Procédure devant la Cour :
Par une requête et un mémoire enregistrés le 24 octobre 2014 et le 28 janvier 2016, Mme A..., représentée par Me B..., demande à la Cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Montpellier du 12 juin 2014 ;
2°) d'annuler l'arrêté du préfet de l'Hérault du 30 décembre 2013 ;
3°) d'enjoindre au préfet de lui délivrer un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " sous astreinte de 100 euros par jour de retard à compter de l'arrêt à intervenir et, à titre subsidiaire, de réexaminer sa demande dans un délai de quinze jours sous la même condition d'astreinte ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 200 euros à verser à son conseil, Me B..., en application de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 et de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, ce règlement emportant renonciation à l'indemnité versée au titre de l'aide juridictionnelle.
Elle soutient que :
- le préfet n'a pas procédé à un examen réel et complet de sa demande ;
- la procédure est irrégulière en l'absence de saisine de la commission du titre de séjour ;
- le refus de séjour est insuffisamment motivé ;
- il méconnaît les dispositions du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- il méconnaît les dispositions du 11° du même article L. 313-11 ;
- il est entaché d'une erreur manifeste d'appréciation ;
- la décision portant obligation de quitter le territoire français est insuffisamment motivée ;
- elle méconnaît les dispositions du 10° de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- elle méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
Par un mémoire en défense, enregistré le 7 janvier 2016, le préfet de l'Hérault conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens soulevés par Mme A... ne sont pas fondés.
Mme A... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 30 septembre 2014.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de M. Guidal, président, a été entendu au cours de l'audience publique.
1. Considérant que Mme A..., ressortissante marocaine, née en 1954, est entrée en France le 15 août 2011, sous couvert d'un visa de court séjour ; qu'elle a sollicité la délivrance d'un titre de séjour en se prévalant de ses attaches familiales en France et de son état de santé ; que le préfet de l'Hérault a rejeté sa demande de titre de séjour, par un arrêté du 30 décembre 2013, en assortissant ce refus d'une obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours ; que Mme A... relève appel du jugement du 12 juin 2014 par lequel le tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande en annulation des décisions précitées ;
Sur les conclusions dirigées contre le refus de titre de séjour :
2. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que pour refuser à Mme A... la délivrance d'un titre de séjour, le préfet de l'Hérault s'est fondé sur la circonstance que l'intéressée ne pouvait se prévaloir de l'article L. 314-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile à défaut de remplir les conditions prévues par ces dispositions pour obtenir la délivrance d'une carte de résident ; qu'il a également relevé que l'intéressée n'établissait pas davantage entrer dans les prévisions de l'article L 313-14 du même code faute de justifier d'un motif exceptionnel ou de considérations humanitaires et qu'enfin elle ne remplissait pas les conditions pour obtenir un titre de séjour en raison de son état de santé ;
3. Considérant, en premier lieu, qu'il ne ressort ni des termes de l'arrêté contesté, ni d'aucune autre pièce du dossier, que le préfet n'aurait pas procédé à un examen approfondi de la situation personnelle de Mme A... avant de rejeter sa demande de titre de séjour ; que la circonstance alléguée que l'arrêté contesté ne mentionnerait pas la présence en France de ses proches n'est pas de nature à établir le défaut d'examen allégué ni d'ailleurs une insuffisance de motivation de la décision querellée ;
4. Considérant en deuxième lieu, qu'aux termes de l'article L. 314-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sauf si la présence de l'étranger constitue une menace pour l'ordre public, la carte de résident est délivrée de plein droit, sous réserve de la régularité du séjour : (...) / 2° A l'enfant étranger d'un ressortissant de nationalité française si cet enfant est âgé de dix-huit à vingt et un ans ou dans les conditions prévues à l'article L. 311-3 ou s'il est à la charge de ses parents ainsi qu'aux ascendants d'un tel ressortissant et de son conjoint qui sont à sa charge, sous réserve qu'ils produisent un visa pour un séjour d'une durée supérieure à trois mois " ;
5. Considérant que la décision refusant à Mme A... la délivrance d'un carte de résident a été motivée par le fait qu'elle ne justifiait pas être à la charge de son fils de nationalité française et qu'elle n'était pas en possession d'un visa de long séjour ; qu'il ne ressort pas des pièces du dossier que Mme A... serait titulaire d'un visa d'une durée supérieure à trois mois ; que ce motif suffisait à lui seul à justifier légalement le refus de délivrance d'un carte de résident ; que, par suite, à supposer même que l'intéressée soit, comme elle le soutient, à la charge de son fils de nationalité française, cette circonstance est sans influence sur la légalité de la décision contestée ;
