Procédure devant la Cour :
Par une requête et des mémoires, enregistrés les 6 juin 2017, 29 septembre 2017, 7 février 2018 et 24 avril 2018, Mme A..., représentée par Me C..., demande à la Cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Marseille du 7 avril 2017 ;
2°) d'annuler la décision du 29 juin 2016 par laquelle le directeur du centre hospitalier intercommunal des Alpes-du-Sud a rejeté sa demande de maintien en activité au-delà de la limite d'âge, ainsi que la décision implicite de rejet et la décision du 22 août 2016 opposées à son recours gracieux du 5 juillet 2016, la décision du 28 septembre 2016 de rejet de sa demande du 19 août 2016 et la décision du 28 septembre 2016 de prolongation d'activité en tant qu'elle refuse celle-ci au-delà du 24 mars 2017 ;
3°) d'enjoindre au centre hospitalier intercommunal des Alpes-du-Sud de procéder à sa réintégration juridique et à la reconstitution de sa carrière et de ses droits à pension dans le délai d'un mois à compter du présent arrêt ;
4°) de mettre à la charge du centre hospitalier intercommunal des Alpes-du-Sud la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- la décision du 29 juin 2016 a été prise par une autorité incompétente ;
- les décisions attaquées sont insuffisamment motivées ;
- le refus de prolongation est entaché d'erreurs de fait s'agissant de la contractualisation du rajeunissement de la pyramide des âges et la date de survenance de sa limite d'âge ;
- l'administration a commis une erreur manifeste d'appréciation au regard des dispositions de l'article 1-1 de la loi du 13 septembre 1984 faute de justifier de l'intérêt du service invoqué ;
- le refus est entaché d'erreurs de droit au regard de l'article 1-3 de la loi en présence d'une demande régulière et d'une réserve relative au seul cas de l'inaptitude physique ;
- il caractérise une discrimination par l'âge en méconnaissance du principe d'égalité.
Par des mémoires en défense, enregistrés le 27 juillet 2017 et le 31 octobre 2017, le centre hospitalier intercommunal des Alpes-du-Sud, représenté par Me D..., conclut au rejet de la requête et à la mise à la charge de Mme A... de la somme de 2 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il fait valoir que les moyens soulevés par Mme A... ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code des pensions civiles et militaires de retraite ;
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- le code de la santé publique ;
- la loi n° 84-834 du 13 septembre 1984 ;
- la loi n° 2010-1330 du 9 novembre 2010 ;
- le décret n° 2009-1744 du 30 décembre 2009 ;
- le décret n° 2011-748 du 27 juin 2011 ;
- le décret n° 2011-2013 du 30 décembre 2011 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Jorda,
- les conclusions de M. Angéniol, rapporteur public,
- et les observations de Me C..., représentant Mme A....
Considérant ce qui suit :
1. Mme A..., née le 24 septembre 1956, a occupé les fonctions de manipulatrice en électroradiologie au centre hospitalier intercommunal des Alpes-du-Sud depuis sa titularisation en septembre 1978. A la suite de sa demande de prolongation d'activité au-delà de la limite d'âge, elle a fait l'objet de décisions du directeur du centre hospitalier intercommunal de rejet le 29 juin 2016, de rejet implicite puis explicite le 22 août 2016 de son recours gracieux du 5 juillet 2016, de rejet le 28 septembre 2016 de sa demande du 19 août 2016, et, le 28 septembre 2016, de prolongation d'activité lui refusant celle-ci au-delà du 24 mars 2017. Elle relève appel du jugement du tribunal administratif qui a rejeté ses conclusions en annulation, dans cette mesure, des décisions.
