Par une requête enregistrée sous le n° 20NC01864, le 16 juillet 2020 Mme D... C... veuve B..., représentée par Me A... E..., demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Strasbourg du 9 juin 2020 ;
2°) d'annuler la décision du 8 mars 2019 ;
3°) d'enjoindre au préfet de la Moselle de lui délivrer un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " dans un délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir sous astreinte de 150 euros par jour de retard ;
4°) dans l'attente, d'enjoindre au préfet de la Moselle de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour dans le délai de quinze jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir sous astreinte de 150 euros par jour de retard ;
5°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 500 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Mme C... soutient que :
- le préfet a commis une erreur manifeste d'appréciation des faits et un défaut d'examen attentif de sa situation personnelle et familiale au regard du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le préfet a commis une erreur manifeste d'appréciation des faits et un défaut d'examen attentif de sa situation personnelle et familiale au regard du b de l'article 10 de l'accord franco-tunisien ;
- le préfet a commis une erreur de droit car elle ne relève pas des dispositions des articles R. 313-1 et R. 313-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
Par un mémoire en défense, enregistré le 20 janvier 2021, le préfet de la Moselle conclut au rejet de la requête.
Il s'en remet à son mémoire de première instance.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- l'accord modifié du 17 mars 1988 entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République de Tunisie en matière de séjour et de travail ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Le rapport de M. Wurtz, président, a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. Mme C..., ressortissante tunisienne, est entrée en France, en dernier lieu, le 15 décembre 2018 munie d'un passeport et d'un visa de Schengen à entrées multiples pour une durée de 90 jours valable du 17 juillet 2018 au 16 juillet 2020. Par courrier du 19 février 2019, elle a sollicité la délivrance d'un titre de séjour sur le fondement du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par une décision du 8 mars 2019, le préfet de la Moselle a refusé de faire droit à sa demande en se fondant sur ces dispositions et sur les stipulations du b de l'article 10 de l'accord franco-tunisien du 17 mars 1988. Mme C... fait appel du jugement du 9 juin 2020 par lequel le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande d'annulation de cet arrêté.
Sur la décision de refus de délivrance d'un titre de séjour :
2. En premier lieu, il ressort de la décision attaquée que le préfet de la Moselle a procédé à un examen de la situation particulière de Mme C... tant au regard du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, fondement de la demande dont il était saisi, que du b de l'article 10 de l'accord franco-tunisien du 17 mars 1988. Dès lors et nonobstant la circonstance que le préfet n'a pas précisé si sa décision était susceptible de méconnaître l'article 8 la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, le moyen tiré du défaut d'examen de la situation particulière de l'intéressée doit être écarté.
3. En deuxième lieu, aux termes de l'article 10 de l'accord franco-tunisien susvisé : " 1. Un titre de séjour d'une durée de dix ans, ouvrant droit à l'exercice d'une activité professionnelle, est délivré de plein droit, sous réserve de la régularité du séjour sur le territoire français : (...) b) A l'enfant tunisien d'un ressortissant français si cet enfant à moins de vingt et un ans ou s'il est à la charge de ses parents, ainsi qu'aux ascendants d'un tel ressortissant et de son conjoint qui sont à sa charge (...) ".
4. L'autorité administrative, lorsqu'elle est saisie d'une demande tendant à la délivrance d'un titre de séjour au bénéfice d'un étranger qui fait état de sa qualité d'ascendant à charge d'un ressortissant français ou du conjoint de celui-ci, peut légalement fonder sa décision de refus sur la circonstance que l'intéressé ne saurait être regardé comme étant à la charge de son descendant, dès lors qu'il dispose de ressources propres, que son descendant de nationalité française ne pourvoit pas régulièrement à ses besoins ou qu'il ne justifie pas des ressources nécessaires pour le faire.
5. En admettant que M. B..., de nationalité française, fils de Mme C..., a hébergé cette dernière à plusieurs reprises lors de courts séjours en France avant sa dernière entrée sur le territoire français en 2018 et s'il ressort des pièces du dossier qu'il a viré une somme de 167 euros sur le compte de sa mère en 2017, ni ces éléments ni l'attestation de prise en charge établie par M. B... ne suffisent à établir que celui-ci pourvoyait régulièrement aux besoins de sa mère, alors de plus que celle-ci, arrivée en France près de quatre ans après le décès de son mari, ne démontre pas n'avoir aucun moyen de subsistance en Tunisie. Il suit de là qu'en estimant que Mme C... ne pouvait être regardée comme étant à la charge de son fils et en lui refusant, pour ce motif, la délivrance d'un titre de séjour en qualité d'ascendante à charge d'un ressortissant français, le préfet de Moselle n'a pas fait une inexacte application des stipulations précitées de l'accord franco-tunisien du 17 mars 1988. Dès lors, le moyen tiré de la méconnaissance de ces stipulations ne peut qu'être écarté.
6. En troisième lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ". Aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit : (...) 7° A l'étranger ne vivant pas en état de polygamie, qui n'entre pas dans les catégories précédentes ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, dont les liens personnels et familiaux en France, appréciés notamment au regard de leur intensité, de leur ancienneté et de leur stabilité, des conditions d'existence de l'intéressé, de son insertion dans la société française ainsi que de la nature de ses liens avec la famille restée dans le pays d'origine, sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus, sans que la condition prévue à l'article L. 313-2 soit exigée. L'insertion de l'étranger dans la société française est évaluée en tenant compte notamment de sa connaissance des valeurs de la République (...) ".
7. Il ressort des pièces du dossier que Mme C... est entrée en France le 15 décembre 2018, quelques mois seulement avant la décision litigieuse. Si ses deux enfants et son petit-fils vivent en France, la requérante, née en 1962, a vécu la majeure partie de sa vie en Tunisie y compris depuis le décès de son époux en 2014 et elle n'établit pas y être dénuée de liens personnels et sociaux. Rien ne s'oppose à ce que l'intéressée et les membres de sa famille se rendent mutuellement visite sous couvert de visas. Dans ces conditions et compte tenu de l'ensemble des circonstances de l'espèce, la décision contestée de refus de titre de séjour n'a pas porté au droit de Mme C... veuve B... au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée par rapport à ses motifs. Elle n'a, ainsi, méconnu ni les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ni les dispositions du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Pour les mêmes motifs, la décision en litige n'est pas entachée d'erreur manifeste d'appréciation de la situation personnelle de la requérante au regard du pouvoir de régularisation du préfet.
8. En dernier lieu, Mme C... ne peut utilement invoquer le moyen tiré de l'erreur de droit qu'aurait commise le préfet dans l'application des articles R. 313-1 et R. 313-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dès lors que le préfet n'a pas fondé son refus de titre de séjour sur ce motif.
9. Il résulte de tout ce qui précède que Mme C... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision lui refusant un titre de séjour. Ses conclusions à fin d'injonction doivent par voie de conséquence être rejetées.
Sur les frais liés à l'instance :
10. Aux termes de l'article L. 761-1 du code de justice administrative : " Dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens, ou à défaut la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à cette condamnation ".
11. Ces dispositions font obstacle à ce que soit mis à la charge de l'Etat, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, le versement de la somme que Mme C... demande au titre des dispositions précitées de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de Mme C... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme D... C... veuve B... et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée au préfet de la Moselle.
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N° 20NC01864