Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée sous le n°18NC02596 le 25 septembre 2018, M. A... D... et Mme F... C..., épouse D..., représentés par Me E..., demandent à la cour :
1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Strasbourg du 24 juillet 2018 ;
2°) d'annuler, pour excès de pouvoir, les arrêtés du préfet du Bas-Rhin du 4 janvier 2018 ;
3°) d'enjoindre au préfet du Bas-Rhin de leur délivrer une autorisation provisoire de séjour en application de l'article L. 311-12 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dans un délai de quinze jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir.
4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement à Me E... de la somme de 1 500 euros sur le fondement des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Ils soutiennent que :
- le préfet du Bas-Rhin n'établit pas que le médecin instructeur qui a établi le rapport médical n'a pas siégé dans le collège de médecins de l'OFII qui a rendu son avis du 22 août 2017 ;
- la décision leur refusant le séjour méconnaît le 11° de l'article L. 311-11 et l'article L. 311-12 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dès lors que leur fille B... a besoin d'un suivi médical de qualité, dont elle ne peut pas bénéficier dans son pays d'origine ;
- elle méconnaît l'article 3-1 de la convention relative aux droits de l'enfant ;
- ils sont fondés à solliciter l'annulation de l'obligation de quitter le territoire et de la décision fixant le pays de destination eu égard à l'illégalité, invoquée par voie d'exception, du refus de titre de séjour.
Par un mémoire en défense, enregistré le 11 octobre 2019, le préfet du Bas-Rhin conclut au rejet de la requête.
Il fait valoir que les moyens soulevés par le requérant ne sont pas fondés.
M. D... et Mme C..., épouse D... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par deux décisions en date du 23 août 2018.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la convention internationale des droits de l'enfant du 26 janvier 1990 ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- l'arrêté du 27 décembre 2016 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Favret, premier conseiller,
- et les observations de Me E..., pour M. et Mme D....
Considérant ce qui suit :
1. M. et Mme D..., ressortissants kosovars nés les 3 octobre 1979 et 2 octobre 1985, sont entrés en France, selon leurs affirmations, le 11 décembre 2014, accompagnés de leurs deux enfant mineurs, Edi et B.... L'Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA) a rejeté le 30 janvier 2016 leur demande d'admission au statut de réfugiés. La Cour nationale du droit d'asile (CNDA) a confirmé la décision de l'OFPRA le 23 février 2017. Les époux D... ont sollicité, le 11 mai 2017, la délivrance d'un titre de séjour sur le fondement de l'article L. 311-12 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, en faisant valoir l'état de santé de leur fille B..., née le 14 juin 2008. Par deux arrêtés du 4 janvier 2018, le préfet du Bas-Rhin leur a refusé la délivrance du titre de séjour sollicité, les a obligés à quitter le territoire français et a fixé le pays de destination.
Sur la décision de refus de délivrance d'un titre de séjour :
2. En premier lieu, aux termes de l'article R. 313-22 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans sa rédaction en vigueur à la date de l'arrêté contesté : " Pour l'application du 11° de l'article L. 313-11, le préfet délivre la carte de séjour au vu d'un avis émis par un collège de médecins à compétence nationale de l'Office français de l'immigration et de l'intégration. / L'avis est émis dans les conditions fixées par arrêté du ministre chargé de l'immigration et du ministre chargé de la santé au vu, d'une part, d'un rapport médical établi par un médecin de l'Office français de l'immigration et de l'intégration et, d'autre part, des informations disponibles sur les possibilités de bénéficier effectivement d'un traitement approprié dans le pays d'origine de l'intéressé. / Les orientations générales mentionnées à la quatrième phrase du 11° de l'article L. 313-11 sont fixées par arrêté du ministre chargé de la santé ". Aux termes de l'article R. 313-23 du même code, dans sa rédaction en vigueur à la date de l'arrêté contesté : " Le rapport médical visé à l'article R. 313-22 est établi par un médecin de l'Office français de l'immigration et de l'intégration à partir d'un certificat médical établi par le médecin qui le suit habituellement ou par un médecin praticien hospitalier inscrits au tableau de l'ordre, dans les conditions prévues par l'arrêté mentionné au deuxième alinéa de l'article R. 313-22 (...). Sous couvert du directeur général de l'Office français de l'immigration et de l'intégration le service médical de l'office informe le préfet qu'il a transmis au collège de médecins le rapport médical. (.... Le collège à compétence nationale, composé de trois médecins, émet un avis dans les conditions de l'arrêté mentionné au premier alinéa du présent article. La composition du collège et, le cas échéant, de ses formations est fixée par décision du directeur général de l'office. Le médecin ayant établi le rapport médical ne siège pas au sein du collège. ".