6. Considérant, en troisième lieu, qu'aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit : (...) 7° A l'étranger ne vivant pas en état de polygamie, qui n'entre pas dans les catégories précédentes ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, dont les liens personnels et familiaux en France, appréciés notamment au regard de leur intensité, de leur ancienneté et de leur stabilité, des conditions d'existence de l'intéressé, de son insertion dans la société française ainsi que de la nature de ses liens avec la famille restée dans le pays d'origine, sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus, sans que la condition prévue à l'article L. 311-7 soit exigée (...) " ; qu'aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui " ;
7. Considérant que Mme A... fait valoir qu'elle a rejoint ses trois enfants, dont l'un est de nationalité française, ses sept frères, sa mère qui est titulaire d'une carte de séjour temporaire, ainsi que ses petits-enfants qui résident tous régulièrement en France ; qu'il ressort toutefois des pièces du dossier que l'intéressée est née au Maroc où elle a toujours vécu jusqu'à son entrée récente en France en 2011, à l'âge de cinquante sept ans ; que la filiation de Mme H... F...et de M. D... F..., qu'elle présente comme ses enfants, est contestée par le préfet ; qu'au vu des pièces produites, elle ne justifie être la mère que du seul M. C... F..., ressortissant français résidant sur le territoire national ; que si Mme A... soutient être dépourvue de toute attache familiale dans son pays d'origine, ses allégations ne sont pas corroborées par les pièces du dossier, desquelles il ressort qu'elle est également la mère de quatre autres enfants qui résident au Maroc, dont l'un était encore mineur à la date de la décision querellée ; qu'en revanche, il est établi par ces mêmes pièces, que l'intéressée s'est volontairement soustraite à l'exécution d'une précédente mesure d'éloignement dont elle a fait l'objet le 18 février 2013 ; qu'ainsi, eu égard à la durée et aux conditions de son séjour en France, l'arrêté du préfet de l'Hérault du 30 décembre 2013 n'a pas porté aux droits de Mme A... au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels il a été pris ; qu'il n'a, par suite, méconnu ni les dispositions du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, ni les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; que, pour les mêmes raisons, il n'est pas entaché d'une erreur manifeste dans l'appréciation portée sur sa situation personnelle ;
8. Considérant, en quatrième lieu, qu'aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit : (...) 11° A l'étranger résidant habituellement en France dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité, sous réserve de l'absence d'un traitement approprié dans le pays dont il est originaire, sauf circonstance humanitaire exceptionnelle appréciée par l'autorité administrative après avis du directeur général de l'agence régionale de santé, sans que la condition prévue à l'article L. 311-7 soit exigée. La décision de délivrer la carte de séjour est prise par l'autorité administrative, après avis du médecin inspecteur de santé publique compétent au regard du lieu de résidence de l'intéressé ou, à Paris, du médecin, chef du service médical de la préfecture de police (...) " ; que selon l'article R 313-22 du même code : " Pour l'application du 11° de l'article L. 313-11, le préfet délivre la carte de séjour temporaire au vu d'un avis émis par le médecin de l'agence régionale de santé compétente au regard du lieu de résidence de l'intéressé, désigné par le directeur général. Par dérogation, à Paris, ce médecin est désigné par le préfet de police. L'avis est émis dans les conditions fixées par arrêté du ministre chargé de l'immigration et du ministre chargé de la santé au vu, d'une part, d'un rapport médical établi par un médecin agréé ou un médecin praticien hospitalier et, d'autre part, des informations disponibles sur l'existence d'un traitement dans le pays d'origine de l'intéressé. Quand la commission médicale régionale a été saisie dans les conditions prévues à l'article R. 313-26, l'avis mentionne cette saisine. Le préfet peut, après avis du directeur général de l'agence régionale de santé, prendre en considération une circonstance humanitaire exceptionnelle pour délivrer la carte de séjour temporaire même s'il existe un traitement approprié dans le pays d'origine de l'intéressé. " ;
