Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée sous le n° 18NC02262 le 13 août 2018, M. B..., représenté par Me A..., demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Châlons-en-Champagne du 20 mars 2018 ;
2°) d'annuler, pour excès de pouvoir, l'arrêté du préfet de la Marne du 20 octobre 2017 ;
3°) d'enjoindre au préfet de la Marne de lui délivrer un certificat de résidence portant la mention " salarié " dans le délai de quinze jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement à Me A... de la somme de 2 500 euros sur le fondement des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.
M. B... soutient que :
- l'arrêté contesté a été signé par une autorité incompétente ;
- il ne comporte pas les mentions requises par les dispositions de l'article L. 212-1 du code des relations entre le public et l'administration ;
- il est insuffisamment motivé ;
- la DIRECCTE n'avait pas à être consultée dans le cadre de l'instruction de sa demande ;
- le préfet de la Marne s'est estimé à tort lié par l'avis de la DIRECCTE et n'a pas procédé à un examen de sa situation personnelle ;
- il pouvait bénéficier d'un certificat de résidence, sur le fondement des stipulations des b) et d) de l'article 7 et celles de l'article 7 bis de l'accord franco-algérien ;
- l'arrêté contesté méconnait les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et il est entaché d'une erreur manifeste d'appréciation ;
- il aurait dû bénéficier d'une admission exceptionnelle au séjour sur le fondement de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et en vertu des orientations fixées par la circulaire du ministre de l'intérieur n° NOR INTK1229185C relative aux conditions d'examen des demandes d'admission au séjour déposées par des ressortissants étrangers en situation irrégulière du 28 novembre 2012 ;
- il ne pouvait pas faire l'objet d'une mesure d'éloignement, compte tenu de l'illégalité du refus de délivrance d'un certificat de résidence.
La requête a été communiquée au préfet de la Marne, qui n'a pas présenté de mémoire en défense.
Par ordonnance du 12 juillet 2019, la clôture d'instruction a été fixée au 7 août 2019.
M. B... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision en date du 10 juillet 2018.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 relatif à la circulation, à l'emploi et au séjour en France des ressortissants algériens et de leurs familles et ses avenants ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code des relations entre le public et l'administration
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Le rapport de M. Favret, premier conseiller, a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. M. B..., ressortissant algérien, est entré irrégulièrement en France le 6 octobre 2013 et a sollicité le 19 avril 2017 la délivrance d'un certificat de résidence portant la mention " salarié ", sur le fondement des stipulations du b) de l'article 7 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968. Par un arrêté en date du 20 octobre 2017, le préfet de la Marne a refusé de lui délivrer le certificat sollicité, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi. Par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a rejeté la demande de M. B... tendant à l'annulation de l'arrêté préfectoral du 20 octobre 2017.
Sur le refus de délivrance d'un certificat de résidence :
2. En premier lieu, le préfet de la Marne a, par un arrêté n° DS 2016-094 du 18 juillet 2016, régulièrement publié au recueil des actes administratifs de l'Etat dans le département, donné délégation à M. Denis Gaudin, secrétaire général de la préfecture, pour signer tous actes relevant de la compétence de l'Etat dans le département, à l'exception de certains actes au nombre desquels ne figurent pas les décisions prises en matière de police des étrangers. La circonstance que la décision contestée soit intervenue sur proposition du secrétaire général de la préfecture est sans incidence sur l'exercice, par le préfet, de sa propre compétence. En outre, il ne ressort pas des pièces du dossier que l'arrêté de délégation du 18 juillet 2016 serait devenu caduc à la date d'adoption de la décision contestée. Par suite, le moyen tiré de l'incompétence du signataire de la décision contestée doit être écarté.
3. En deuxième lieu, M. B... soulève, comme en première instance, les moyens tirés de ce que l'arrêté litigieux ne comporte pas les mentions requises par les dispositions de l'article L. 212-1 du code des relations entre le public et l'administration, de ce qu'il n'est pas suffisamment motivé, de ce que la DIRECCTE n'avait pas à être consultée dans le cadre de l'instruction de sa demande, de ce que le préfet s'est estimé, à tort lié, par l'avis de la DIRECCTE et n'a pas procédé à un examen de sa situation personnelle et, enfin, de ce que l'arrêté préfectoral contesté repose sur des faits matériellement inexacts en ce qu'il fait état d'une carence de la part de l'employeur du requérant. Il n'assortit toutefois pas ces moyens de précisions nouvelles en appel et par suite, il y a lieu de les écarter par adoption des motifs retenus à bon droit par les premiers juges.
