Procédure devant la Cour :
Par une requête enregistrée le 24 mai 2018, Mme B..., représentée par Me C..., demande à la Cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Nice du 12 avril 2018 ;
2°) de lui accorder l'aide juridictionnelle à titre provisoire ;
3°) d'annuler l'arrêté du 6 février 2018 ;
4°) d'enjoindre au préfet des Alpes-Maritimes de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour dès notification de l'arrêt à intervenir sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;
5°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, à verser à son conseil qui renonce à percevoir la part contributive de l'Etat au titre de l'aide juridictionnelle.
Elle soutient que :
en ce qui concerne la décision portant obligation de quitter le territoire français :
- elle n'est pas suffisamment motivée ; le préfet n'a pas procédé à un examen sérieux et approfondi de sa situation ;
- elle méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; elle est également entachée d'erreur manifeste d'appréciation au regard de sa situation personnelle ;
en ce qui concerne l'absence de délai de départ volontaire :
- le risque de fuite n'est pas démontré ;
- cette décision est illégale par voie de conséquence de l'illégalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français ;
en ce qui concerne la décision portant interdiction de retour sur le territoire français :
- elle n'est pas suffisamment motivée ;
- elle méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; elle est également entachée d'erreur manifeste d'appréciation au regard de sa situation personnelle ;
en ce qui concerne la décision portant inscription au fichier SIS : elle est illégale par voie de conséquence de l'illégalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français.
La requête a été communiquée au préfet des Alpes-Maritimes qui n'a pas produit de mémoire en défense malgré la mise en demeure qui lui a été adressée le 19 novembre 2018 en application de l'article R. 612-3 du code de justice administrative.
La clôture de l'instruction a été prononcée le 22 janvier 2019 à 12h00.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le décret n° 91-1266 du 19 décembre 1991 ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de Mme Tahiri a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. Mme B..., ressortissante philippine née en 1968, fait appel du jugement du 12 avril 2018 par lequel le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Nice a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 6 février 2018 par lequel le préfet des Alpes-Maritimes l'a obligée à quitter le territoire français sans délai, a fixé le pays de sa destination et lui a interdit le retour sur le territoire français pour une durée de deux ans, avec inscription dans le fichier dit système d'information Schengen.
Sur la demande d'admission provisoire au bénéfice de l'aide juridictionnelle :
2. Aux termes de l'article 20 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 : " Dans les cas d'urgence, sous réserve de l'application des règles relatives aux commissions ou désignations d'office, l'admission provisoire à l'aide juridictionnelle peut être prononcée (...) par la juridiction compétente ou son président ".
3. Il ne résulte pas de l'instruction que Mme B... ait déposé une demande d'aide juridictionnelle auprès du bureau d'aide juridictionnelle. Elle n'invoque aucune situation d'urgence de nature à avoir fait obstacle à la présentation et à l'instruction d'une telle demande selon la procédure ordinaire. Dès lors, ses conclusions tendant à ce que la Cour l'admette provisoirement à l'aide juridictionnelle ne peuvent être accueillies.
Sur le bien-fondé du jugement :
4. En application des dispositions de l'article R. 612-3 du code de justice administrative, la Cour a mis le préfet des Alpes-Maritimes en demeure de présenter ses observations dans la présente instance. Cette mise en demeure étant demeurée sans suite à la date de clôture de l'instruction, le préfet des Alpes-Maritimes doit, conformément aux dispositions de l'article R. 612-6 du code de justice administrative, être regardé comme ayant acquiescé aux faits exposés dans la requête présentée par Mme B....
5. Mme B... se prévaut de sa présence continue en France depuis son entrée sur le territoire en 2001, de son isolement dans son pays d'origine ainsi que de ses efforts d'intégration. Elle produit des pièces pour chacune des années 2003 à 2017. En outre, elle fait valoir que ses deux soeurs résident en France sous couvert de titres de séjour et qu'elle est co-propriétaire avec l'une de ses soeurs d'un appartement à Beau-Soleil depuis 2008. L'ensemble de la situation de fait qu'elle invoque n'est pas contredite par les pièces du dossier. Dans ces conditions, alors même qu'elle est célibataire et sans enfant et compte tenu de l'ancienneté de son séjour en France, Mme B... est fondée à soutenir que l'arrêté attaqué est entaché d'erreur manifeste d'appréciation au regard de ses conséquences sur sa situation personnelle. Dès lors, cet arrêté est entaché d'illégalité et doit être annulé.
6. Il résulte de ce qui précède, sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête, que Mme B... est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nice a rejeté sa demande.
Sur les conclusions présentées aux fins d'injonction :
7. L'exécution du présent arrêt implique nécessairement qu'il soit enjoint au préfet des Alpes-Maritimes de statuer sur la situation de Mme B... dans le délai de deux mois à compter de la notification de l'arrêt et, dans l'attente, de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour.
Sur les conclusions relatives aux frais d'instance :
8. La demande d'admission provisoire à l'aide juridictionnelle de Mme B... ayant été rejetée, son conseil ne peut se prévaloir des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.
D É C I D E :
Article 1er : Il n'y a pas lieu d'admettre provisoirement Mme B... à l'aide juridictionnelle.
Article 2 : Le jugement n° 1800685 du 12 avril 2018 du tribunal administratif de Nice et l'arrêté du préfet des Alpes-Maritimes du 6 février 2018 sont annulés.
Article 3 : Il est enjoint au préfet des Alpes-Maritimes de statuer sur la situation de Mme B... dans le délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt et, dans l'attente, de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour.
Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.
Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à Mme A...B..., au préfet des Alpes-Maritimes, à Me C... et au ministre de l'intérieur.
Délibéré après l'audience du 5 février 2019, à laquelle siégeaient :
- M. Gonzales, président,
- M. d'Izarn de Villefort, président assesseur,
- Mme Tahiri, premier conseiller.
Lu en audience publique le 5 mars 2019.
N° 18MA02496 2