Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 21 janvier 2021, M. B... A..., représenté par Me Gaffuri, demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement n° 2001534 du tribunal administratif de Châlons-en-Champagne du 18 décembre 2020 ;
2°) d'annuler l'arrêté du préfet de l'Aube du 25 juin 2020 ;
3°) d'enjoindre au préfet de l'Aube, dans un délai de quinze jours suivant la notification de l'arrêt à intervenir et sous astreinte de cent euros par jour de retard, de lui délivrer une carte de séjour temporaire ou, subsidiairement, de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour et de réexaminer sa situation ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement à son conseil de la somme de 2 000 euros en application des dispositions combinées des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique.
Il soutient que :
- la décision portant refus de délivrance d'un titre de séjour est insuffisamment motivée ;
- la décision en litige méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- elle méconnaît également les dispositions du 7° de l'article L. 313-11 et celles de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation de ses conséquences sur sa situation personnelle ;
- la décision portant obligation de quitter le territoire français est illégale en raison de l'illégalité de la décision portant refus de délivrance d'un titre de séjour ;
- la décision en litige est insuffisamment motivée ;
- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation de ses conséquences sur sa situation personnelle.
Par un mémoire en défense, enregistré le 30 avril 2021, le préfet de l'Aube conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens invoqués par M. A... ne sont pas fondés.
M. A... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 15 avril 2021.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le président de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Le rapport de M. Meisse, premier conseiller, a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. M. B... A... est un ressortissant ivoirien, né le 20 février 1985. Il est entré en France le 7 janvier 2017 sous couvert de son passeport revêtu d'un visa de court séjour de trente jours muti-entrées, valable du 4 janvier au 3 février 2017. Par une décision du 28 juillet 2017, dont la légalité a été confirmée par un jugement n° 1701894 du tribunal administratif de Châlons-en-Champagne du 5 juillet 2018, le préfet de l'Aube a rejeté la demande de regroupement familial, présentée en faveur du requérant par son épouse le 9 février 2017, au motif que l'intéressée ne justifiait pas de ressources suffisantes et que son conjoint se trouvait en situation irrégulière sur le territoire français. Le 13 janvier 2020, M. A... a sollicité son admission exceptionnelle au séjour. Toutefois, par un arrêté du 25 juin 2020, le préfet de l'Aube a refusé de faire droit à sa demande, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours à compter de la fin de l'état d'urgence sanitaire et a fixé le pays de destination de son éventuelle reconduite d'office à la frontière. Le requérant a saisi le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne d'une demande tendant à l'annulation de l'arrêté préfectoral du 25 juin 2020. Il relève appel du jugement n° 2001534 du 18 décembre 2020 qui rejette sa demande.
Sur le bien-fondé du jugement :
En ce qui concerne la décision portant refus de délivrance d'un titre de séjour :
2. En premier lieu, aux termes de l'article L. 211-2 du code des relations entre le public et l'administration : " Les personnes physiques ou morales ont le droit d'être informées sans délai des motifs des décisions administratives individuelles défavorables qui les concernent. / A cet effet, doivent être motivées les décisions qui : 1° Restreignent l'exercice des libertés publiques ou, de manière générale, constituent une mesure de police ; (...) ". Aux termes de l'article L. 211-5 du même code : " La motivation exigée par le présent chapitre doit être écrite et comporter l'énoncé des considérations de droit et de fait qui constituent le fondement de la décision. ".
3. Contrairement aux allégations de M. A..., la décision en litige énonce, dans ses visas et motifs, les considérations de droit et de fait qui en constituent le fondement. Elle est suffisamment motivée au regard des exigences de l'article L. 211-5 du code des relations entre le public et l'administration. Par suite, le moyen tiré du défaut de motivation manque en fait et il ne peut, dès lors, qu'être écarté.
4. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, alors en vigueur : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit : (...) 7° A l'étranger ne vivant pas en état de polygamie, qui n'entre pas dans les catégories précédentes ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, dont les liens personnels et familiaux en France, appréciés notamment au regard de leur intensité, de leur ancienneté et de leur stabilité, des conditions d'existence de l'intéressé, de son insertion dans la société française ainsi que de la nature de ses liens avec la famille restée dans le pays d'origine, sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus, sans que la condition prévue à l'article L. 313-2 soit exigée. L'insertion de l'étranger dans la société française est évaluée en tenant compte notamment de sa connaissance des valeurs de la République ; (...) ".
5. Il ressort des pièces du dossier que M. A... s'est marié à Abidjan en Côte d'Ivoire, le 9 août 2014, avec une compatriote, qui réside régulièrement en France sous couvert d'une carte de résident valable jusqu'au 29 août 2021. Dans ces conditions, le requérant, qui entre dans les catégories ouvrant droit au regroupement familial, ne saurait utilement se prévaloir du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions en cause doit être écarté comme inopérant.
6. En troisième lieu, aux termes du premier alinéa de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, alors en vigueur : " La carte de séjour temporaire mentionnée à l'article L. 313-11 ou la carte de séjour temporaire mentionnée aux 1° et 2° de l'article L. 313-10 peut être délivrée, sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, à l'étranger ne vivant pas en état de polygamie dont l'admission au séjour répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard des motifs exceptionnels qu'il fait valoir, sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 313-12. ".
