Procédure devant la Cour :
Par une requête enregistrée le 29 octobre 2014, M. C..., représenté par Me A..., demande à la Cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Toulon du 2 octobre 2014 ;
2°) d'annuler l'arrêté du préfet du Var du 6 juin 2014 ;
3°) d'enjoindre au préfet de lui délivrer un titre de séjour portant la mention "commerçant" dans le délai d'un mois à compter de l'arrêt à intervenir ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- le préfet ne pouvait se fonder sur les résultats de l'exercice 2012 pour apprécier si son activité commerciale était viable économiquement, mais aurait dû tenir compte des résultats de l'exercice 2013 ;
- contrairement à ce qu'a estimé le préfet, son activité commerciale est viable économiquement ;
- l'arrêté litigieux méconnaît les stipulations de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;
- il méconnaît les stipulations de l'article 10 de la convention franco-nigérienne relative à la circulation et au séjour des personnes du 24 juin 1994.
Par un mémoire en défense, enregistré le 10 décembre 2015, le préfet du Var conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens soulevés par M. C... ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention internationale des droits de l'enfant, signée à New-York le 26 janvier 1990 ;
- la convention entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République du Niger relative à la circulation et au séjour des personnes, signée à Niamey le 24 juin 1994, et le décret n° 97-868 du 18 septembre 1997 en portant publication ;
- le code du travail ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le décret n° 2012-1429 du 19 décembre 2012 portant relèvement du salaire minimum de croissance ;
- l'arrêté du 12 septembre 2007 relatif aux documents à produire pour la délivrance de la carte de séjour temporaire autorisant l'exercice d'une activité commerciale, industrielle ou artisanale ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de M. Guidal, président, a été entendu au cours de l'audience publique.
1. Considérant que M. C..., né en 1983 au Niger, pays dont il a la nationalité, est entré régulièrement en France le 12 septembre 2007 à l'âge de vingt-quatre ans et a obtenu, le 1er octobre 2007, un premier titre de séjour temporaire portant la mention " étudiant " plusieurs fois renouvelé depuis ; qu'il a sollicité et obtenu en novembre 2011 un changement de sa carte de séjour temporaire mention " étudiant " en carte de séjour temporaire autorisant l'exercice d'une activité professionnelle ; qu'il a enfin sollicité le 28 octobre 2013 le renouvellement de sa carte de séjour temporaire l'autorisant à exercer la profession de " commerçant ", tout en se prévalant, par ailleurs, d'une relation de concubinage avec une compatriote titulaire d'une carte de séjour " étudiant " et de la naissance d'un enfant né le 17 juin 2013 de cette relation ; que par un arrêté du 6 juin 2014, le préfet du Var a opposé un refus à cette demande et a assorti sa décision d'une obligation de quitter le territoire français ; que M. C... relève appel du jugement du 2 octobre 2014 par lequel le tribunal administratif de Toulon a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté ;
2. Considérant, en premier lieu, qu'en vertu du 2° de l'article L. 313-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, la carte de séjour temporaire autorisant l'exercice d'une activité professionnelle est délivrée à l'étranger qui vient exercer une profession commerciale, industrielle ou artisanale à condition notamment qu'il justifie d'une activité économique viable ; qu'aux termes de l'article R. 313-36-1 du même code, pris pour son application, dans sa version applicable à la date de la décision attaquée : " L'étranger qui sollicite le renouvellement de la carte de séjour temporaire délivrée au titre des dispositions du 2° de l'article L. 313-10 doit justifier qu'il continue de satisfaire aux conditions requises par lesdites dispositions. /L'étranger admis au séjour pour créer une activité ou une entreprise produit à cet effet tout document établissant qu'il a réalisé son projet et que les ressources qu'il en tire sont d'un niveau équivalent au salaire minimum de croissance correspondant à un emploi à temps plein. / L'étranger qui participe à une activité ou à une entreprise existante produit tout document établissant que les ressources qu'il en tire atteignent un niveau équivalent au salaire minimum de croissance correspondant à un emploi à temps plein. / Un arrêté du ministre chargé de l'immigration et du ministre chargé des finances fixe la liste des pièces justificatives que l'étranger doit produire à l'appui de sa demande " ; que selon l'annexe à l'arrêté interministériel du 12 septembre 2007 pris en application de cette disposition, le demandeur doit produire à l'appui de sa demande de renouvellement " Pour continuer l'activité créée : (...) /2. Un bordereau de situation fiscale de l'entreprise (P 237). (...) 