Sur les conclusions à fin d'annulation des décisions attaquées :
2. Aux termes, d'une part, de l'article 1er de la loi du 13 septembre 1984 relative à
la limite d'âge dans la fonction publique et le secteur public : " Sous réserve des reculs de
limite d'âge pouvant résulter des textes applicables à l'ensemble des agents de l'État, la limite d'âge des fonctionnaires civils de l'État est fixée à soixante-sept ans lorsqu'elle était, avant l'intervention de la loi n° 2010-1330 du 9 novembre 2010 portant réforme des retraites, fixée à
soixante-cinq ans (...) ". Aux termes de l'article 1-1 de cette même loi : " Sous réserve des droits au recul des limites d'âge reconnus au titre des dispositions de la loi du 18 août 1936 concernant les mises à la retraite par ancienneté, les fonctionnaires dont la durée des services liquidables est inférieure à celle définie à l'article L. 13 du code des pensions civiles et militaires de retraite peuvent, lorsqu'ils atteignent les limites d'âge applicables aux corps auxquels ils appartiennent, sur leur demande, sous réserve de l'intérêt du service et de leur aptitude physique, être maintenus en activité (...) ". Aux termes de l'article 1-3 de cette même loi : " Sous réserve des droits au recul des limites d'âge prévus par l'article 4 de la loi du 18 août 1936 concernant les mises à la retraite par ancienneté, les fonctionnaires régis par la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires appartenant à des corps ou des cadres d'emplois dont la limite d'âge est inférieure à la limite d'âge prévue au premier alinéa de l'article 1er de la présente loi sont, sur leur demande, lorsqu'ils atteignent cette limite d'âge, maintenus en activité jusqu'à un âge égal à la limite d'âge prévue au même premier alinéa, dans les conditions prévues par décret en Conseil d'Etat, sous réserve de leur aptitude physique (...) ".
3. Aux termes, d'autre part, de l'article 2 du décret du 30 décembre 2009 pris pour l'application de l'article 1-3 de la loi du 13 septembre 1984 relative à la limite d'âge dans la fonction publique et le secteur public : " La prolongation d'activité régie par le présent décret peut être accordée lorsque le fonctionnaire atteint la limite d'âge statutaire, après application, le cas échéant : / (...) 2° Du régime de prolongation d'activité des agents ayant une carrière incomplète régi par l'article 1er-1 de la loi du 13 septembre 1984 susvisée. / La limite d'âge au sens du présent décret est la limite d'âge statutaire après application, le cas échéant, de ces deux mécanismes de report.(...) ". Et aux termes de l'article 4 du décret du 30 décembre 2009 : " I. - La demande de prolongation d'activité est présentée par le fonctionnaire à l'employeur public au plus tard 6 mois avant la survenance de la limite d'âge. (...) / La demande est accompagnée d'un certificat médical appréciant, au regard du poste occupé, l'aptitude physique de l'intéressé. Il est délivré par le médecin agréé prévu à l'article 1er du décret du 14 mars 1986 susvisé ou, le cas échéant, lorsque les statuts particuliers le prévoient, par le médecin habilité à apprécier l'aptitude physique du fonctionnaire. (...) / II. - Le demandeur et l'employeur public peuvent contester les conclusions du certificat médical devant le comité médical prévu à l'article 6 du décret du 14 mars 1986, ou, si le demandeur appartient à la fonction publique territoriale, devant le comité médical prévu à l'article 3 du décret du 30 juillet 1987 susvisés (...) / III. - La décision de l'employeur public intervient au plus tard trois mois avant la survenance de la limite d'âge. Le silence gardé pendant plus de trois mois sur la demande de prolongation vaut décision implicite d'acceptation. (...) ".
4. En l'espèce, il ressort des pièces du dossier que Mme A..., occupant un emploi de catégorie active, a atteint l'âge d'ouverture du droit à pension de retraite le 24 janvier 2012 et la limite d'âge le 24 janvier 2017. Le 15 juin 2016, elle a formé une demande de prolongation d'activité pour carrière incomplète. L'intéressée a produit un certificat médical d'aptitude, établi par un médecin agréé, le 18 juillet 2016. Le 19 août 2016, elle a formulé une demande de prolongation d'activité propre aux fonctionnaires de catégorie active sur le fondement des dispositions de l'article 1-3 de la loi du 13 septembre 1984.