4. En troisième lieu, aux termes du b) de l'article 7 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 : " Les ressortissants algériens désireux d'exercer une activité professionnelle salariée reçoivent (...) sur présentation d'un contrat de travail visé par les services du ministre chargé de l'emploi, un certificat de résidence valable un an pour toutes professions et toutes régions, renouvelable et portant la mention " salarié " : cette mention constitue l'autorisation de travail exigée par la législation française (...) ".
5. Il ressort des pièces du dossier que M. B... a sollicité la délivrance du certificat de résidence visé au b) de l'article 7 précité de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968, en produisant une promesse d'embauche de la société RD CONCEPT de Villeneuve-la-Garenne (92390), pour un emploi de " convoyeur automobile ". Contrairement à ce qu'il soutient, le préfet n'a commis aucune erreur de droit en saisissant, le 5 mai 2017, l'unité territoriale compétente de la direction régionale des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi Grand Est (DIRECCTE) en vue d'instruire la demande d'autorisation de travail correspondante. Il n'est, en outre, pas contesté que la société RD CONCEPT n'a pas complété le dossier de l'intéressé en dépit de l'invitation à le faire que lui avait adressée la DIRECCTE dans une lettre du 15 mai 2017, et qu'ainsi, la demande d'autorisation de travail a fait l'objet d'un avis de classement sans suite, le 10 août 2017. Dans ces conditions, dès lors que M. B... était dans l'incapacité de produire un contrat de travail visé par les services du ministre chargé de l'emploi, il n'est pas fondé à soutenir que le préfet a méconnu les stipulations précitées de l'accord franco-algérien en lui refusant la délivrance d'un certificat de résident " salarié ".
6. En quatrième lieu, aux termes du d) de l'article 7 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 : " Les ressortissants algériens autorisés à séjourner en France au titre du regroupement familial, s'ils rejoignent un ressortissant algérien lui-même titulaire d'un certificat de résidence d'un an, reçoivent de plein droit un certificat de résidence de même durée de validité, renouvelable et portant la mention " vie privée et familiale ".
7. Il est constant que le requérant n'a pas été autorisé à séjourner en France au titre du regroupement familial, pour y rejoindre un ressortissant algérien titulaire d'un certificat de résidence d'un an. Dans ces conditions, il n'est pas fondé à soutenir qu'il pouvait prétendre à la délivrance d'un certificat de résidence sur le fondement du d) de l'article 7 de l'accord franco-algérien précité.
8. En cinquième lieu, aux termes de l'article 7 bis de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 : " Le certificat de résidence valable dix ans est délivré de plein droit sous réserve de la régularité du séjour pour ce qui concerne les catégories visées au a), au b), au c) et au g) : / a) Au ressortissant algérien, marié depuis au moins un ans avec un ressortissant de nationalité française, dans les mêmes conditions que celles prévues à l'article 6 nouveau 2) et au dernier alinéa de ce même article ; / b) À l'enfant algérien d'un ressortissant français si cet enfant a moins de vingt et un ans ou s'il est à la charge de ses parents, ainsi qu'aux ascendants d'un ressortissant français et de son conjoint qui sont à sa charge ; / c) Au ressortissant algérien titulaire d'une rente d'accident du travail ou de maladie professionnelle servie par un organisme français et dont le taux d'incapacité permanente est égal ou supérieur à 20 p. 100 ainsi qu'aux ayants droit d'un ressortissant algérien, bénéficiaire d'une rente de décès pour accident de travail ou maladie professionnelle versée par un organisme français ; / d) Aux membres de la famille d'un ressortissant algérien titulaire d'un certificat de résidence valable dix ans qui sont autorisés à résider en France au titre du regroupement familial ; / e) Au ressortissant algérien qui justifie résider habituellement en France depuis qu'il a atteint au plus l'âge de dix ans ; / f) Au ressortissant algérien qui est en situation régulière depuis plus de dix ans, sauf s'il a été, pendant toute cette période, titulaire d'un certificat de résidence portant la mention " étudiant " ; / g) Au ressortissant algérien ascendant direct d'un enfant français résidant en France, à la condition qu'il exerce, même partiellement, l'autorité parentale à l'égard de cet enfant ou qu'il subvienne effectivement à ses besoins, à l'échéance de son certificat de résidence d'un an ; / h) Au ressortissant algérien titulaire d'un certificat de résidence d'une validité d'un an portant la mention " vie privée et familiale ", lorsqu'il remplit les conditions prévues aux alinéas précédents ou, à défaut, lorsqu'il justifie de cinq années de résidence régulière ininterrompue en France (...) ".