3. Aux termes de l'article 6 de l'arrêté du 27 décembre 2016 relatif aux conditions d'établissement et de transmission des certificats médicaux, rapports médicaux et avis mentionnés aux articles R. 313-22, R. 313-23 et R. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Au vu du rapport médical mentionné à l'article 3, un collège de médecins désigné pour chaque dossier dans les conditions prévues à l'article 5 émet un avis, conformément au modèle figurant à l'annexe C du présent arrêté, précisant : a) si l'état de santé de l'étranger nécessite ou non une prise en charge médicale ; b) si le défaut de cette prise en charge peut ou non entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité sur son état de santé ; c) si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont le ressortissant étranger est originaire, il pourrait ou non y bénéficier effectivement d'un traitement approprié ; d) la durée prévisible du traitement. Dans le cas où le ressortissant étranger pourrait bénéficier effectivement d'un traitement approprié, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, le collège indique, au vu des éléments du dossier du demandeur, si l'état de santé de ce dernier lui permet de voyager sans risque vers ce pays. Cet avis mentionne les éléments de procédure. Le collège peut délibérer au moyen d'une conférence téléphonique ou audiovisuelle. L'avis émis à l'issue de la délibération est signé par chacun des trois médecins membres du collège. "
4. S'il ne résulte d'aucune de ces dispositions, non plus que d'aucun principe, que l'avis du collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration (OFII) devrait comporter la mention du nom du médecin qui a établi le rapport médical, prévu par l'article R. 313-22, qui est transmis au collège de médecins, en revanche ces dispositions prévoient que le médecin rapporteur ne siège pas au sein de ce collège. En cas de contestation devant le juge administratif portant sur ce point, il appartient à l'autorité administrative d'apporter les éléments qui permettent l'identification du médecin qui a rédigé le rapport et, par suite, le contrôle de la régularité de la composition du collège de médecins. Le respect du secret médical s'oppose toutefois à la communication à l'autorité administrative, à fin d'identification de ce médecin, de son rapport, dont les dispositions précitées de l'article R. 313-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ne prévoient la transmission qu'au seul collège de médecins et, par suite, à ce que le juge administratif sollicite la communication par le préfet ou par le demandeur d'un tel document.
5. Il ressort des pièces versées au dossier par le préfet du Bas-Rhin, en particulier du bordereau de transmission de l'avis du collège de médecins au préfet par les services de l'OFII, produit en première instance, que le rapport médical sur l'état de santé de la jeune B... prévu par l'article R. 313-22 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile a été établi, le 9 août 2017, par un premier médecin, le docteur Legrain, qui n'a pas siégé au sein du collège de médecins ayant rendu l'avis du 22 août 2017, lequel était composé des docteurs Shaghaghi, Gerlier et Dr Mbomeyo. Il s'ensuit que l'avis a été émis dans le respect de la règle selon laquelle le médecin ayant établi le rapport médical ne siège pas au sein du collège, conformément aux dispositions des articles R. 312-22 et R. 313-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance de ces dispositions doit être écarté.
6. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 311-12 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans sa rédaction en vigueur à la date de l'arrêté attaqué : " Sauf si leur présence constitue une menace pour l'ordre public, une autorisation provisoire de séjour est délivrée aux parents étrangers de l'étranger mineur qui remplit les conditions mentionnées au 11° de l'article L. 313-11, ou à l'étranger titulaire d'un jugement lui ayant conféré l'exercice de l'autorité parentale sur ce mineur, sous réserve qu'ils justifient résider habituellement en France avec lui et subvenir à son entretien et à son éducation, sans que la condition prévue à l'article L. 313-2 soit exigée. / L'autorisation provisoire de séjour mentionnée au premier alinéa, qui ne peut être d'une durée supérieure à six mois, est délivrée par l'autorité administrative, après avis d'un collège de médecins du service médical de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, dans les conditions prévues au 11° de l'article L. 313-11. Cette autorisation provisoire de séjour ouvre droit à l'exercice d'une activité professionnelle. Elle est renouvelée pendant toute la durée de la prise en charge médicale de l'étranger mineur, sous réserve que les conditions prévues pour sa délivrance continuent d'être satisfaites. " Aux termes de l'article L. 313-11 du même code, dans sa rédaction en vigueur à la date de l'arrêté contesté : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit : (...) 11° A l'étranger résidant habituellement en France, si son état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, il ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié. La condition prévue à l'article L. 313-2 n'est pas exigée. La décision de délivrer la carte de séjour est prise par l'autorité administrative après avis d'un collège de médecins du service médical de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, dans des conditions définies par décret en Conseil d'Etat. Les médecins de l'office accomplissent cette mission dans le respect des orientations générales fixées par le ministre chargé de la santé. Chaque année, un rapport présente au Parlement l'activité réalisée au titre du présent 11° par le service médical de l'Office français de l'immigration et de l'intégration ainsi que les données générales en matière de santé publique recueillies dans ce cadre ".
