Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 8 octobre 2018, M. B..., représenté par Me A..., demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Strasbourg du 26 avril 2018 ;
2°) d'annuler, pour excès de pouvoir, l'arrêté du 27 décembre 2017 du préfet du Bas-Rhin, en tant qu'il lui refuse un titre de séjour, l'oblige à quitter le territoire français et fixe le pays à destination duquel il est susceptible d'être éloigné;
3°) d'enjoindre au préfet du Bas-Rhin de lui délivrer un titre de séjour revêtu de la mention " vie privée et familiale " dans un délai de quinze jours à compter de la notification du jugement à intervenir, sous astreinte de 50 euros par jour de retard ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 200 euros au bénéfice de son conseil en application des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Il soutient que :
S'agissant de la décision de refus de titre de séjour :
- l'avis du collège des médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration est irrégulier, faute pour le préfet de transmettre l'information relative au nom du médecin instructeur ;
- il est exposé à des conséquences d'une exceptionnelle gravité en l'absence de traitement médical.
S'agissant de l'obligation de quitter le territoire français :
- elle est illégale par voie de conséquence de l'illégalité de la décision de refus de titre de séjour ;
- elle est entachée d'erreur manifeste d'appréciation.
S'agissant de la décision fixant le pays de destination :
- elle est illégale par voie de conséquence de l'illégalité du refus de titre de séjour et de l'obligation de quitter le territoire français ;
- il est exposé à des traitements inhumains et dégradants en cas de retour dans son pays d'origine.
Par un mémoire en défense, enregistré le 27 septembre 2019, le préfet du Bas-Rhin conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens soulevés par M. B... ne sont pas fondés.
M. B... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 11 septembre 2018.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- l'arrêté du 27 décembre 2016 relatif aux conditions d'établissement et de transmission des certificats médicaux, rapports médicaux et avis mentionnés aux articles R. 313-22, R. 313-23 et R. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Le rapport de M. Dietenhoeffer, premier conseiller, a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. M. B..., ressortissant du Sierra Leone né en 1974, est entré irrégulièrement en France en mars 2015. A la suite du rejet définitif de sa demande d'asile par un arrêt du 14 octobre 2016 de la Cour nationale du droit d'asile, M. B... a présenté, le 21 novembre 2016, une demande de titre de séjour en raison de son état de santé. Par un arrêté du 27 décembre 2017, le préfet du Bas-Rhin a refusé à M. B... le bénéfice d'un titre de séjour, a assorti cette décision d'une obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination. Par le jugement attaqué du 26 avril 2018, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté la demande de M. B... tendant à l'annulation de cet arrêté.
Sur la légalité de la décision portant refus de titre de séjour :
2. En premier lieu, aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit : (...) 11° A l'étranger résidant habituellement en France, si son état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, il ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié. La condition prévue à l'article L. 313-2 n'est pas exigée. La décision de délivrer la carte de séjour est prise par l'autorité administrative après avis d'un collège de médecins du service médical de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, dans des conditions définies par décret en Conseil d'Etat. (...) ". Aux termes de l'article R. 313-22 du même code : " Pour l'application du 11° de l'article L. 313-11, le préfet délivre la carte de séjour au vu d'un avis émis par un collège de médecins à compétence nationale de l'Office français de l'immigration et de l'intégration. / L'avis est émis dans les conditions fixées par arrêté du ministre chargé de l'immigration et du ministre chargé de la santé au vu, d'une part, d'un rapport médical établi par un médecin de l'Office français de l'immigration et de l'intégration et, d'autre part, des informations disponibles sur les possibilités de bénéficier effectivement d'un traitement approprié dans le pays d'origine de l'intéressé ". Aux termes de l'article R. 313-23 de ce code : " Le rapport médical visé à l'article R. 313-22 est établi par un médecin de l'Office français de l'immigration et de l'intégration à partir d'un certificat médical établi par le médecin qui le suit habituellement ou par un médecin praticien hospitalier inscrits au tableau de l'ordre (...) Sous couvert du directeur général de l'Office français de l'immigration et de l'intégration le service médical de l'office informe le préfet qu'il a transmis au collège de médecins le rapport médical. (...) Le collège à compétence nationale, composé de trois médecins, émet un avis dans les conditions de l'arrêté mentionné au premier alinéa du présent article. La composition du collège et, le cas échéant, de ses formations est fixée par décision du directeur général de l'office. Le médecin ayant établi le rapport médical ne siège pas au sein du collège (...) ". Aux termes de l'article 6 de l'arrêté du 27 décembre 2016 pris pour l'application de ces dispositions : " Au vu du rapport médical mentionné à l'article 3, un collège de médecins désigné pour chaque dossier dans les conditions prévues à l'article 5 émet un avis, conformément au modèle figurant à l'annexe C du présent arrêté, précisant : a) si l'état de santé de l'étranger nécessite ou non une prise en charge médicale ; b) si le défaut de cette prise en charge peut ou non entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité sur son état de santé ; c) si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont le ressortissant étranger est originaire, il pourrait ou non y bénéficier effectivement d'un traitement approprié ; d) la durée prévisible du traitement. Dans le cas où le ressortissant étranger pourrait bénéficier effectivement d'un traitement approprié, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, le collège indique, au vu des éléments du dossier du demandeur, si l'état de santé de ce dernier lui permet de voyager sans risque vers ce pays. Cet avis mentionne les éléments de procédure. (...) ".
