Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée sous le n°18NC02662 le 1er octobre 2018, Mme E... B..., représentée par Me C..., demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Nancy du 15 février 2018 ;
2°) d'annuler, pour excès de pouvoir, l'arrêté du préfet de Meurthe-et-Moselle du 4 juillet 2017 ;
3°) d'enjoindre au préfet de Meurthe-et-Moselle de lui délivrer un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " dans un délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, subsidiairement de réexaminer sa situation et de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour durant le temps de ce réexamen dans un délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir.
4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement à Me C... de la somme de 1 800 euros sur le fondement des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Mme B... soutient que :
S'agissant de la décision de refus de séjour :
- elle est entachée d'erreur d'appréciation, méconnaît les dispositions du 7° de l'article L.313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, ainsi que les stipulations de l'article 8 de la déclaration européenne des droits de l'homme et des libertés fondamentales et de l'article 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant ;
S'agissant de l'obligation de quitter le territoire français :
- elle est fondée sur une décision de refus de titre de séjour illégale ;
- elle est insuffisamment motivée ;
- elle méconnaît les stipulations de l'article 8 de la déclaration européenne des droits de l'homme et des libertés fondamentales et de l'article 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant ;
Par un mémoire en défense, enregistré le 24 juin 2019, le préfet de Meurthe-et-Moselle conclut au rejet de la requête.
Il fait valoir que :
- la requête est irrecevable ;
- les moyens soulevés par la requérante ne sont pas fondés.
Par ordonnance du 1er août 2019, la clôture d'instruction a été fixée au 20 août 2019.
Mme B... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle partielle par une décision en date du 23 août 2018.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la convention internationale des droits de l'enfant du 26 janvier 1990 ;
- la directive n° 2008/115/CE du 16 décembre 2008 ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Favret, premier conseiller,
- et les observations de Me C..., pour Mme B....
Considérant ce qui suit :
1. Mme B..., ressortissante sénégalaise, est entrée régulièrement en France le 29 juillet 2011, et y a donné naissance à une fille, le 23 mai 2013, de père inconnu. Elle a présenté une demande d'asile pour elle et son enfant le 12 décembre 2013. L'Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA) a rejeté sa demande par une décision du 14 novembre 2014, confirmée le 11 mai 2015 par la Cour nationale du droit d'asile (CNDA). Le préfet de Meurthe-et-Moselle a pris à son encontre, par arrêté du 10 février 2015, une décision de refus de titre de séjour assortie d'une obligation de quitter le territoire français, à laquelle elle n'a pas déféré. Le 2 juillet 2016, Mme B... a sollicité un titre de séjour " vie privée et familiale ", à laquelle le préfet de Meurthe-et-Moselle a opposé un refus en lui faisant obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et en fixant le pays de renvoi, par un arrêté du 4 juillet 2017. Mme B... fait appel du jugement du 15 février 2018 par lequel le tribunal administratif de Nancy a rejeté sa demande d'annulation de cet arrêté.
Sur la décision de refus de délivrance d'un titre de séjour :
2. En premier lieu, aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans sa rédaction alors en vigueur : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit : (...) 7° A l'étranger ne vivant pas en état de polygamie, qui n'entre pas dans les catégories précédentes ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, dont les liens personnels et familiaux en France, appréciés notamment au regard de leur intensité, de leur ancienneté et de leur stabilité, des conditions d'existence de l'intéressé, de son insertion dans la société française ainsi que de la nature de ses liens avec la famille restée dans le pays d'origine, sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus, sans que la condition prévue à l'article L. 311-7 soit exigée. L'insertion de l'étranger dans la société française est évaluée en tenant compte notamment de sa connaissance des valeurs de la République ". Aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ".
3. Il ressort des pièces du dossier que Mme B... est entrée en France le 29 juillet 2011, à l'âge de trente-quatre ans et qu'elle n'est pas dépourvue d'attaches familiales dans son pays d'origine, où sa mère et son frère résident et où elle a vécu la plus grande partie de sa vie. Par ailleurs, si Mme B... produit un certificat de concubinage mentionnant sa vie commune depuis le 29 août 2013 avec M. A..., un compatriote titulaire d'un titre de séjour en qualité d'étudiant, ce document, établi le 9 juin 2016, n'est pas de nature à démontrer la réalité du concubinage depuis 2013. En outre, la fille de la requérante, née en 2013, n'est scolarisée en France que depuis l'année 2016-2017 et pourra poursuivre sa scolarité hors de France. Enfin, Mme B... ne produit aucune promesse d'embauche. Dans ces conditions, le moyen tiré de ce que la décision contestée porterait une atteinte excessive à son droit au respect de sa vie privée et familiale en méconnaissance tant des dispositions précitées du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile que des stipulations de l'article 8 de la déclaration européenne des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit être écarté.