9. Il ne ressort pas des pièces du dossier que M. B..., qui n'est entré en France qu'en 2013 à l'âge de quarante-trois ans, entrerait dans l'une des hypothèses de délivrance de plein droit d'un certificat de résidence, prévues par les stipulations précitées de l'article 7 bis de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968. S'il affirme être l'ascendant direct " d'un enfant mineur né sur le territoire français ", il n'établit pas ni même n'allègue que cet enfant aurait la nationalité française. M. B... n'est donc pas fondé à soutenir qu'il avait droit à un certificat de résidence sur le fondement des stipulations précitées de l'articles 7 bis de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968.
10. En sixième lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ".
11. Il ressort des pièces du dossier que M. B... est entré en France en 2013, à l'âge de quarante-trois ans, et que, dépourvu de moyens d'existence, il y est hébergé à titre gratuit, avec sa femme et ses trois enfants, depuis le 2 octobre 2014, par l'association " Armée du salut ". Il ressort également des pièces du dossier que son épouse ne justifiait pas, à la date de l'arrêté contesté, d'un titre de séjour valide en France, et qu'elle avait fait l'objet le 23 juin 2014 d'un arrêté portant refus de séjour sur le territoire français. En outre, M. B... ne justifie pas être dépourvu de liens familiaux dans son pays d'origine, où résident ses parents. Enfin, il ne ressort pas des pièces du dossier que ses enfants, scolarisés en France et âgés respectivement de 9, 6 et 3 ans, seraient dans l'impossibilité de poursuivre leur scolarité dans leur pays d'origine. Dans ces conditions, les moyens tirés de la méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et de ce que l'arrêté litigieux serait entaché d'une erreur manifeste d'appréciation doivent être écartés.
12. En septième lieu, le requérant ne peut pas utilement se prévaloir des dispositions de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, qui ne s'appliquent pas aux ressortissants algériens, dont la situation est exclusivement régie par l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968. Toutefois, les stipulations de l'accord franco-algérien n'interdisent pas au préfet de délivrer un certificat de résidence à un ressortissant algérien qui ne remplit pas l'ensemble des conditions auxquelles est subordonnée sa délivrance de plein droit. Il appartient au préfet, dans l'exercice du pouvoir discrétionnaire dont il dispose sur ce point, d'apprécier, compte tenu de l'ensemble des éléments de la situation personnelle de l'intéressé, l'opportunité d'une mesure de régularisation.
13. En l'espèce, ainsi qu'il a été dit plus haut, le requérant ne pouvait se prévaloir que d'une présence en France inférieure à cinq années à la date de l'arrêté contesté. En outre, il ne fait état, ni d'une bonne intégration en France, ni d'une impossibilité de regagner son pays d'origine dans lequel il a vécu jusqu'à l'âge de quarante-trois ans, ne conteste pas être hébergé à titre gratuit depuis trois ans par une association et ne justifie pas de moyens d'existence sur le territoire français. Enfin, M. B... ne saurait utilement se prévaloir des orientations contenues dans la circulaire du ministre de l'intérieur n° NOR INTK1229185C du 28 novembre 2012 relative aux conditions d'examen des demandes d'admission au séjour déposées par des ressortissants étrangers en situation irrégulière, laquelle est dépourvue de valeur règlementaire. Les moyens tirés de ce qu'il appartenait au préfet de la Marne de procéder à sa régularisation à titre exceptionnel et de ce que l'exécution de l'arrêté attaqué emporterait, pour sa situation, des conséquences d'une exceptionnelle gravité doivent, dès lors, être écartés.
Sur l'obligation de quitter le territoire français :
14. Il résulte de ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à exciper, par la voie de l'exception, de l'illégalité de la décision refusant de lui accorder un certificat de résidence, à l'appui de ses conclusions dirigées contre la décision portant obligation de quitter le territoire français.
15. Il résulte de tout ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a rejeté sa demande tendant à d'annuler l'arrêté du préfet de la Marne du 20 octobre 2017. Ses conclusions tendant à ce qu'il soit enjoint au préfet de la Marne de lui délivrer un certificat de résidence dans le délai de quinze jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir doivent être rejetées, par voie de conséquence.
Sur les frais liés à l'instance :
16. Aux termes de l'article L. 761-1 du code de justice administrative : " Dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens, ou à défaut la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à cette condamnation ".
17. Ces dispositions font obstacle à ce que soit mis à la charge de l'Etat, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, le versement de la somme que le conseil de M. B... demande au titre des dispositions précitées de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de M. B... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. C... B... et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée au préfet de la Marne.
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N° 18NC02262