;
4. Considérant, en deuxième lieu, qu'aux termes de l'article 5 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 : " 1. Afin de faciliter le processus de détermination de l'État membre responsable, l'État membre procédant à cette détermination mène un entretien individuel avec le demandeur. Cet entretien permet également de veiller à ce que le demandeur comprenne correctement les informations qui lui sont fournies conformément à l'article 4. 2. L'entretien individuel peut ne pas avoir lieu lorsque: a) le demandeur a pris la fuite; ou b) après avoir reçu les informations visées à l'article 4, le demandeur a déjà fourni par d'autres moyens les informations pertinentes pour déterminer l'État membre responsable. L'État membre qui se dispense de mener cet entretien donne au demandeur la possibilité de fournir toutes les autres informations pertinentes pour déterminer correctement l'État membre responsable avant qu'une décision de transfert du demandeur vers l'État membre responsable soit prise conformément à l'article 26, paragraphe 1. 3. L'entretien individuel a lieu en temps utile et, en tout cas, avant qu'une décision de transfert du demandeur vers l'État membre responsable soit prise conformément à l'article 26, paragraphe 1. 4. L'entretien individuel est mené dans une langue que le demandeur comprend ou dont on peut raisonnablement supposer qu'il la comprend et dans laquelle il est capable de communiquer. Si nécessaire, les États membres ont recours à un interprète capable d'assurer une bonne communication entre le demandeur et la personne qui mène l'entretien individuel. 5. L'entretien individuel a lieu dans des conditions garantissant dûment la confidentialité. Il est mené par une personne qualifiée en vertu du droit national. 6. L'État membre qui mène l'entretien individuel rédige un résumé qui contient au moins les principales informations fournies par le demandeur lors de l'entretien. Ce résumé peut prendre la forme d'un rapport ou d'un formulaire type. L'État membre veille à ce que le demandeur et/ou le conseil juridique ou un autre conseiller qui représente le demandeur ait accès en temps utile au résumé. " ;
5. Considérant d'une part, qu'il ressort des pièces du dossier, notamment de la " fiche accompagnateur " datée du 25 avril 2016, que lors de l'entretien individuel avec les services de la préfecture des Alpes-Maritimes, M. D... a bénéficié de l'aide d'un accompagnateur-traducteur qui a attesté être intervenu dans une langue comprise par le requérant ; que, d'autre part, il n'est pas établi que cet entretien ne se serait pas tenu dans des conditions garantissant la confidentialité de sa demande d'asile ; que, dès lors, le préfet des Alpes-Maritimes n'a pas méconnu l'article 5 du règlement (UE) n° 604/2013 susvisé ;
6. Considérant, en troisième lieu, qu'aux termes de l'article 2 du Règlement n° 1560/2003 du 2 septembre 2003 : " Une requête aux fins de reprise en charge est présentée à l'aide du formulaire type dont le modèle figure à l'annexe III exposant la nature et les motifs de la requête et les dispositions du règlement (UE) no 604/2013 du Parlement européen et du Conseil sur lesquelles elle se fonde. (...) " ; qu'aux termes de l'article 8 du même règlement : " (...) 3. Le formulaire type figurant à l'annexe VI est utilisé aux fins de la transmission à l'État membre responsable des données indispensables à la protection des droits de la personne à transférer et à la prise en compte de ses besoins particuliers immédiats. Ce formulaire tient lieu de préavis au sens du paragraphe 2. " ;
7. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que les autorités polonaises, saisies le 26 mai 2016 par le préfet des Alpes-Maritimes, ont donné leur accord pour la reprise en charge de M. D... le 2 juin 2016 ; que la circonstance, à la supposer établie, qu'elles n'aient pas été saisies d'une demande présentée conformément aux articles 2 et 8 précités est sans incidence sur la régularité de la procédure ; que, par suite, le moyen tiré de la méconnaissance des article 2 et 8 du règlement n° 1560/2003 du 2 septembre 2003 doit être écarté ;
8. Considérant qu'aux termes de l'article 26 du règlement du 26 juin 2013 : " 1. Lorsque l'État membre requis accepte la prise en charge ou la reprise en charge d'un demandeur ou d'une autre personne visée à l'article 18, paragraphe 1, point c) ou d), l'État membre requérant notifie à la personne concernée la décision de le transférer vers l'État membre responsable et, le cas échéant, la décision de ne pas examiner sa demande de protection internationale. (...) 2. La décision visée au paragraphe 1 contient des informations sur les voies de recours disponibles, y compris sur le droit de demander un effet suspensif, le cas échéant, et sur les délais applicables à l'exercice de ces voies de recours et à la mise oeuvre du transfert et comporte, si nécessaire, des informations relatives au lieu et à la date auxquels la personne concernée doit se présenter si cette personne se rend par ses propres moyens dans l'État membre responsable. (...) 3. Lorsque la personne concernée n'est pas assistée ou représentée par un conseil juridique ou un autre conseiller, les États membres l'informent des principaux éléments de la décision, ce qui comprend toujours des informations sur les voies de recours disponibles et sur les délais applicables à l'exercice de ces voies de recours, dans une langue que la personne concernée comprend ou dont on peut raisonnablement supposer qu'elle la comprend. " ;
9. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que l'arrêté en litige a été notifié à M. D... dans une langue qu'il ne comprend pas ; que toutefois, le fait que M. D... a saisi dans le délai de recours le tribunal administratif d'une demande d'annulation de l'arrêté prononçant sa réadmission révèle qu'il a eu connaissance du contenu et de la portée de cette décision ; que dans ces conditions, la notification en mains propres effectuée par le préfet n'a pas, dans les circonstances de l'espèce, privé M. D... d'une garantie de procédure et le moyen tiré de la méconnaissance de l'article 26 du règlement du 26 juin 2013 doit être écarté ;
10. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que M. D... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nice a rejeté sa demande ; que ses conclusions aux fins d'injonction et celles aux fins d'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent par voie de conséquence qu'être rejetées ;
D É C I D E :
Article 1er : La requête de M. D... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié M. C... D...et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera délivrée au préfet des Alpes-Maritimes.
Délibéré après l'audience du 30 mars 2018, où siégeaient :
- M. Pocheron, président de chambre,
- M. Guidal, président assesseur,
- Mme Féménia, première conseillère.
Lu en audience publique, le 13 avril 2018.
N° 17MA01699 2
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