5. Le 28 septembre 2016, le directeur du centre hospitalier intercommunal des Alpes-du-Sud a accordé à Mme A..., à la suite de sa demande au titre d'une carrière incomplète, le bénéfice d'une prolongation d'activité pour une durée de deux mois à compter du 25 janvier 2017, soit jusqu'au 24 mars 2017. Il doit ainsi être regardé comme ayant retiré ses décisions de rejet, prises au même titre, en date du 29 juin 2016, de manière implicite, puis le 22 août 2016 sur recours gracieux formé par l'intéressée. Par conséquent, conformément aux dispositions du 2° de l'article 2 du décret du 30 décembre 2009 visé, la limite d'âge applicable à Mme A... pour sa demande de prolongation au titre d'un emploi de catégorie active devait prendre en compte ce report à la date du 24 mars 2017. Dès lors, le centre hospitalier intercommunal des Alpes-du-Sud, qui doit être regardé comme ayant régularisé cette demande, ne pouvait opposer à Mme A... par une décision du même jour la tardiveté d'une telle demande intervenue six mois avant la survenance de cette nouvelle limite d'âge. Par ailleurs, il est constant que Mme A... était physiquement apte à poursuivre ses fonctions. Dans ces conditions, en présence d'une demande régulière, la requérante est fondée à soutenir que le refus de son maintien en activité au-delà de cette limite d'âge est entaché d'une erreur de fait s'agissant de la date de survenance de sa limite d'âge et d'une erreur de droit au regard de l'article 1-3 de la loi visée.
6. Il résulte de ce qui précède, sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête, que Mme A... est fondée à soutenir que la décision du 28 septembre 2016 par laquelle le directeur du centre hospitalier intercommunal des Alpes-du-Sud a rejeté sa demande de prolongation d'activité propre aux fonctionnaires de catégorie active présentée sur le fondement des dispositions de l'article 1-3 de la loi du 13 septembre 1984 le 19 août 2016 est illégale.
7. Il résulte de tout ce qui précède, sans qu'il soit besoin de se prononcer sur la régularité du jugement attaqué, que Mme A... est seulement fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Marseille a rejeté ses conclusions à fin d'annulation de la décision du 28 septembre 2016 par laquelle le directeur du centre hospitalier intercommunal des Alpes-du-Sud a rejeté sa demande de prolongation d'activité propre aux fonctionnaires de catégorie active, présentée sur le fondement des dispositions de l'article 1-3 de la loi du 13 septembre 1984, le 19 août 2016.
Sur les conclusions à fin d'injonction :
8. Aux termes de l'article L. 911-1 du code de justice administrative : " Lorsque sa décision implique nécessairement qu'une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d'un service public prenne une mesure d'exécution dans un sens déterminé, la juridiction, saisie de conclusions en ce sens, prescrit, par la même décision, cette mesure assortie, le cas échéant, d'un délai d'exécution ".
9. L'annulation des décisions attaquées refusant la prolongation d'activité de Mme A... après le 24 mars 2017 implique nécessairement de procéder à sa réintégration juridique et à la reconstitution de sa carrière et de ses droits à pension. Il y a ainsi lieu d'enjoindre au centre hospitalier intercommunal d'y procéder dans le délai d'un mois à compter du présent arrêt.
Sur les frais liés au litige :
10. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de Mme A..., qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, la somme que l'intimée demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens. Il y a lieu, en revanche, de mettre à la charge du centre hospitalier intercommunal des Alpes-du-Sud la somme de 3 000 euros au titre des frais exposés par la requérante et non compris dans les dépens.
D É C I D E :
Article 1er : La décision du 28 septembre 2016 par laquelle le directeur du centre hospitalier intercommunal des Alpes-du-Sud a rejeté la demande de prolongation d'activité propre aux fonctionnaires de catégorie active présentée par Mme A..., sur le fondement des dispositions de l'article 1-3 de la loi du 13 septembre 1984, le 19 août 2016 est annulée.
Article 2 : Il est enjoint au centre hospitalier intercommunal des Alpes-du-Sud de procéder à la réintégration juridique de Mme A... et à la reconstitution de sa carrière et de ses droits à pension dans le délai d'un mois à compter du présent arrêt.
Article 3 : Le jugement du tribunal administratif de Marseille du 7 avril 2017 est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.
Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête de Mme A... est rejeté.
Article 5 : Le centre hospitalier intercommunal des Alpes-du-Sud versera à Mme A... la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 6 : Les conclusions du centre hospitalier intercommunal des Alpes-du-Sud au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 7 : Le présent arrêt sera notifié à Mme B...A..., au centre hospitalier intercommunal des Alpes-du-Sud et au ministre des solidarités et de la santé.
Délibéré après l'audience du 16 octobre 2018, où siégeaient :
- M. Gonzales, président,
- M. Jorda, premier conseiller,
- M. Coutel, premier conseiller,
Lu en audience publique, le 6 novembre 2018.
N° 17MA02335 2