Procédure devant la Cour :
Par une requête et un mémoire, enregistrés les 8 et 18 janvier 2018, sous le n° 18MA00197, M. B..., représenté par Me A... demande à la Cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Marseille du 7 décembre 2017 ;
2°) d'annuler l'arrêté préfectoral du 31 mai 2017 ;
3°) d'enjoindre au préfet des Bouches-du-Rhône, à titre principal, de lui délivrer un certificat de résidence portant la mention " vie privée et familiale " dans un délai d'un mois à compter de la date de la notification de l'arrêt à intervenir et, à titre subsidiaire, de réexaminer sa situation et de lui délivrer un récépissé portant autorisation de travail ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
S'agissant de la décision portant refus de titre de séjour :
- elle est insuffisamment motivée ;
- le tribunal a commis une erreur de droit quant à la preuve de son entrée régulière en France ;
- il a exigé la preuve d'une formalité non prévue par l'accord franco-algérien ;
- la décision contestée viole les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation ;
S'agissant de la décision portant obligation de quitter le territoire français :
- elle est illégale en raison de l'illégalité de la décision de refus de titre de séjour ;
- elle viole les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation ;
- elle méconnaît les dispositions de l'article L. 511-4-7° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
S'agissant de la décision fixant le pays de destination :
- elle est illégale dès lors qu'il bénéficie d'un droit au séjour en sa qualité de conjoint de français.
Par un mémoire en défense, enregistré le 9 juillet 2018, le préfet des Bouches-du-Rhône conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens soulevés par M. B... ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la convention d'application de l'accord de Schengen, signée le 19 juin 1990 ;
- l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 modifié ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de Mme D... a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. M. B..., né le 26 décembre 1980, de nationalité algérienne, relève appel du jugement du 7 décembre 2017 du tribunal administratif de Marseille qui a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 31 mai 2017 par lequel le préfet des Bouches-du-Rhône a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination.
Sur le bien-fondé du jugement attaqué :
En ce qui concerne la légalité de la décision portant refus de titre de séjour :
2. La circonstance que la décision contestée ne mentionne pas le mariage de M. B... avec une ressortissante française n'est pas de nature à établir que cette décision serait insuffisamment motivée quant à l'atteinte à sa vie privée et familiale dès lors qu'elle vise sa demande de certificat de résidence sur le fondement de l'article 6 alinéa 1-2 de l'accord franco-algérien relatif au ressortissant algérien marié avec un ressortissant de nationalité française, relève que le requérant ne justifie pas d'une entrée régulière sur le territoire français et que dans la mesure où il n'établit pas être dépourvu d'attaches familiales dans son pays d'origine où il a vécu jusqu'à l'âge de 34 ans, lui refuser sa demande d'admission au séjour et prononcer une mesure d'éloignement à son encontre ne sont pas contraires à l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
3. Aux termes de l'article 6-2 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 : " Le certificat de résidence d'un an portant la mention " vie privée et familiale " est délivré de plein droit : (...) au ressortissant algérien, marié avec un ressortissant de nationalité française, à condition que son entrée sur le territoire français ait été régulière, que le conjoint ait conservé la nationalité française et, lorsque le mariage a été célébré à l'étranger, qu'il ait été transcrit préalablement sur les registres de l'état civil français ".
4. L'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 régit d'une manière complète les conditions dans lesquelles les ressortissants algériens peuvent être admis à séjourner en France ainsi que les règles concernant la nature des titres de séjour qui peuvent leur être délivrés et leur durée de validité. L'article 9 de l'accord impose que les ressortissants algériens venant en France pour un séjour inférieur à trois mois présentent un passeport en cours de validité muni d'un visa délivré par les autorités françaises. Toutefois, les stipulations de la convention signée à Schengen le 19 juin 1990, introduite dans l'ordre juridique interne par la loi du 30 juillet 1991 et le décret du 21 mars 1995, instituent un visa uniforme pour le territoire de l'ensemble des parties contractantes pour un séjour de trois mois au maximum.