4. En second lieu, aux termes de l'article 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant : " Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait des institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale ".
5. Il résulte de ces stipulations, qui peuvent être utilement invoquées à l'appui d'un recours pour excès de pouvoir, que dans l'exercice de son pouvoir d'appréciation, l'autorité administrative doit accorder une attention primordiale à l'intérêt supérieur des enfants dans toutes les décisions les concernant.
6. Ainsi qu'il a été dit plus haut, la fille de Mme B..., née de père inconnu en 2013, n'est scolarisée en France que depuis l'année 2016-2017 et pourra poursuivre sa scolarité hors de France. En outre, la décision contestée n'a ni pour objet ni pour effet de séparer Mme B... de sa fille. Par ailleurs, il ne ressort pas des pièces du dossier que le concubin de la requérante, qui ne travaille en France que sous le statut d'étudiant, entretiendrait avec la jeune D... des liens réels et intenses. Le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 3-1 de la convention précitée ci-dessus doit, par suite, être écarté.
Sur la légalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français :
7. En premier lieu, il résulte de ce qui précède que Mme B... n'est pas fondée à exciper, par la voie de l'exception, de l'illégalité de la décision refusant de lui accorder un titre de séjour, à l'appui de ses conclusions dirigées contre la décision l'obligeant à quitter le territoire.
8. En deuxième lieu, aux termes du I de 1'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans sa rédaction alors en vigueur : " L'autorité administrative peut obliger à quitter le territoire français un étranger non ressortissant d'un État membre de l'Union européenne, d'un autre État partie à l'accord sur l'Espace économique européen ou de la Confédération suisse (...), lorsqu'il se trouve dans l'un des cas suivants : (...) 3° Si la délivrance ou le renouvellement d'un titre de séjour a été refusé à l'étranger (...) / La décision énonçant l'obligation de quitter le territoire français est motivée. Elle n'a pas à faire l'objet d'une motivation distincte de celle de la décision relative au séjour dans les cas prévus aux 3° et 5° du présent I sans préjudice, le cas échéant, de l'indication des motifs pour lesquels il est fait application des II et III. / L'obligation de quitter le territoire français fixe le pays à destination duquel l'étranger est renvoyé en cas d'exécution d'office ".
9. La décision portant obligation de quitter le territoire français prise à l'encontre de Mme B... mentionne les textes dont elle fait application, notamment l'article L. 511-1-I du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. En outre, elle précise les raisons pour lesquelles Mme B... ne peut pas se voir délivrer un titre de séjour, rappelle que " le préfet peut assortir sa décision de refus de séjour d'une obligation de quitter le territoire français " et souligne que " l'intéressée n'est pas dans l'un des cas dans lesquelles ne peut faire l'objet d'une obligation de quitter le territoire tels que définis par l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ". La motivation en fait de la décision portant obligation de quitter le territoire, qui se confond avec celle de la décision de refus de titre de séjour, est donc suffisante. Dès lors, le moyen tiré de ce que cette décision serait insuffisamment motivée doit être écarté.
10. En troisième lieu, pour les mêmes motifs que ceux indiqués aux points nos 3 et 6 du présent arrêt, l'obligation de quitter le territoire français prise à l'encontre de Mme B... ne méconnaît pas les stipulations de l'article 8 de la déclaration européenne des droits de l'homme et des libertés fondamentales et celles de l'article 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant.
11. Il résulte de tout ce qui précède, que Mme B... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nancy a rejeté sa demande tendant à annuler l'arrêté du préfet de Meurthe-et-Moselle du 4 juillet 2017. Ses conclusions tendant à ce qu'il soit enjoint au préfet de Meurthe-et-Moselle de lui délivrer un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " et, subsidiairement, de réexaminer sa situation et de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour durant le temps de ce réexamen doivent être rejetées, par voie de conséquence.
Sur les frais liés à l'instance :
12. Aux termes de l'article L. 761-1 du code de justice administrative : " Dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens, ou à défaut la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à cette condamnation ".
13. Ces dispositions font obstacle à ce que soit mis à la charge de l'Etat, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, le versement de la somme que le conseil de Mme B... demande au titre des dispositions précitées de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de Mme E... B... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme E... B... et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée au préfet de Meurthe-et-Moselle.
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N° 18NC02662