9. Considérant qu'il résulte des dispositions précitées, éclairées par les travaux parlementaires qui ont précédé l'adoption de la loi n° 2011-672 du 16 juin 2011, qu'il appartient à l'autorité administrative, lorsqu'elle envisage de refuser la délivrance d'un titre de séjour à un étranger qui en fait la demande sur le fondement des dispositions du 11° de l'article L. 313-11, de vérifier, au vu de l'avis émis par le médecin mentionné à l'article R. 313-22, que cette décision ne peut avoir de conséquences d'une exceptionnelle gravité sur l'état de santé de l'intéressé et, en particulier, d'apprécier, sous le contrôle du juge de l'excès de pouvoir, la nature et la gravité des risques qu'entraînerait un défaut de prise en charge médicale dans le pays dont l'étranger est originaire ; que lorsque le défaut de prise en charge risque d'avoir des conséquences d'une exceptionnelle gravité sur la santé de l'intéressé, l'autorité administrative ne peut légalement refuser le titre de séjour sollicité que s'il existe des possibilités de traitement approprié de l'affection en cause dans son pays d'origine ;
10. Considérant que si la requérante soutient qu'elle présente une déficience visuelle bilatérale sévère nécessitant une surveillance ophtalmologique à vie, l'avis du médecin-inspecteur de santé publique de l'agence régionale de santé du 23 décembre 2013 relève que l'état de santé de Mme A... nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité mais que l'intéressée peut bénéficier d'un traitement approprié dans son pays d'origine ; que si, dans deux précédents avis, ce même médecin estimait que le pays d'origine n'offrait pas les soins appropriés, cette seule circonstance ne suffit pas à établir l'absence de traitement approprié, à la date de la décision attaquée, au Maroc ; que les certificats médicaux produits par Mme A... ne comportent d'ailleurs aucune indication sur une quelconque absence de traitement approprié de l'affection en cause dans son pays d'origine ; que les problèmes que rencontrent Mme A... ne constituent pas une circonstance humanitaire exceptionnelle ; qu'ainsi le moyen fondé sur son état de santé doit être écarté ;
11. Considérant, en cinquième lieu, qu'aux termes de l'article L. 312-1 du code l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Dans chaque département, est instituée une commission du titre de séjour (...) " ; qu'aux termes de l'article L. 312-2 du même code : " La commission est saisie par l'autorité administrative lorsque celle-ci envisage de refuser de délivrer ou de renouveler une carte de séjour temporaire à un étranger mentionné à l'article L. 313-11 ou de délivrer une carte de résident à un étranger mentionné aux articles L. 314-11 et L. 314-12, ainsi que dans le cas prévu à l'article L. 431-3 (...) " ; qu'il résulte de ces dispositions que le préfet est tenu de saisir la commission du titre de séjour du cas des seuls étrangers qui remplissent effectivement les conditions prévues aux articles L. 313-11, L. 314-11, L. 314-12 et L. 431-3 du code de l'entrée et du séjour et du droit d'asile auxquels il envisage de refuser le titre de séjour sollicité et non de celui de tous les étrangers qui se prévalent de ces dispositions ; que, compte tenu de ce qui a été ci-dessus exposé, le préfet de l'Hérault n'était pas tenu de soumettre le cas de la requérante à la commission du titre de séjour avant de statuer sur sa demande ;
Sur les conclusions dirigées contre la décision portant obligation de quitter le territoire français :
12. Considérant, en premier lieu, que Mme A... se borne à reprendre à l'appui de sa requête d'appel dirigée contre la décision lui faisant obligation de quitter le territoire français le même moyen que celui déjà soulevé devant le tribunal administratif de Montpellier et tiré de ce que le préfet aurait entaché sa décision d'une insuffisance de motivation ; que ce moyen doit être écarté par adoption des motifs retenus à bon droit par les premiers juges ;
13. Considérant, en deuxième lieu, que pour les motifs exposés au point 7, la décision faisant obligation à Mme A... de quitter le territoire français ne méconnaît pas les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
14. Considérant, en troisième lieu, que pour les motifs exposés au point 10, la même décision ne méconnaît pas les dispositions du 10° de l'article L. 511-4 du code l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile
15. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que Mme A... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande ; que, par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction ainsi que celles présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 ne peuvent qu'être rejetées ;
D É C I D E :
Article 1er : La requête de Mme A... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme G...A...et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera transmise au préfet de l'Hérault.
Délibéré après l'audience du 5 février 2016, à laquelle siégeaient :
- M. Lascar, président de chambre,
- M. Guidal, président assesseur,
- Mme E..., première conseillère.
Lu en audience publique, le 23 février 2016.
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N° 14MA04266
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