6. Si le demandeur n'a pas le statut de salarié, un extrait du livre de compte établissant la rémunération versée au cours des trois derniers mois ou, en l'absence d'avis d'imposition, des douze derniers mois " ;
3. Considérant qu'il résulte de ces dispositions que le renouvellement d'une carte de séjour temporaire autorisant l'exercice d'une activité professionnelle à l'étranger qui est venu exercer en France une profession commerciale, industrielle ou artisanale est subordonnée, notamment, à la viabilité économique de l'activité exercée ; que, lorsque l'étranger a été lui-même le créateur de l'activité exercée, il lui appartient de présenter à l'appui de sa demande les justificatifs permettant de s'assurer qu'il a effectivement réalisé son projet et d'apprécier la capacité de l'activité ou de l'entreprise qu'il a créée à lui procurer des ressources au moins équivalentes au salaire minimum de croissance correspondant à un emploi à temps plein ; qu'à compter du 1er janvier 2013, le décret susvisé du 19 décembre 2012 a porté le montant du salaire minimum de croissance en métropole à 9,43 euros l'heure, correspondant à un montant mensuel de 1 430, 22 euros pour un emploi à temps plein ;
4. Considérant que, pour refuser à M. C... le renouvellement de sa carte de séjour temporaire, le préfet du Var a relevé que l'entreprise commerciale Arweil Group créée par le requérant le 14 novembre 2011 avait dégagé au titre de l'exercice clos en 2012 un solde négatif de 2 259 euros, qu'il avait déclaré au service des impôts un revenu fiscal de référence de 8 334 euros et qu'il ne répondait pas ainsi aux conditions d'attribution d'un titre de séjour sur la base des dispositions précitées des articles L. 313-10 et R. 313-36-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
5. Considérant que si M. C... reproche au préfet du Var de s'être fondé sur les résultats de l'exercice 2012 de l'EURL Arweil Group pour rejeter sa demande, il ne ressort pas des pièces du dossier qu'il aurait produit à l'appui de celle-ci les résultats de l'exercice 2013 ; qu'au demeurant, la société clôturait son exercice le 31 décembre de l'année en cours et les résultats de l'exercice 2013 n'étaient pas encore connus à la date du 28 octobre 2013 lorsque l'intéressé a sollicité le renouvellement de son titre de séjour ; que, par suite, le moyen tiré de ce que le préfet aurait commis une erreur de fait ou une erreur de droit en se fondant sur les résultats de l'exercice 2012 doit être écarté ;
6. Considérant que si M. C... soutient que le résultat de l'exercice 2013 de l'EURL Arweil Group était positif de 13 443 euros, il ressort des pièces du dossier et notamment du compte de résultat de l'exercice en cause qu'aucun salaire n'a été versé par la société à son gérant en 2013 ; que, par ailleurs, le résultat de cet exercice, correspondant à un montant mensuel de ressources de 1 120, 25 euros, n'a pas permis à l'intéressé de tirer de son entreprise des ressources d'un niveau équivalent au salaire minimum de croissance correspondant à un emploi à temps plein mentionné au point 3 ; que contrairement à ce qui est allégué, le préfet n'avait pas à prendre en compte les revenus de la concubine du requérant pour apprécier son niveau de ressources ; qu'ainsi, les dispositions précitées des articles L. 313-10 et R. 313-36-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile n'ont pas été méconnues ;
7. Considérant, en deuxième lieu, qu'aux termes de l'article 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant du 26 janvier 1990 : " Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait d'institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale " ; qu'il résulte de ces stipulations que, dans l'exercice de son pouvoir d'appréciation, l'autorité administrative doit accorder une attention primordiale à l'intérêt supérieur des enfants dans toutes les décisions les concernant ;