7. Il ressort des pièces du dossier que la jeune B... souffre de troubles pulmonaires et respiratoires, pour lesquels elle suit un traitement au centre hospitalier universitaire de Strasbourg. Pour refuser à ses parents le titre de séjour qu'ils avaient sollicité en raison de l'état de santé de leur fille, le préfet du Bas-Rhin s'est fondé notamment sur un avis émis le 22 août 2017 par le collège des médecins de l'OFII, qui a estimé que si l'état de santé de la jeune B... nécessitait une prise en charge médicale dont le défaut devrait entraîner des conséquences d'une extrême gravité, l'enfant pouvait bénéficier d'un traitement approprié dans son pays d'origine et qu'elle pouvait voyager sans risque. Si l'ensemble des certificats médicaux produits par les requérants, émanant des docteurs Becmeur, Weiss, Enache et Tryleski, permettent d'établir que la gravité de l'état de santé de l'enfant B..., à son arrivée en France, est largement imputable à l'erreur de diagnostic commise par le médecin qui assurait alors son suivi au Kossovo, ils ne permettent pas d'établir, alors que le diagnostic correct a été posé et que l'enfant a subi l'intervention chirurgicale adaptée, qu'elle ne pourrait pas, désormais, bénéficier du traitement approprié à son état de santé actuel dans son pays d'origine, les appelants n'établissant pas qu'elle serait dans l'impossibilité d'être suivie par d'autres médecins que celui qui est à l'origine de l'erreur commise. Il en résulte que le moyen tiré de la méconnaissance de l'article L. 311-12 et du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile doit être écarté.
8. En troisième lieu, aux termes des stipulations de l'article 3-1 de la convention relative aux droits de l'enfant : " Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait d'institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale ".
9. Il résulte de ces stipulations, qui peuvent être utilement invoquées à l'appui d'un recours pour excès de pouvoir, que, dans l'exercice de son pouvoir d'appréciation, l'autorité administrative doit accorder une attention primordiale à l'intérêt supérieur des enfants dans toutes les décisions les concernant.
10. Alors même que leur troisième enfant est née en France, M. et Mme D... n'établissent pas que leur cellule familiale ne pourrait pas se reconstituer dans leur pays d'origine, et qu'en particulier leurs deux aînés ne pourraient y poursuivre leur scolarité. En outre, il résulte de ce qui a été dit au point 7 ci-dessus que la jeune B... peut y recevoir un traitement approprié à son état de santé. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 3-1 de la convention précitée doit être écarté.
Sur les décisions portant obligation de quitter le territoire français et fixant le pays de destination :
11. Il résulte de ce qui précède que M. et Mme D... ne sont pas fondés à exciper, par la voie de l'exception, de l'illégalité de la décision refusant de leur accorder un titre de séjour, à l'appui de leurs conclusions dirigées contre les décisions portant obligation de quitter le territoire français et fixant le pays de destination.
12. Il résulte de tout ce qui précède que M. et Mme D... ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté leur demande tendant à l'annulation des arrêtés du 4 janvier 2018 par lesquels le préfet du Bas-Rhin a refusé de leur délivrer un titre de séjour, leur a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination. Leurs conclusions tendant à ce qu'il soit enjoint au le préfet du Bas-Rhin de leur délivrer une autorisation provisoire de séjour dans un délai de quinze jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir doivent être rejetées, par voie de conséquence.
Sur les frais liés à l'instance :
13. Aux termes de l'article L. 761-1 du code de justice administrative : " Dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens, ou à défaut la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à cette condamnation ".
14. Ces dispositions font obstacle à ce que soit mis à la charge de l'Etat, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, le versement de la somme que le conseil de M. et Mme D... demandent au titre des dispositions précitées de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de M. et Mme D... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... D..., à Mme F... C..., épouse D... et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée au préfet du Bas-Rhin.
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N° 18NC02596