3. S'il ne résulte d'aucune de ces dispositions, non plus que d'aucun principe, que l'avis du collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration (OFII) devrait comporter la mention du nom du médecin qui a établi le rapport médical, prévu par l'article R. 313-22, qui est transmis au collège de médecins, en revanche ces dispositions prévoient que le médecin rapporteur ne siège pas au sein de ce collège. En cas de contestation devant le juge administratif portant sur ce point, il appartient à l'autorité administrative d'apporter les éléments qui permettent l'identification du médecin qui a rédigé le rapport et, par suite, le contrôle de la régularité de la composition du collège de médecins.
4. En l'espèce, il ressort du bordereau de transmission des services de l'OFII, produit en appel par le préfet du Bas-Rhin, que le rapport médical émis le 22 septembre 2017 sur l'état de santé de M. B... a été établi par le docteur Nathalie Ortega qui n'a pas siégé au sein du collège de médecins ayant rendu l'avis du 28 septembre 2017. Par suite, le moyen tiré de l'irrégularité de la procédure à l'issue de laquelle est intervenue la décision contestée doit être écarté.
5. En deuxième lieu, la partie qui justifie d'un avis du collège de médecins du service médical de l'OFII qui lui est favorable doit être regardée comme apportant des éléments de fait susceptibles de faire présumer l'existence ou l'absence d'un état de santé de nature à justifier la délivrance ou le refus d'un titre de séjour. Dans ce cas, il appartient à l'autre partie, dans le respect des règles relatives au secret médical, de produire tous éléments permettant d'apprécier l'état de santé de l'étranger et, le cas échéant, de sa capacité à bénéficier effectivement d'un traitement approprié dans le pays de renvoi. La conviction du juge, à qui il revient d'apprécier si l'état de santé d'un étranger justifie la délivrance d'un titre de séjour dans les conditions ci-dessus rappelées, se détermine au vu de ces échanges contradictoires. En cas de doute, il lui appartient de compléter ces échanges en ordonnant toute mesure d'instruction utile.
6. Pour refuser à M. B... la délivrance d'un titre de séjour sur le fondement du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, le préfet du Bas-Rhin s'est fondé sur l'avis émis le 28 septembre 2017 par le collège de médecins de l'OFII. Cet avis indique que, si l'état de santé de M. B... nécessite une prise en charge médicale, le défaut d'une telle prise en charge ne devrait pas entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité et qu'il peut voyager sans risque vers son pays d'origine.
7. A cet égard, le certificat médical du 20 février 2017, établi par le médecin psychiatre de M. B..., se borne à faire état du syndrome anxio-dépressif dont souffre ce dernier et qui se manifeste par un état d'angoisse chronique, des insomnies, un état dépressif sévère. En revanche, ce certificat ne précise pas les conséquences qu'un éventuel défaut de traitement pourrait entraîner. Dès lors qu'il ressort en outre des pièces du dossier que ce certificat a été communiqué au médecin rapporteur dans le cadre de la procédure d'avis du collège des médecins de l'OFII, ce document ne remet pas en cause l'appréciation portée tant par le collège des médecins que par le préfet du Bas-Rhin concernant les conséquences d'un défaut de traitement. Il en va de même des autres documents relatifs à la cardiopathie dont M. B..., qui ne mentionnent pas non plus les conséquences d'une exceptionnelle gravité que pourrait présenter un arrêt de sa prise en charge thérapeutique. Il résulte de ce qui précède que le préfet du Bas-Rhin n'a pas fait une inexacte application des dispositions précitées en refusant de délivrer au requérant un titre de séjour au regard de son état de santé.
Sur l'obligation de quitter le territoire français :
8. En premier lieu, il résulte de ce qui précède que le moyen tiré de ce que l'obligation de quitter le territoire français devrait être annulée, par voie de conséquence de l'illégalité de la décision de refus de titre de séjour, ne peut qu'être écarté.
9. En second lieu, le moyen selon lequel la décision portant obligation de quitter le territoire français est entachée d'erreur manifeste d'appréciation en tant qu'elle emporte des conséquences d'une exceptionnelle gravité pour la vie personnelle et familiale du requérant est dépourvu des précisions permettant d'en apporter le bien-fondé. Il doit, par suite, être écarté.
Sur la décision fixant le pays à destination duquel M. B... est susceptible d'être renvoyé :
10. En premier lieu, il résulte de ce qui précède que le moyen tiré de ce que la décision fixant le pays de destination devrait être annulée, par voie de conséquence de l'illégalité du refus de titre de séjour et de l'obligation de quitter le territoire français, ne peut qu'être écarté.
11. En second lieu, aux termes de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants ".
12. Si M. B... fait valoir qu'il craint d'être exposé à un risque réel, direct et sérieux pour sa vie et sa santé en cas de retour dans son pays d'origine, le Sierra Leone, en représailles de son refus d'appartenir à un groupe secret, il ne l'établit pas par les pièces versées au dossier. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations précitées ne peut qu'être écarté.
13. Il résulte de tout ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction ainsi que celles présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent qu'être rejetées.
DECIDE :
Article 1er : La requête de M. B... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. C... D... B... et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée au préfet du Bas-Rhin.
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N° 18NC02701