Procédure devant la Cour :
Par une requête et des mémoires complémentaires, enregistrés le 29 juillet 2016, le 14 septembre 2017 et le 16 octobre 2017, M. et Mme C... et la SCI 96, représentés par la SCP d'avocats CGCB et associés, demandent à la Cour :
1°) d'annuler ce jugement du 14 juin 2016 ;
2°) d'annuler la décision implicite du 24 novembre 2014 du préfet du Gard ;
3°) d'enjoindre au préfet du Gard d'abroger son arrêté n° 2012059-0003 du 28 février 2012 portant approbation du plan de prévention des risques d'inondation de la commune de Nîmes dans un délai de deux mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir sous astreinte de 150 euros par jour de retard ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 500 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Ils soutiennent que :
- le syndicat mixte du schéma de cohérence territoriale Sud du Gard n'a pas été associé à l'élaboration du plan de prévention des risques d'inondation, en méconnaissance des dispositions de l'article L. 562-3 code de l'environnement ;
- les modalités de la concertation prévues par l'arrêté du 28 octobre 2008 portant prescription de ce plan de prévention n'ont pas été respectées, en méconnaissance des articles L. 562-3 et R. 562-2 du code de l'environnement ;
- la concertation avec le public s'est engagée alors que le projet était arrêté dans ses options essentielles ;
- l'assemblée délibérante du syndicat mixte du SCOT Sud du Gard n'a pas été consulté sur le projet de plan de prévention des risques d'inondation en méconnaissance de l'article R. 562-2 du code de l'environnement ;
- en classant l'intégralité du Mas de Font-Boeuf en zone non urbaine inondable par un aléa très fort, le préfet du Gard a entaché le plan de prévention des risques d'inondation en litige d'erreur manifeste d'appréciation ;
- le traitement différent du Mas de Font-de-Boeuf par rapport au Mas du Luc, dont le classement en zone inondable des parcelles bâties sur lesquelles il est assis a été annulé par le jugement du tribunal administratif de Nîmes du 19 juin 2013, est constitutif d'une violation du principe d'égalité devant les charges publiques.
Par des mémoires en défense, enregistrés le 1er août 2017 et le 13 octobre 2017, le ministre de la transition écologique et solidaire conclut au rejet de la requête.
Il fait valoir qu'aucun des moyens de la requête n'est fondé.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Coutier, premier conseiller,
- les conclusions de M. Chanon, rapporteur public,
- et les observations de Me D... représentant M. C... et autres.
Considérant ce qui suit :
1. M et Mme C... ainsi que la SCI 96 sont propriétaires des parcelles cadastrées section LP n° 42, 43, 49, 51, 14, 40 (devenue 157), 48, 123 (devenue 166), 124, 160, 162, 163, 165 et 41 composant le Mas de Font-Boeuf sis chemin du Bachas à Nîmes. Par arrêté du 28 octobre 2008, le préfet du Gard a prescrit l'élaboration d'un plan de prévention des risques d'inondation sur la commune de Nîmes. Par arrêté du 28 février 2012, cette même autorité a approuvé ledit plan, qui classe leurs parcelles en zone non urbaine inondable par un aléa très fort dite " zone TF-NU ". M. C... et autres relèvent appel du jugement du 14 juin 2016 par lequel le tribunal administratif de Nîmes a rejeté leur demande tendant à l'annulation de la décision implicite du 24 novembre 2014 par laquelle le préfet du Gard a refusé d'abroger cet arrêté du 28 février 2012.
Sur la procédure préalable à l'approbation du plan de prévention des risques d'inondation de la commune de Nîmes :
2. Le contrôle exercé par le juge administratif sur un acte qui présente un caractère réglementaire porte sur la compétence de son auteur, les conditions de forme et de procédure dans lesquelles il a été édicté, l'existence d'un détournement de pouvoir et la légalité des règles générales et impersonnelles qu'il énonce, lesquelles ont vocation à s'appliquer de façon permanente à toutes les situations entrant dans son champ d'application tant qu'il n'a pas été décidé de les modifier ou de les abroger.
3. Le juge administratif exerce un tel contrôle lorsqu'il est saisi, par la voie de l'action, dans le délai de recours contentieux. En outre, en raison de la permanence de l'acte réglementaire, la légalité des règles qu'il fixe, comme la compétence de son auteur et l'existence d'un détournement de pouvoir doivent pouvoir être mises en cause à tout moment, de telle sorte que puissent toujours être sanctionnées les atteintes illégales que cet acte est susceptible de porter à l'ordre juridique.
4. Après l'expiration du délai de recours contentieux, une telle contestation peut être formée par voie d'exception à l'appui de conclusions dirigées contre une décision administrative ultérieure prise pour l'application de l'acte réglementaire ou dont ce dernier constitue la base légale. Elle peut aussi prendre la forme d'un recours pour excès de pouvoir dirigé contre la décision refusant d'abroger l'acte réglementaire, comme l'exprime l'article L. 243-2 du code des relations entre le public et l'administration aux termes duquel : " L'administration est tenue d'abroger expressément un acte réglementaire illégal ou dépourvu d'objet, que cette situation existe depuis son édiction ou qu'elle résulte de circonstances de droit ou de fait postérieures, sauf à ce que l'illégalité ait cessé (...) ". Si, dans le cadre de ces deux contestations, la légalité des règles fixées par l'acte réglementaire, la compétence de son auteur et l'existence d'un détournement de pouvoir peuvent être utilement critiquées, il n'en va pas de même des conditions d'édiction de cet acte, les vices de forme et de procédure dont il serait entaché ne pouvant être utilement invoqués que dans le cadre du recours pour excès de pouvoir dirigé contre l'acte réglementaire lui-même et introduit avant l'expiration du délai de recours contentieux.
