Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 17 décembre 2014, M. C..., représenté par Me B..., demande à la Cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Marseille du 11 juin 2014 ;
2°) d'annuler les décisions de refus de séjour, d'obligation de quitter le territoire français et de fixation du pays de destination de la mesure d'éloignement prise le 27 février 2014 par le préfet des Bouches-du-Rhône ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat, sur le fondement des dispositions combinées des articles 37 et 75 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique, le versement d'une somme de 1 500 euros à Me B..., celui-ci renonçant dans ce cas à la somme correspondant à la part contributive de l'Etat à l'aide juridictionnelle.
Il soutient que :
S'agissant du refus de séjour :
- le tribunal administratif a insuffisamment motivé sa réponse au moyen tiré de l'insuffisance de motivation du refus de séjour ;
- le tribunal administratif n'a pas pris en compte les éléments versés aux débats, relatifs à sa demande en qualité de salarié et à celle au titre de sa vie privée et familiale ;
- le refus de séjour est insuffisamment motivé ;
- la commission du titre de séjour aurait dû être saisie en application de l'article L. 312-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- l'ordre dans lequel le préfet a examiné les différents fondements, sur lesquels sa demande de titre de séjour était présentée, révèle par lui-même que cette autorité n'a pas examiné les motifs exceptionnels ou les considérations humanitaires pouvant justifier sa demande et cette autorité a donc inexactement apprécié sa situation au regard des dispositions de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le préfet a méconnu les dispositions de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers en se fondant sur le critère relatif aux difficultés de recrutement caractérisant son activité professionnelle de marbrier ;
- le préfet n'a pas examiné sa situation au regard des lignes directrices de la circulaire ministérielle du 28 novembre 2012 et a donc méconnu le principe d'égalité devant la loi garanti par l'article 1er de la Constitution et par les stipulations de l'article 14 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le refus de séjour a méconnu son droit au respect de sa vie privée et familiale garanti par les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
S'agissant de l'obligation de quitter le territoire français :
- cette décision est insuffisamment motivée en conséquence de l'insuffisance de motivation entachant le refus de séjour ;
- la décision de ne pas lui accorder un délai de départ volontaire est insuffisamment motivée au regard des exigences " des articles 7 et 12 du 6° considérant de la directive " ;
- cette décision est entachée de l'illégalité entachant le refus de séjour ;
- cette décision est illégale dès lors qu'il pouvait prétendre de plein droit à un titre de séjour ;
- cette décision a méconnu son droit au respect de sa vie privée et familiale garanti par les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- cette décision est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation de ses conséquences sur sa situation personnelle.
S'agissant de la décision fixant le pays de destination :
- cette décision est contraire aux stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et aux dispositions de l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dès lors qu'il a refusé de remplir ses obligations militaires en Turquie en raison de ses origines kurdes.
Une ordonnance du 4 juin 2015 a fixé la clôture de l'instruction au 30 juillet 2015 à 12 heures, en application des dispositions de l'article R. 613-1 du code de justice administrative.
M. C... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle partielle, à un taux de 85%, par une décision du bureau d'aide juridictionnelle près le tribunal de grande instance de Marseille du 3 novembre 2015.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la Constitution du 4 octobre 1958 ;
- la directive 2008/115/CE du Parlement européen et du Conseil du 16 décembre 2008 ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendu au cours de l'audience publique :
- le rapport M. Argoud,
- et les observations de Me B... pour M. C....