7. Il ne ressort pas des pièces du dossier que l'admission au séjour de M. A... répondrait à des considérations humanitaires ou se justifierait au regard de motifs exceptionnels. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance ces dispositions du premier alinéa de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ne peut être accueilli.
8. En quatrième lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui. ".
9. Il ressort des pièces du dossier que M. A... est arrivé en France le 7 janvier 2017, à l'âge de trente-et-un ans, afin d'y rejoindre sa conjointe, titulaire d'une carte de résident, qu'il a épousée en Côte d'Ivoire le 9 août 2014. Le couple a donné naissance à trois enfants, nés respectivement en France les 25 août 2016, 13 avril 2018 et 8 mars 2019. Il résulte cependant du rapport administratif établi le 1er avril 2020 par les services de gendarmerie de Nogent-sur-Seine (Aube), dans le cadre de l'instruction d'une plainte déposée par Mme A... le 17 mars 2020 pour des faits de violences verbales commis par son mari, que la communauté de vie entre les époux a cessé à compter de cette date et que le requérant, à la suite d'une précédente dispute, avait déjà quitté le domicile conjugal pendant treize mois, du 25 juillet 2018 au 26 août 2019. M. A... verse aux débats une attestation du 16 juillet 2020, qu'il présente comme ayant été établie par son épouse, où il est indiqué qu'ils se seraient réconciliés pendant le confinement lié à l'épidémie de la Covid-19 et qu'elle aurait retiré sa plainte au mois de juin 2020. Toutefois, en l'absence de toute possibilité d'identification de son auteur, comme l'a d'ailleurs déjà relevé le tribunal, sans que le requérant ne juge utile d'y remédier en appel, aucune valeur probante ne peut être accordée à ce document. En outre, aucun élément n'est produit pour justifier du retrait de la plainte de son épouse. Par ailleurs, ni les autres attestations produites, qui sont peu circonstanciées et, pour certaines d'entre elles, rédigées en termes identiques, ni les photographies figurant au dossier, qui ne sont pas datées, ni enfin les attestations de paiement de la caisse d'allocations familiales de l'Aube, relatives aux prestations servies au couple au cours de l'année 2020, ne permettent d'établir de façon certaine une reprise de la communauté de vie entre les époux, ni à plus forte raison son effectivité à la date de la décision en litige. Contrairement à ses allégations, le requérant ne justifie pas non plus avoir gardé contact avec ses enfants et contribué à leur entretien et à leur éducation pendant les périodes où il a vécu éloigné du domicile conjugal. Si M. A... fait encore valoir que deux de ses sœurs, dont l'une a la nationalité française, séjournent régulièrement sur le territoire français, il n'apporte aucun élément permettant d'apprécier la réalité et l'intensité de leurs liens. Enfin, le requérant n'est pas isolé dans son pays d'origine, où vivent notamment une fille mineure, née le 16 septembre 2006 d'une précédente relation, ainsi que, selon ses propres déclarations, " une vingtaine de sœurs ". Dans ces conditions, il y a lieu d'écarter le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
10. En cinquième et dernier lieu, pour les mêmes raisons que celles qui viennent d'être exposées, M. A... n'est pas fondé à soutenir que la décision en litige serait entachée d'une erreur manifeste d'appréciation de ses conséquences sur sa situation personnelle.
En ce qui concerne la décision portant obligation de quitter le territoire français :
11. En premier lieu, compte tenu de ce qui précède, il y a lieu d'écarter les moyens tirés respectivement de ce que la décision en litige serait illégale en raison de l'illégalité de la décision portant refus de délivrance d'un titre de séjour et de ce qu'elle serait entachée d'une erreur manifeste d'appréciation de ses conséquences sur sa situation personnelle.
12. En second lieu, aux termes du premier paragraphe de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, alors en vigueur : " L'autorité administrative peut obliger à quitter le territoire français un étranger non ressortissant d'un Etat membre de l'Union européenne (...) lorsqu'il se trouve dans l'un des cas suivants : (...) 3° Si la délivrance ou le renouvellement d'un titre de séjour a été refusé à l'étranger (...). / La décision énonçant l'obligation de quitter le territoire français est motivée. Elle n'a pas à faire l'objet d'une motivation distincte de celle de la décision relative au séjour dans les cas prévus aux 3° et 5° du présent I, sans préjudice, le cas échéant, de l'indication des motifs pour lesquels il est fait application des II et III. / (...) ".
13. Ainsi qu'il a été dit au point 3 du présent arrêt, la décision relative au séjour étant suffisamment motivée en droit et en fait, la décision en litige, conformément aux dispositions, alors en vigueur, du deuxième alinéa du premier paragraphe de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, n'avait pas à faire l'objet d'une motivation distincte. Par suite, le moyen tiré du défaut de motivation ne peut qu'être écarté.
14. Il résulte de tout ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à demander l'annulation de l'arrêté du préfet de l'Aube du 25 juin 2020. Par suite, il n'est pas davantage fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction et d'astreinte et ses conclusions à fin d'application des dispositions combinées des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ne peuvent qu'être rejetées.
DECIDE :
Article 1er : La requête de M. A... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A... et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée au préfet de l'Aube.
N°21NC00230 6