5. Il résulte des dispositions combinées de l'article 22 de la convention signée à Schengen le 19 juin 1990 et des articles L. 531-1, L. 531-2 alinéa 2, R. 211-32 et R. 212-6 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile que M. B..., auquel l'article 9 de l'accord franco-algérien faisait obligation de disposer d'un visa pour entrer en France pour un séjour inférieur à trois mois, n'était pas dispensé de la déclaration prévue à l'article 22 de la convention de Schengen. Si le requérant soutient qu'il est entré en France le 21 mai 2015, en provenance d'Espagne muni d'un passeport revêtu d'un visa C Schengen délivré par les autorités espagnoles valable du 18 mai 2015 au 17 juin 2015, il ne ressort pas des pièces du dossier qu'il aurait satisfait à l'obligation de la déclaration d'entrée sur le sol français. Par suite, le préfet des Bouches-du-Rhône a pu légalement estimer qu'il ne justifiait pas d'une entrée régulière sur le territoire français dont la preuve ne peut être apportée par la production d'un document de voyage concernant un trajet en bus, entre Barcelone et Marseille, effectué durant la période de validité du visa espagnol. Ainsi, la décision contestée ne méconnaît pas les stipulations du 2° de l'article 6 de l'accord franco-algérien qui subordonnent la délivrance d'un certificat de résidence d'un an à une entrée régulière sur le territoire français même en cas de mariage du demandeur avec un ressortissant français. Elle n'est pas davantage entachée d'erreur manifeste d'appréciation. En outre, le tribunal n'a pas opposé au requérant une condition non prévue par cet accord.
6. Aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui. ".
7. Il ressort des pièces du dossier que M. B... est entré sur le territoire national le 21 mai 2015 après avoir épousé, le 18 juillet 2012, en Algérie, une ressortissante française. Ainsi, s'il peut se prévaloir d'une durée de mariage de près de cinq ans à la date de la décision contestée, il ne démontre une communauté de vie avec son épouse qu'à compter du 5 juin 2016, par la production d'une facture EDF établie aux deux noms, soit une durée d'un peu moins d'un an, après avoir vécu trois ans séparé de son conjoint. M. B... n'établit ni même n'allègue être dépourvu d'attache familiale dans son pays d'origine où il a vécu jusqu'à l'âge de trente quatre ans. Dans ces conditions et alors même qu'il serait titulaire d'un contrat de travail à durée indéterminée pour un emploi d'agent de sécurité, la décision en litige n'a pas porté à son droit au respect de sa vie privée et familiale, une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels elle a été prise. Dès lors, le moyen tiré de ce que cette décision aurait méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit être écarté. Pour les mêmes motifs, elle n'est pas entachée d'erreur manifeste d'appréciation.
En ce qui concerne la légalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours :
8. Pour les motifs indiqués aux points 2 à 7, M. B... n'est pas fondé à invoquer par voie d'exception, contre la décision contestée, l'illégalité du refus de titre de séjour.
9. Aux termes de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Ne peuvent faire l'objet d'une obligation de quitter le territoire français : (...) / 7° L'étranger marié depuis au moins trois ans avec un conjoint de nationalité française, à condition que la communauté de vie n'ait pas cessé depuis le mariage et que le conjoint ait conservé la nationalité française ; (...) ".
10. Ainsi qu'il a été dit au point 7, si M. B... est marié depuis le 18 juillet 2012 à une ressortissante française, la communauté de vie a cessé après le mariage pendant trois ans. M. B... ne peut dès lors légalement prétendre au bénéfice des dispositions du 7° de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
11. Les moyens tirés de la méconnaissance de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et de l'erreur manifeste d'appréciation doivent être écartés pour les mêmes motifs que ceux mentionnés au point 7.
En ce qui concerne la légalité de la décision fixant le pays de destination :
12. Compte tenu de ce qui a été dit aux points 2 à 7, M. B... n'est pas fondé à soutenir que la décision contestée serait illégale dès lors qu'il bénéficie d'un droit au séjour en sa qualité de conjoint de ressortissant français.
13. Il résulte de tout ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté préfectoral du 31 mai 2017.
Sur les conclusions aux fins d'injonction :
14. Le présent arrêt, qui rejette les conclusions à fin d'annulation présentées par M. B..., n'implique aucune mesure d'exécution. Il y a lieu, par suite, de rejeter les conclusions de M. B... aux fins d'injonction.
Sur les frais liés au litige :
15. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que l'Etat, qui n'a pas la qualité de partie perdante, verse à M. B... une somme que celui-ci réclame au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens.
D É C I D E :
Article 1er : La requête de M. B... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. C... B...et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée au préfet des Bouches-du-Rhône.
Délibéré après l'audience du 30 novembre 2018, où siégeaient :
- M. Pocheron, président de chambre,
- M. Guidal, président assesseur,
- Mme D..., première conseillère.
Lu en audience publique, le 14 décembre 2018.
N° 18MA00197 2
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