Sur la régularité du jugement attaqué :
1. Considérant, d'une part, qu'aux termes de l'article L. 9 du code de justice administrative : " Les jugements doivent être motivés. " ; que, contrairement à ce que soutient le requérant, les premiers juges, en mentionnant que l'arrêté attaqué vise les dispositions normatives applicables et explicite de façon précise et circonstanciée les raisons de fait et de droit pour lesquelles M. C... ne peut pas être admis au séjour, ont suffisamment motivé leur réponse au moyen, tiré de l'insuffisance de motivation de la décision attaquée ;
2. Considérant, d'autre part, que si le requérant soutient que le tribunal administratif aurait omis de prendre en compte certaines pièces, il n'assortit pas le moyen qu'il soulève de précision de nature à permettre à la cour d'en apprécier le bien-fondé ;
Sur la légalité de la décision de refus de séjour :
En ce qui concerne le moyen tiré de ce que le refus de séjour est insuffisamment motivé :
3. Considérant que les premiers juges ont écarté à bon droit ce moyen pour les motifs qui viennent d'être exposés au point 1, qu'il y a lieu d'adopter ;
En ce qui concerne le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers :
4. Considérant qu'aux termes de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " La carte de séjour temporaire mentionnée à l'article L. 313-11 ou la carte de séjour temporaire mentionnée au 1° de l'article L. 313-10 peut être délivrée, sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, à l'étranger ne vivant pas en état de polygamie dont l'admission au séjour répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard des motifs exceptionnels qu'il fait valoir, sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 311-7. " ;
5. Considérant, d'une part, contrairement à ce que soutient le requérant, que la seule mention par l'arrêté attaqué, de ce que le métier de marbrier n'est pas caractérisé par des difficultés de recrutement, ne révèle pas par elle-même que le préfet se serait estimé tenu par cette seule circonstance pour rejeter la demande présentée par l'intéressé sur le fondement des dispositions précitées de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
6. Considérant, d'autre part, qu'ainsi que l'a retenu à bon droit le tribunal administratif, M. C..., célibataire, âgé de 38 ans à la date de la décision attaquée, après avoir été reconduit à la frontière en 2006, et avoir fait l'objet de deux décisions d'obligation de quitter le territoire français en 2011 et 2012, et se bornant à faire valoir, à l'appui de sa demande de titre de séjour, une demande d'autorisation de travail concernant un contrat à durée déterminée de marbrier, et nonobstant la présence en France de nombreux membres de sa famille, ne justifie d'aucune circonstance exceptionnelle ou humanitaire au sens de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; que le requérant n'est donc pas fondé à soutenir que le préfet en aurait méconnu les dispositions en lui refusant de lui délivrer le titre de séjour demandé sur ce fondement ;
En ce qui concerne le moyen tiré de ce que le préfet n'a pas examiné sa situation au regard des lignes directrices de la circulaire ministérielle du 28 novembre 2012 et a de ce fait méconnu le principe d'égalité devant la loi garanti par l'article 1er de la Constitution et par les stipulations de l'article 14 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales :
7. Considérant que les énonciations de la circulaire du ministre de l'intérieur du 28 novembre 2012 relative aux conditions d'examen des demandes d'admission au séjour déposées par des ressortissants étrangers en situation irrégulière dans le cadre des dispositions du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ne constituent pas des lignes directrices dont les intéressés peuvent utilement se prévaloir devant le juge ; que le requérant ne saurait ainsi se prévaloir utilement de cette circulaire dépourvue de toute valeur réglementaire ni n'est fondé à soutenir, qu'à défaut d'avoir examiné sa demande, dans le cadre de ses lignes directrices, le préfet aurait méconnu le principe d'égalité devant la loi et les stipulations de l'article 14 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
En ce qui concerne le moyen tiré de ce que le refus de séjour a méconnu son droit au respect de sa vie privée et familiale garanti par les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales :
8. Considérant qu'aux termes des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, " Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui " ;
9. Considérant, ainsi qu'il a été dit au point 6, que le requérant, célibataire et âgé de 38 ans à la date de la décision attaquée, a fait l'objet d'une décision de reconduite à la frontière en 2006 et s'est soustrait à l'exécution de deux mesures d'éloignement en 2011 et 2012 ; qu'ainsi, et nonobstant la présence en France de plusieurs membres de sa famille et la circonstance qu'il bénéficierait d'un contrat de travail, eu égard aux conditions de son séjour en France, le refus de séjour en litige n'a pas porté une atteinte disproportionnée à son droit au respect de sa vie privée et familiale eu égard aux buts en vue desquels il a été pris ;
En ce qui concerne le moyen tiré de ce que la commission du titre de séjour aurait dû être saisie en application de l'article L. 312-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile :
10. Considérant qu'aux termes de l'article L. 312-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Dans chaque département, est instituée une commission du titre de séjour (...) " ; qu'aux termes de l'article L. 312-2 de ce même code : " La commission est saisie par l'autorité administrative lorsque celle-ci envisage de refuser de délivrer ou de renouveler une carte de séjour temporaire à un étranger mentionné à l'article L. 313-11 ou de délivrer une carte de résident à un étranger mentionné aux articles L. 314-11 et L. 314-12, ainsi que dans le cas prévu à l'article L. 431-3. " ;