5. Il résulte de ce qui précède que M. C... et autres ne peuvent utilement invoquer, à l'appui de leurs conclusions tendant à l'annulation pour excès de pouvoir du refus d'abroger l'arrêté du 28 février 2012 portant approbation du plan de prévention du risque inondation sur la commune de Nîmes, les moyens tirés respectivement du défaut d'association du syndicat mixte du schéma de cohérence territoriale Sud du Gard à l'élaboration de ce plan, du non-respect des modalités de la concertation prévues par l'arrêté du 28 octobre 2008 portant prescription dudit plan, de l'insuffisante concertation du public sur ce plan et du défaut de consultation du syndicat mixte du schéma de cohérence territoriale Sud du Gard sur le projet.
Sur le classement des parcelles en litige :
6. En se bornant à relever qu'aucun des plans produits dans les annexes techniques du rapport de présentation du plan de prévention des risques d'inondation en litige ne permet de conclure que leurs parcelles seraient submergées par des hauteurs d'eau de plus d'un mètre en cas de survenance d'un événement climatique identique à celui du 3 octobre 1988, alors que ces plans ne constituent qu'une partie des éléments sur lesquels s'est fondée l'administration pour établir la cartographie des aléas au sein du périmètre considéré, dont la réalisation d'études hydrauliques complémentaires, les appelants ne contestent pas sérieusement la validité des conclusions résultant de l'analyse de l'ensemble des données collectées, notamment par le biais de l'étude de type " modèle casier stream " portant sur le Vistre et de l'étude Egis de juin 2009, laquelle montre que pour une crue semblable à celle du 3 octobre 1988, la hauteur d'eau sur ces parcelles serait comprise entre 1,25 mètre et 1,50 mètre.
7. La circonstance selon laquelle l'étude Egis précitée de 2009 n'est pas expressément mentionnée dans l'annexe du rapport de présentation ne saurait être de nature à remettre en cause son contenu. Il ressort en outre des pièces du dossier que cette étude n'est que le prolongement de l'étude réalisée par ce même cabinet en 2008 qui, elle, est mentionnée dans l'annexe du rapport, laquelle annexe précise que la liste des documents utilisés n'est pas exhaustive. Il en est de même s'agissant des levées topographiques fournies par la commune en 2007 et réalisées par la société Opsia.
8. Le fait que le Baou, qui est le cadereau voisin des parcelles propriétés des appelants, n'est pas au nombre de ceux concernés par l'étude menée en juin 2009 par le bureau d'étude Egis ne suffit pas à démontrer que ces parcelles ne seraient pas submergées par des hauteurs d'eau comprises entre 1,25 mètre et 1,50 mètre en cas de crue comparable à celle du 3 octobre 1988.
9. M. C... et autres ne sauraient utilement se prévaloir, pour contester le classement de leurs parcelles, d'une attestation sur l'honneur produite par leurs soins et d'une attestation de leur assureur certifiant que le Mas de Font-Boeuf n'a jamais eu à déplorer un quelconque dommage de catastrophe naturelle que ce soit au titre d'une inondation ou d'un autre évènement climatique dès lors que le contrat d'assurance, qui date du 2 septembre 1989, est postérieur à la crue de référence de 1988 et que l'assureur ne s'engage qu'à compter de la date de conclusion de ce contrat.
10. La circonstance selon laquelle les hauteurs d'eau seraient inférieures à un mètre en cas de crue comparable à celle de septembre 2005 est sans incidence sur la solution du litige dès lors que cette crue, dont la période de retour est de quarante ans, était d'intensité très inférieure à la crue de référence de 1988, dont la période de retour est de deux cents ans.
11. Il ressort des pièces du dossier que les parcelles dont le classement a été annulé par le jugement rendu par le tribunal administratif de Nîmes du 19 juin 2013 ne sont pas, eu égard à leur localisation et à leurs caractéristiques propres, dans une situation identique à celles des requérants. Il y a dès lors lieu d'écarter le moyen tiré de la méconnaissance du principe d'égalité devant les charges publiques.
12. Il ressort des pièces du dossier que seuls les travaux ayant eu une incidence certaine sur la crue de référence ont été pris en compte pour l'élaboration du plan de prévention des risques d'inondation contesté et qu'aucun de ces travaux ne concerne la zone dans laquelle sont situées les parcelles en litige. Par suite, le moyen tiré de ce que les travaux en cours et à venir sur les cadereaux n'ont pas été pris en compte doit être écarté.
13. Il résulte de tout ce qui précède que M. et Mme C... et la SCI 96 ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nîmes a rejeté leur demande. Par suite, la requête doit être rejetée, y compris les conclusions aux fins d'injonction et d'astreinte ainsi que celles tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
D É C I D E :
Article 1er : La requête de M. et Mme C... et de la SCI 96 est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... C..., à Mme E... A..., à la SCI 96 et au ministre de la transition écologique et solidaire.
Copie en sera adressée au préfet du Gard.
Délibéré après l'audience du 30 novembre 2018, à laquelle siégeaient :
- M. Pocheron, président de chambre,
- M. Guidal, président-assesseur,
- M. Coutier, premier conseiller.
Lu en audience publique le 14 décembre 2018.
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N° 16MA03088
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