Procédure devant la Cour :
Par une requête, enregistrée le 26 juillet 2017, M.A..., représenté par MeE..., demande à la Cour :
1°) d'annuler ce jugement du 14 mars 2017 du magistrat désigné du tribunal administratif de Montpellier ;
2°) d'annuler l'arrêté du 6 mars 2017 du préfet de l'Hérault ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros à verser à MeE..., en application de l'article 37 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique et de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, ce règlement emportant renonciation à l'indemnité versée au titre de l'aide juridictionnelle.
Il soutient que :
- l'article L. 611-1-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile a été méconnu, le refus de titre de séjour ayant été pris sans que les vérifications nécessaires aient été accomplies ;
- l'arrêté attaqué, qui indique qu'il ne justifie pas contribuer à l'éducation et à l'entretien de son enfant, est entaché d'une erreur de fait ;
- il ne s'est pas soustrait à une précédente mesure d'éloignement ;
- l'arrêté attaqué méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;
- l'ancienneté de son séjour en France et sa situation familiale auraient dû conduire le préfet de l'Hérault à ne pas prendre à son encontre une interdiction de retour.
Par un mémoire en défense, enregistré le 26 janvier 2018, le préfet de l'Hérault conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens de la requête ne sont pas fondés.
M. A...a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 19 juin 2017.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la convention internationale relative aux droits de l'enfant, signée à New-York le 26 janvier 1990 ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique ;
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de M. Portail a été entendu au cours de l'audience publique.
1. Considérant que, par un arrêté du 6 mars 2017, le préfet de l'Hérault a fait obligation de quitter le territoire français sans délai à M.A..., ressortissant turc, et a prononcé à son encontre une interdiction de retour pour une durée de deux ans ; que, par un jugement du 14 mars 2017, dont M. A...relève appel, le magistrat désigné du tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté ;
Sur la décision portant obligation de quitter le territoire français sans délai :
2. Considérant qu'aux termes de l'article L. 611-11-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " I. Si, à l'occasion d'un contrôle effectué en application de l'article L. 611-1 du présent code, des articles 78-1, 78-2, 78-2-1 et 78-2-2 du code de procédure pénale ou de l'article 67 quater du code des douanes, il apparaît qu'un étranger n'est pas en mesure de justifier de son droit de circuler ou de séjourner en France, il peut être conduit dans un local de police ou de gendarmerie et y être retenu par un officier de police judiciaire de la police nationale ou de la gendarmerie nationale aux fins de vérification de son droit de circulation ou de séjour sur le territoire français. Dans ce cas, l'officier de police judiciaire ou, sous le contrôle de celui-ci, un agent de police judiciaire met l'étranger en mesure de fournir par tout moyen les pièces et documents requis et procède, s'il y a lieu, aux opérations de vérification nécessaires. Le procureur de la République est informé dès le début de la retenue (...)//(...)//Le procès-verbal est transmis au procureur de la République, copie en ayant été remise à la personne intéressée. (...) " ; que les mesures de contrôle et de retenue prévues par ces dispositions sont uniquement destinées à la vérification du droit de séjour et de circulation de l'étranger qui en fait l'objet et sont placées sous le contrôle du procureur de la République ; qu'elles sont distinctes des mesures par lesquelles le préfet fait obligation à l'étranger de quitter le territoire français ; qu'il n'appartient pas au juge administratif de se prononcer sur la régularité de ces opérations de contrôle et de retenue qui ont, le cas échéant, précédé l'intervention d'une mesure d'éloignement d'un étranger en situation irrégulière ; que, par suite, la circonstance que M. A...n'aurait pas été en mis en mesure, lors de l'opération de vérification effectuée en application des dispositions précitées, de récupérer son passeport détenu selon lui par son avocat est en elle-même sans influence sur la légalité de la décision par laquelle le préfet de l'Hérault a décidé de lui faire obligation de quitter le territoire français sans délai ; que, par ailleurs, elle n'est pas de nature à établir que le préfet n'aurait pas procédé à un examen circonstancié de sa situation ;
3. Considérant que le 3° du II de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile permet au préfet de ne pas accorder de délai de départ à l'étranger qui fait l'objet d'une obligation de quitter le territoire français lorsqu'il existe un risque qu'il se soustraie à cette obligation, et que ce risque est établi, " sauf circonstance particulière ", " a) Si l'étranger, qui ne peut justifier être entré régulièrement sur le territoire français, n'a pas sollicité la délivrance d'un titre de séjour ; / b) Si l'étranger s'est maintenu sur le territoire français au-delà de la durée de validité de son visa ou, s'il n'est pas soumis à l'obligation du visa, à l'expiration d'un délai de trois mois à compter de son entrée en France, sans avoir sollicité la délivrance d'un titre de séjour ; / c) Si l'étranger s'est maintenu sur le territoire français plus d'un mois après l'expiration de son titre de séjour, de son récépissé de demande de carte de séjour ou de son autorisation provisoire de séjour, sans en avoir demandé le renouvellement ; / d) Si l'étranger s'est soustrait à l'exécution d'une précédente mesure d'éloignement ; / e) Si l'étranger a contrefait, falsifié ou établi sous un autre nom que le sien un titre de séjour ou un document d'identité ou de voyage ; / f) Si l'étranger ne présente pas de garanties de représentation suffisantes, notamment parce qu'il ne peut justifier de la possession de documents d'identité ou de voyage en cours de validité, ou qu'il a dissimulé des éléments de son identité, ou qu'il n'a pas déclaré le lieu de sa résidence effective ou permanente, ou qu'il s'est précédemment soustrait aux obligations prévues par les articles L. 513-4, L. 552-4, L. 561-1 et L. 561-2. " ;
4. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que le requérant a été contrôlé alors qu'il travaillait sur un chantier de construction et a donné alors une fausse identité ; qu'il ne peut être regardé dans ces conditions comme présentant des conditions de représentation suffisantes et se trouvait dans l'un des cas où il existe un risque qu'il se soustraie à une obligation de quitter le territoire français autorisant le représentant de l'Etat à ne pas lui accorder de délai pour quitter le territoire français ;
5. Considérant qu'aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1° Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance ; 2° Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale ou à la protection des droits et libertés d'autrui " ;
6. Considérant que si M. A...soutient résider habituellement sur le territoire français depuis 2009, il ne justifie pas d'une insertion socio-professionnelle en France ; que s'il est marié à une compatriote depuis 2012, celle-ci réside irrégulièrement sur le territoire français ; que si son épouse soutient que sa présence est indispensable auprès de sa mère malade, il ne ressort pas des pièces du dossier qu'elle est la seule personne susceptible d'apporter l'aide au quotidien requise par l'état de santé de Mme B...D... ; que, dans ces conditions, en faisant au requérant obligation de quitter le territoire français sans délai, le préfet de l'Hérault n'a pas porté une atteinte disproportionnée à son droit au respect de sa vie privée et familiale au regard des buts en vue desquels cette décision a été prise et n'a pas, dès lors, méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
7. Considérant qu'aux termes de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant signée à New-York le 26 janvier 1990 : " Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu' elles soient le fait des institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale " ; qu'il résulte de ces stipulations que, dans l'exercice de son pouvoir d'appréciation, l'autorité administrative doit accorder une attention primordiale à l'intérêt supérieur des enfants dans toutes les décisions les concernant ;
8. Considérant que si le requérant est père d'une enfant née en France en 2012, il ne ressort pas des pièces du dossier que la cellule familiale ne puisse pas être reconstituée en Turquie eu égard au jeune âge de cet enfant ; qu'il ressort des pièces du dossier que le préfet aurait pris la même décision s'il n'avait retenu que ce seul motif ; que dès lors le moyen tiré de ce que le préfet de l'Hérault aurait commis une erreur de fait en indiquant que le requérant ne justifierait pas contribuer à l'éducation et à l'entretien de son enfant doit être écarté ;
En ce qui concerne la légalité de la décision portant interdiction de retour sur le territoire français :
9. Considérant qu'aux termes des dispositions du III de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'autorité administrative peut, par une décision motivée, assortir l'obligation de quitter le territoire français d'une interdiction de retour sur le territoire français. / (...) Lorsqu'aucun délai de départ volontaire n'a été accordé à l'étranger obligé de quitter le territoire français, l'autorité administrative peut prononcer l'interdiction de retour pour une durée maximale de trois ans à compter de sa notification. / L'interdiction de retour et sa durée sont décidées par l'autorité administrative en tenant compte de la durée de présence de l'étranger sur le territoire français, de la nature et de l'ancienneté de ses liens avec la France, de la circonstance qu'il a déjà fait l'objet ou non d'une mesure d'éloignement et de la menace pour l'ordre public que représente sa présence sur le territoire français (...). " ;
10. Considérant qu'il incombe ainsi à l'autorité compétente qui prend une décision d'interdiction de retour d'indiquer dans quel cas susceptible de justifier une telle mesure se trouve l'étranger ; qu'elle doit par ailleurs faire état des éléments de la situation de l'intéressé au vu desquels elle a arrêté, dans son principe et dans sa durée, sa décision, eu égard notamment à la durée de la présence de l'étranger sur le territoire français, à la nature et à l'ancienneté de ses liens avec la France et, le cas échéant, aux précédentes mesures d'éloignement dont il a fait l'objet ; qu'elle doit aussi, si elle estime que figure au nombre des motifs qui justifie sa décision une menace pour l'ordre public, indiquer les raisons pour lesquelles la présence de l'intéressé sur le territoire français doit, selon elle, être regardée comme une telle menace ; qu'en revanche, si, après prise en compte de ce critère, elle ne retient pas cette circonstance au nombre des motifs de sa décision, elle n'est pas tenue, à peine d'irrégularité, de le préciser expressément ; que sa motivation doit attester de la prise en compte par l'autorité compétente, au vu de la situation de l'intéressé, de l'ensemble des critères prévus par la loi ;
11. Considérant qu'eu égard aux conditions du séjour en France de M. A...telles que décrites précédemment, de son maintien sur le territoire français malgré plusieurs décisions d'éloignement, et du fait que sa cellule familiale peut être reconstituée en Turquie, le préfet de l'Hérault n'a pas méconnu les dispositions précitées en prononçant à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français pour une durée de deux ans ;
12. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que M. A...n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné du tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande ; que, par voie de conséquence, ses conclusions accessoires aux fins d'injonction et d'astreinte et celles tendant à ce qu'une somme soit mise à la charge de l'Etat au titre des frais non compris dans les dépens et versée à Me E...sur le fondement des dispositions combinées des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 et 75 de la loi du 10 juillet 1991, doivent être rejetées ;
D É C I D E :
Article 1er : La requête de M. A...est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. C...A..., au ministre de l'intérieur et à Me F...E....
Copie en sera adressée au préfet de l'Hérault.
Délibéré après l'audience du 10 avril 2018, où siégeaient :
- Mme Buccafurri, présidente,
- M. Portail, président-assesseur,
- Mme Busidan, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 20 avril 2018.
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N° 17MA03387