11. Considérant qu'il résulte de ces dispositions que le préfet est tenu de saisir la commission du titre de séjour du cas des seuls étrangers qui remplissent effectivement les conditions prévues aux articles L. 313-11, L. 314-11, L. 314-12 et L. 431-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile auxquels il envisage de refuser le titre de séjour sollicité et non de celui de tous les étrangers qui se prévalent de ces dispositions ; qu'il résulte de ce qui vient d'être dit que le préfet des Bouches-du-Rhône n'était pas tenu de soumettre le cas du requérant à la commission du titre de séjour avant de rejeter sa demande ;
12. Considérant que le requérant n'est donc pas fondé à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif a rejeté ses conclusions dirigées contre le refus de séjour ;
Sur la légalité de l'obligation de quitter le territoire français :
En ce qui concerne le moyen tiré de ce que cette décision serait insuffisamment motivée en conséquence de l'insuffisance de motivation entachant le refus de séjour :
13. Considérant que ce moyen doit être écarté pour les motifs exposés au point 3 ;
En ce qui concerne le moyen tiré de ce que la décision de ne pas accorder un délai de départ volontaire est insuffisamment motivée au regard des exigences des articles 7 et 12 du 6° considérant de la directive 2008/115/CE du 16 décembre 2008 :
14. Considérant, d'une part, que le requérant ne peut se prévaloir directement des dispositions du paragraphe 1 de l'article 12 de la directive 2008/115/CE du 16 décembre 2008 susvisée, dès lors qu'elles avaient, à la date de l'arrêté contesté, été transposées en droit interne au I de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dont l'avant-dernier alinéa dispose : " La décision énonçant l'obligation de quitter le territoire français est motivée. Elle n'a pas à faire l'objet d'une motivation distincte de celle de la décision relative au séjour dans les cas prévus aux 3° et 5° du présent I, sans préjudice, le cas échéant, de l'indication des motifs pour lesquels il est fait application des II et III. " ;
15. Considérant, d'autre part, aux termes de l'article 7 de la directive 2008/115/CE du Parlement européen et du Conseil du 16 décembre 2008 susvisée : " 1. La décision de retour prévoit un délai approprié allant de sept à trente jours pour le départ volontaire, sans préjudice des exceptions visées aux paragraphes 2 et 4. (...) / 2. Si nécessaire, les États membres prolongent le délai de départ volontaire d'une durée appropriée, en tenant compte des circonstances propres à chaque cas, telles que la durée du séjour, l'existence d'enfants scolarisés et d'autres liens familiaux et sociaux / (...) " ; qu'aucune disposition de l'article 7 précité de la directive du 16 décembre 2008 n'impose à l'autorité administrative de motiver spécifiquement le délai de départ volontaire imparti à l'étranger lorsque la durée de ce délai est comprise, comme en l'espèce, entre les limites de sept et trente jours fixées au 1 de cet article ;
En ce qui concerne le moyen tiré de ce que la décision d'obligation de quitter le territoire français est entachée de l'illégalité entachant le refus de séjour et du fait que le requérant pouvait prétendre de plein droit à un titre de séjour :
16. Considérant, d'une part, que le refus de séjour n'étant pas entaché d'illégalité, ainsi qu'il vient d'être dit, le requérant n'est pas fondé à invoquer, par voie d'exception, une telle illégalité pour contester la légalité de la décision l'obligeant à quitter le territoire français ;
17. Considérant, d'autre part, que l'intéressé ne remplissant aucune des conditions lui permettant de bénéficier de la délivrance de plein droit d'un titre de séjour, il n'est pas fondé à soutenir qu'il ne pouvait faire l'objet d'une obligation de quitter le territoire français ;
En ce qui concerne les moyens tirés de la violation de l'article 8 de la CEDH et de l'erreur manifeste d'appréciation :
18. Considérant que le requérant invoque à l'appui de ces moyens les mêmes arguments que ceux développés à l'appui de celui tiré de l'atteinte à son droit au respect de sa vie privée et familiale ; que ces moyens doivent donc être écartés pour les mêmes motifs que ceux indiqués au point 9 ;
19. Considérant que le requérant n'est donc pas fondé à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif a rejeté ses conclusions dirigées contre l'obligation de quitter le territoire français ;
Sur la légalité de la décision fixant le pays de destination :
20. Considérant qu'aux termes de l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Un étranger ne peut être éloigné à destination d'un pays s'il établit que sa vie ou sa liberté y sont menacées ou qu'il y est exposé à des traitements contraires aux stipulations de l'article 3 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950. " ; qu'aux termes des stipulations de l'article 3 de ladite convention : " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants. " ;
21. Considérant que le requérant soutient que cette décision serait contraire aux stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et aux dispositions de l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dès lors qu'il a refusé de remplir ses obligations militaires en Turquie en raison de ses origines kurdes ; que, toutefois, en se bornant à faire état de cette circonstance, le requérant ne démontre pas qu'il serait exposé à un risque actuel et personnel pour sa liberté ou son intégrité physique en cas de retour dans son pays d'origine ; que, par suite, ces moyens ne peuvent qu'être écartés ;
22. Considérant qu'il résulte de ce qui vient d'être dit que le requérant n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif a rejeté ses conclusions dirigées contre la décision fixant le pays de destination ;
23. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que le requérant n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif a rejeté sa demande ; que, par voie de conséquence, ses conclusions présentées sur le fondement des dispositions combinées de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 doivent être rejetées ;
D É C I D E :
Article 1er : La requête de M. C... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... C...et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée au préfet des Bouches-du-Rhône.
Délibéré après l'audience du 5 février 2016, où siégeaient :
- Mme Buccafurri, présidente,
- M. Portail, président-assesseur,
- M. Argoud, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 26 février 2016.
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N° 14MA05049