8. Considérant que s'il ressort des pièces du dossier que M. C... est le père d'un jeune enfant né le 17 juin 2013, dont la mère est une compatriote qui poursuivait ses études en France et bénéficiait à ce titre d'une carte de séjour temporaire, l'intéressé ne justifie pas d'une communauté de vie avec la mère de son enfant qui résidait dans le département de l'Oise à la date de l'arrêté critiqué, ni d'ailleurs contribuer à l'éducation et à l'entretien de celui-ci ; qu'au demeurant, il ne ressort pas des pièces du dossier que l'arrêté litigieux aurait lui-même pour objet ou pour effet de séparer durablement le requérant de son jeune fils, de nationalité nigérienne, dans la mesure où l'intéressé ne fait état d'aucune circonstance particulière qui ferait obstacle à la reconstitution de sa cellule familiale au Niger, pays dont la mère de l'enfant est également ressortissante ; qu'ainsi, eu égard à l'ensemble des circonstances de l'espèce, la décision attaquée n'a pas été prise en méconnaissance de l'intérêt supérieur de cet enfant protégé par l'article 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant ;
9. Considérant, en troisième lieu, qu'aux termes de l'article 10 de la convention franco-nigérienne susvisée : "Après trois années de résidence régulière et non interrompue, les nationaux de chacun des Etats contractants établis sur le territoire de l'autre Etat peuvent obtenir un titre de séjour de dix ans renouvelable de plein droit dans les conditions prévues par la législation de l'Etat de résidence" ; que les conditions auxquelles renvoient ces stipulations sont fixées par l'article L. 314-8 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile selon lequel : " Tout étranger qui justifie d'une résidence ininterrompue d'au moins cinq années en France, conforme aux lois et règlements en vigueur, sous couvert de l'une des cartes de séjour mentionnées (...) aux (...) 2° de l'article L. 313-10, (...) peut obtenir une carte de résident portant la mention " résident de longue durée-CE " s'il dispose d'une assurance maladie. (...) La décision d'accorder ou de refuser cette carte est prise en tenant compte des faits qu'il peut invoquer à l'appui de son intention de s'établir durablement en France, notamment au regard des conditions de son activité professionnelle s'il en a une, et de ses moyens d'existence. / Les moyens d'existence du demandeur sont appréciés au regard de ses ressources qui doivent être stables et suffisantes pour subvenir à ses besoins. Sont prises en compte toutes les ressources propres du demandeur indépendamment des prestations familiales et des allocations prévues aux articles L. 262-1 du code de l'action sociale et des familles et L. 351-9, L. 351-10 et L. 351-10-1 du code du travail. Ces ressources doivent atteindre un montant au moins égal au salaire minimum de croissance et sont appréciées au regard des conditions de logement / (...) " ;
10. Considérant que, dès lors que ces stipulations renvoient, pour l'obtention d'un titre de séjour de dix ans, à la législation interne de l'Etat de résidence, M. C... ne peut bénéficier d'un titre de séjour de dix ans du seul fait qu'il remplit la condition de trois années de résidence régulière et non interrompue en France ; qu'ainsi, en admettant même qu'il ait fait sa demande sur le fondement de ces stipulations comme il le prétend, ce moyen doit être écarté ;
11. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que M. C... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Toulon a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté en date du 6 juin 2014 ; qu'il y a lieu, par voie de conséquence, de rejeter ses conclusions à fin d'injonction et celles tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
D É C I D E :
Article 1er : La requête de M. C... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. D... et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera transmise au préfet du Var.
Délibéré après l'audience du 5 février 2016, à laquelle siégeaient :
- M. Lascar, président de chambre,
- M. Guidal, président assesseur,
- Mme B..., première conseillère.
Lu en audience publique, le 23 février 2016.
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N° 14MA04311
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