Procédure devant la Cour :
Par une requête, enregistrée le 16 septembre 2016, Mme D..., représentée par Me B..., demande à la Cour :
1°) d'annuler ce jugement du 4 février 2016 du tribunal administratif de Marseille ;
2°) d'enjoindre au préfet des Bouches-du-Rhône, sur le fondement des articles L. 911-1 et suivants du code de justice administrative, de lui délivrer un titre de séjour dans le délai d'un mois à compter de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 150 euros par jour de retard ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 400 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, son conseil s'engageant à renoncer à percevoir la part contributive de l'Etat au titre de l'aide juridictionnelle.
Elle soutient que :
- elle établit résider en France depuis plus de dix ans ;
- la commission du titre de séjour n'a pas été saisie ;
- comme elle est intégrée socialement et professionnellement, l'arrêté méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, l'article L. 313-11-7° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et est entaché d'une erreur manifeste d'appréciation.
Par un mémoire en défense, enregistré le 23 septembre 2016, le préfet des Bouches-du-Rhône conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens de la requête, qui doivent être écartés par adoption des motifs retenus par le tribunal, ne sont pas fondés.
Mme D... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par décision du 23 mai 2016.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950 ;
- l'accord franco-marocain du 9 octobre 1987 en matière de séjour et d'emploi ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code de justice administrative.
La présidente de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de Mme Busidan a été entendu au cours de l'audience publique.
1. Considérant que Mme D..., ressortissante marocaine née le 1er décembre 1981, relève appel du jugement rendu le 4 février 2016 par le tribunal administratif de Marseille, qui a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 18 juin 2015 par lequel le préfet des Bouches-du-Rhône lui a refusé la délivrance d'un titre de séjour et lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours ;
2. Considérant, en premier lieu, qu'aux termes de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " La carte de séjour temporaire mentionnée à l'article L. 313-11 (...) peut être délivrée, sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, à l'étranger ne vivant pas en état de polygamie dont l'admission au séjour répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard des motifs exceptionnels qu'il fait valoir, sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 311-7. / L'autorité administrative est tenue de soumettre pour avis à la commission mentionnée à l'article L. 312-1 la demande d'admission exceptionnelle au séjour formée par l'étranger qui justifie par tout moyen résider en France habituellement depuis plus de dix ans. (...) " ; qu'un ressortissant marocain est fondé à invoquer l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile lorsque, comme en l'espèce, le préfet a examiné la demande d'admission au séjour qui lui a été présentée, en vérifiant si elle pouvait être accordée, au titre de sa vie privée et familiale, à titre exceptionnel comme répondant à des considérations humanitaires ou se justifiant au regard de motifs exceptionnels ;
3. Considérant que les documents versés au dossier par l'appelante pour les années 1999 à fin novembre 2005 sont composés essentiellement, soit de factures sans caractère probant, soit d'ordonnances médicales éparses, soit de documents expédiés à une adresse correspondant à celle d'autres personnes, qui ont pu les réceptionner, et ne peuvent donc attester de la présence habituelle de l'intéressée en France ; que, par suite, comme l'ont déjà relevé les premiers juges, l'appelante n'apportant pas la preuve du caractère habituel de son séjour en France depuis plus de dix ans à la date de l'arrêté en litige, le moyen tiré de la méconnaissance de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile à défaut pour le préfet d'avoir saisi la commission du titre de séjour doit être écarté ;
4. Considérant, en second lieu, que, pour l'application des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, comme des dispositions de l'article L. 313-11-7° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, qui, les unes et les autres, protègent d'une atteinte disproportionnée le droit au respect de la vie privée et familiale, l'étranger qui invoque la protection due à ce droit doit apporter toute justification permettant d'apprécier la réalité et la stabilité de ses liens personnels et familiaux effectifs en France au regard de ceux qu'il a conservés dans son pays d'origine ; que, par ailleurs, il appartient au préfet, saisi d'une demande de titre de séjour par un étranger en vue de régulariser sa situation, de vérifier que la décision de refus qu'il envisage de prendre ne comporte pas de conséquences d'une gravité exceptionnelle sur la situation personnelle de l'intéressé et n'est pas ainsi entachée d'une erreur manifeste d'appréciation ;
5. Considérant que si Mme D..., célibataire et sans enfant, soutient être entrée en France au cours de l'année 1999 et y être demeurée depuis, les pièces du dossier n'établissent pas, comme il a été dit au point 3, une résidence habituelle en France de l'intéressée avant la fin novembre 2005 ; qu'elle doit ainsi être regardée comme ayant vécu au Maroc jusqu'à près de 24 ans; que si son père est décédé et qu'elle déclare être proche de deux soeurs installées en France, l'une, de nationalité française, qui l'héberge fréquemment, l'autre titulaire d'un titre de séjour de dix ans , Mme D... n'établit pas être dépourvue de toute attache familiale dans son pays d'origine ; que, certes, il ressort des vingt attestations versées au dossier que Mme D... a su se créer un réseau d'amis dont certains indiquent la faire travailler de temps à autre ; que, cependant, cette circonstance est insuffisante à justifier de son insertion, notamment professionnelle, dans la société française ; que, dans ces conditions, le préfet des Bouches-du-Rhône, en prenant l'arrêté en litige, n'a pas porté au droit de l'intéressée au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs de ses décisions ; qu'il n'a ainsi méconnu ni les stipulations précitées de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales protégeant un tel droit, ni les dispositions précitées de l'article L. 313-11-7° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; que, pour les mêmes motifs, le moyen tiré de ce que le préfet des Bouches-du-Rhône aurait entaché l'arrêté en litige d'une erreur manifeste dans l'appréciation des conséquences de ses décisions sur la situation personnelle de l'appelante doit être écarté ;
6. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que Mme D... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande ; que, par voie de conséquence, ses conclusions accessoires aux fins d'injonction et d'astreinte et celles qu'elle présente au titre des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 et 75 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique doivent être rejetées ;
D É C I D E :
Article 1er : La requête de Mme D... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme A...D..., au ministre de l'intérieur et à Me C...B....
Copie en sera adressée pour information au préfet des Bouches-du-Rhône.
Délibéré après l'audience du 31 août 2017, où siégeaient :
- Mme Buccafurri, présidente,
- M. Portail, président assesseur,
- Mme Busidan, première conseillère.
Lu en audience publique, le 14 septembre 2017.
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N° 16MA03724