Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 24 avril 2018, M.A..., représenté par Me D... C..., demande à la cour :
1°) de réformer ce jugement ;
2°) d'annuler les décisions du 13 novembre 2017 portant obligation de quitter le territoire français et prononçant une interdiction de retour sur le territoire français pour une durée d'un an ;
3°) d'enjoindre au préfet du Pas-de-Calais de procéder à l'enregistrement de sa demande d'asile ;
4°) d'enjoindre au préfet du Pas-de-Calais de lui délivrer une attestation de demande d'asile mentionnée à l'article L. 741-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans un délai de quinze jours suivant la notification du présent arrêt, et à défaut, d'enjoindre au préfet du Pas-de-Calais de le convoquer pour compléter sa demande d'asile sous le même délai ;
5°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.
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Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
La présidente de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de Mme Christine Courault, présidente de chambre, a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. A la suite de son interpellation le 13 novembre 2017, M.A..., ressortissant turc né le 12 octobre 1983, a fait l'objet d'un arrêté du préfet du Pas-de-Calais pris le même jour, lui faisant obligation de quitter sans délai le territoire français, fixant le pays de destination, lui interdisant le retour sur le territoire français pendant un délai d'un an. M. A...interjette appel du jugement du 14 décembre 2017 par lequel le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Lille a annulé cet arrêté en tant qu'il fixe la Turquie comme pays de destination et rejeté le surplus de ses conclusions.
Sur les conclusions à fin d'annulation :
2. D'une part, aux termes de l'article L. 741-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dans sa version en vigueur à la date de l'arrêté contesté : " Tout étranger présent sur le territoire français et souhaitant demander l'asile se présente en personne à l'autorité administrative compétente, qui enregistre sa demande (...) / L'enregistrement a lieu au plus tard trois jours ouvrés après la présentation de la demande à l'autorité administrative compétente, sans condition préalable de domiciliation. (...) / ... / Lorsque l'enregistrement de sa demande d'asile a été effectué, l'étranger se voit remettre une attestation de demande d'asile dont les conditions de délivrance et de renouvellement sont fixées par décret en Conseil d'Etat. La durée de validité de l'attestation est fixée par arrêté du ministre chargé de l'asile. / La délivrance de cette attestation ne peut être refusée au motif que l'étranger est démuni des documents et visas mentionnés à l'article L. 211-1. Elle ne peut être refusée que dans les cas prévus aux 5° et 6° de l'article L. 743-2. Cette attestation n'est pas délivrée à l'étranger qui demande l'asile à la frontière ou en rétention. ". Aux termes de l'article L. 743-1 du même code dans sa version en vigueur à la date de l'arrêté contesté : " Le demandeur d'asile dont l'examen de la demande relève de la compétence de la France et qui a introduit sa demande auprès de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides bénéficie du droit de se maintenir sur le territoire français jusqu'à la notification de la décision de l'office ou, si un recours a été formé, jusqu'à la notification de la décision de la Cour nationale du droit d'asile. L'attestation délivrée en application de l'article L. 741-1 dès lors que la demande d'asile a été introduite auprès de l'office, vaut autorisation provisoire de séjour et est renouvelable jusqu'à ce que l'office et, le cas échéant, la cour statuent. ".
3. D'autre part, aux termes de l'article R. 741-2 du même code : " Lorsque l'étranger présente sa demande auprès de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, des services de police ou de gendarmerie ou de l'administration pénitentiaire, la personne est orientée vers l'autorité compétente. Ces autorités fournissent à l'étranger les informations utiles en vue de l'enregistrement de sa demande d'asile (...) ".
4. Il ressort de ces dispositions combinées que les services de police doivent orienter l'étranger présentant une demande d'asile devant eux vers le préfet compétent et que celui-ci, hors les cas limitativement énumérés par le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, est tenu d'enregistrer cette demande et de délivrer une attestation de demande d'asile. L'étranger dispose dans ce cas d'un droit de se maintenir sur le territoire français jusqu'à ce qu'il soit statué sur sa demande.
5. Il ressort du procès-verbal de l'audition de M. A...en date du 13 novembre 2017, que l'intéressé a manifesté à deux reprises le souhait de déposer une demande d'asile en France. Par suite, M. A...doit être regardé comme ayant demandé, dès son interpellation et avant l'édiction de la mesure d'éloignement en litige, à bénéficier de l'asile. Dès lors, le préfet du Pas-de-Calais ne pouvait prendre une mesure d'éloignement à son encontre.
6. Par suite, et sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête, M. A... est fondé à soutenir que c'est à tort que le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Lille a rejeté ses conclusions aux fins d'annulation des décisions lui faisant obligation de quitter le territoire français sans délai de départ volontaire et interdisant son retour sur le territoire français.
7. Il résulte de ce qui précède que l'arrêté du 13 novembre 2017 du préfet du Pas-de-Calais doit être annulé en tant qu'il oblige M. A...à quitter le territoire français sans délai de départ volontaire et prononce une interdiction de retour d'un an sur le territoire national.
Sur les conclusions à fin d'injonction et d'astreinte :
8. A la suite de l'annulation d'une obligation de quitter le territoire français, il incombe au préfet du Pas-de-Calais, en application des dispositions de l'article L. 512-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, de munir l'intéressé d'une autorisation provisoire de séjour et de statuer à nouveau sur son cas. Par suite, il y a lieu d'enjoindre au préfet du Pas-de-Calais de délivrer à M. A...l'attestation prévue à l'article L. 741-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dans un délai de quinze jours et de procéder au réexamen de sa situation. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, d'assortir cette mesure d'injonction d'une astreinte.
Sur les frais liés à l'instance :
9. M. A...a obtenu le bénéfice de l'aide juridictionnelle. Par suite, son avocat peut se prévaloir des dispositions des articles 37 de la loi du 10 juillet 1991 et L. 761-1 du code de justice administrative. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, et sous réserve que Me C..., son avocat, renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat à la mission d'aide juridictionnelle qui lui a été confiée, de mettre à la charge de l'Etat la somme de 800 euros.
DÉCIDE :
Article 1er : L'arrêté du 13 novembre 2017 du préfet du Pas-de-Calais est annulé en tant qu'il oblige M. A...à quitter le territoire français sans délai de départ volontaire et prononce une interdiction de retour d'un an sur le territoire national.
Article 2 : Le jugement du 14 décembre 2017 du magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Lille est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.
Article 3 : Il est enjoint au préfet du Pas-de-Calais de délivrer à M. A...l'attestation prévue à l'article L. 741-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dans un délai de quinze jours à compter de la notification du présent arrêt et de procéder au réexamen de sa situation.
Article 4 : L'Etat versera à Me D...C..., conseil de M.A..., la somme de 800 euros au titre des dispositions de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 et de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, sous réserve que l'intéressée renonce à percevoir la part contributive de l'Etat.
Article 5 : Le surplus des conclusions de la requête de M. A...est rejeté.
Article 6 : Le présent arrêt sera notifié à M. B...A...et au ministre de l'intérieur.
Copie sera adressée au préfet du Pas-de-Calais.
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N°18DA00840