Procédure devant la Cour :
Le préfet du Gard a relevé appel de ce jugement et par la présente requête, enregistrée le 13 février 2018, a demandé qu'il soit sursis à son exécution.
Il soutient que :
- M. B... n'ayant enregistré sa demande d'asile que le 8 septembre 2017, l'administration n'était pas tenue de lui remettre " la brochure A " avant cette date ;
- ce moyen est sérieux et de nature à justifier outre l'annulation du jugement attaqué le rejet des conclusions aux fins d'annulation accueillies par ce jugement ;
- l'exécution du jugement attaqué risque d'entraîner des conséquences difficilement réparables.
Par un mémoire en défense, enregistré le 6 avril 2018, M. B..., représenté par Maître A..., conclut au rejet de la requête, à ce qu'il soit admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle provisoire et à ce que soit mise à la charge de l'Etat la somme de 1 000 euros à verser à son avocat au titre des dispositions des articles 37 de la loi du 10 juillet 1991 et L. 761-1 du code de justice administrative, sous réserve de son désistement du bénéfice de l'aide juridictionnelle.
Il soutient que les moyens soulevés par le préfet du Gard ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 établissant les critères et mécanismes de détermination de l'Etat membre responsable de l'examen d'une demande de protection internationale introduite dans l'un des Etats membres par un ressortissant de pays tiers ou un apatride ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de M. Guidal, président, a été entendu au cours de l'audience publique.
1. Considérant que, par un jugement du 30 janvier 2018, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Nîmes a annulé, sur la demande de M. B..., l'arrêté du 22 janvier 2018 par lequel le préfet du Gard a ordonné sa remise aux autorités norvégiennes pour examen de sa demande d'asile et l'arrêté du même jour portant assignation à résidence ; que, le préfet du Gard demande à ce qu'il soit sursis à l'exécution de ce jugement ;
Sur les conclusions aux fins de sursis à exécution :
2. Considérant qu'aux termes de l'article R. 811-15 du code de justice administrative : " Lorsqu'il est fait appel d'un jugement de tribunal administratif prononçant l'annulation d'une décision administrative, la juridiction d'appel peut, à la demande de l'appelant, ordonner qu'il soit sursis à l'exécution de ce jugement si les moyens invoqués par l'appelant paraissent, en l'état de l'instruction, sérieux et de nature à justifier, outre l'annulation ou la réformation du jugement attaqué, le rejet des conclusions à fin d'annulation accueillies par ce jugement " ;
3. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que M. B..., de nationalité afghane, s'est présenté le 11 août 2017 au centre d'examen de situation administrative situé à Paris ; que la consultation du fichier Eurodac effectuée à cette occasion a permis de constater que ses empreintes digitales avaient déjà été relevées le 16 octobre 2015 par les autorités norvégiennes en tant que demandeur d'asile ; que ces autorités ont été saisies, le même jour, d'une demande de reprise en charge de M. B... et y ont répondu favorablement le 22 août 2017 ; que conformément à la convocation qui lui a été remise le 31 juillet 2017 par les services de la préfecture de police de Paris, l'intéressé s'est présenté, le 8 septembre 2017, auprès du guichet unique des demandeurs d'asile de Paris pour faire enregistrer une demande d'asile ; qu'à cette occasion lui ont été remises en langue pachtou, les brochures A " J'ai demandé l'asile dans l'Union-Européenne - quel pays sera responsable de l'analyse de ma demande ' ", et B " Je suis sous procédure Dublin - qu'est ce que cela signifie ' " ;
4. Considérant que pour annuler les arrêtés contestés le premier juge a estimé que la procédure relative à l'asile avait débuté dès le 11 août 2017 et non le 8 septembre 2017 à l'occasion d'un deuxième entretien, qu'il ne ressortait pas des pièces du dossier que les services du préfet de Paris avaient remis dès le 11 août 2017 à M. B..., lors du premier entretien, la brochure d'informations dite " A " intitulée " J'ai demandé l'asile dans l'Union européenne - Quel pays sera responsable de ma demande ' " et qu'en conséquence, en ordonnant son transfert aux autorités norvégiennes par l'arrêté contesté du 22 janvier 2018, le préfet du Gard avait méconnu les dispositions de l'article 4 du règlement n° 604/2013 du 26 juin 2013 relatives à l'information des demandeurs d'asile ;
5. Considérant qu'il ne ressort pas des pièces du dossier que M. B... aurait entendu solliciter l'asile lors de l'entretien qui s'est déroulé le 11 août 2017 au centre d'examen de situation administrative situé à Paris, en l'absence de toute indication en ce sens dans le compte rendu d'entretien établi à cette occasion ou de tout autre élément de nature à l'établir ; qu'en revanche, il ressort sans aucune ambiguïté de la convocation qui lui a été remise le 31 juillet 2017 par les services de la préfecture de police de Paris que l'intéressé avait fait connaître, au plus tard à cette dernière date, sa volonté de déposer une demande d'asile en France et qu'il a d'ailleurs été invité à venir la faire enregistrer auprès du guichet unique des demandeurs d'asile de Paris le 8 septembre 2017 ; que l'obligation d'information instituée par l'article 4 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013, qui prévoit la remise d'un document d'information sur les droits et obligations des demandeurs d'asile dès le début de la procédure d'examen des demandes d'asile a pour objet de permettre aux intéressés de présenter utilement leur demande aux autorités compétentes et constitue pour les demandeurs d'asile une garantie ; que, par suite, en s'abstenant de remettre à M. B... en même temps que sa convocation au guichet unique des demandeurs d'asile, ou à tout le moins dans un délai raisonnable avant la date prévue de l'enregistrement de sa demande d'asile, la brochure d'informations dite " A " intitulée " J'ai demandé l'asile dans l'Union européenne - Quel pays sera responsable de ma demande ' ", le préfet de police de Paris a méconnu l'obligation d'information susmentionnée ; que cette méconnaissance peut être utilement invoquée à l'encontre des décisions par lesquelles l'Etat français refuse l'admission provisoire au séjour à un demandeur d'asile et remet celui-ci aux autorités compétentes pour examiner sa demande ;
6. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que le moyen tiré de ce que l'administration n'était pas tenue de remettre cette brochure à M B...avant l'enregistrement de sa demande d'asile le 8 septembre 2017 ne peut apparaître, en l'état de l'instruction, comme sérieux et de nature à justifier l'annulation du jugement contesté ; que, par suite, la demande de sursis à exécution du jugement du 30 janvier 2018 du magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Nîmes doit être rejetée ;
Sur les frais liés au litige :
7. Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, d'admettre M. B... au bénéfice de l'aide juridictionnelle provisoire et de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 000 euros à verser à Me A... au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, sous réserve de la renonciation de celle-ci à percevoir la contribution versée par l'Etat au titre de l'aide juridictionnelle ;
D É C I D E :
Article 1er : La demande de sursis à exécution du jugement du magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Nîmes du 30 janvier 2018 est rejetée.
Article 2 : L'Etat versera une somme de 1 000 euros à Me A... au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, sous réserve de la renonciation de celle-ci à percevoir la contribution versée par l'Etat au titre de l'aide juridictionnelle.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'intérieur, à M. C... B...et à Me A....
Copie en sera adressé au préfet du Gard.
Délibéré après l'audience du 13 avril 2018 où siégeaient :
- M. Pocheron, président,
- M. Guidal, président-assesseur,
- M. Maury, premier conseiller,
Lu en audience publique, le 27 avril 2018.
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N° 18MA00662
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