Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée sous le n° 20NC00399 le 14 février 2020, M. et Mme A..., représentés par Me E..., demandent à la cour :
1°) d'annuler le jugement du 12 septembre 2019 ;
2°) d'annuler les arrêtés du 29 mai 2019 pris à leur encontre par le préfet de Meurthe-et-Moselle ;
3°) d'enjoindre au préfet de Meurthe-et-Moselle de leur délivrer des titres de séjour avec autorisations de travailler, ou, à titre subsidiaire, de réexaminer leur situation administrative et de leur délivrer, pendant cet examen, des autorisations provisoires de séjour ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement à leur conseil de la somme de 1 500 euros en application des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Ils soutiennent que :
S'agissant de la régularité du jugement attaqué :
- les premiers juges n'ont pas répondu au moyen tiré du défaut d'examen particulier et approfondi de leur situation personnelle ;
- le jugement attaqué est insuffisamment motivé et rédigé de manière stéréotypée ;
S'agissant de la légalité des arrêtés contestés :
- ils sont insuffisamment motivés ;
- le préfet de Meurthe-et-Moselle n'a pas procédé à un examen personnalisé et circonstancié de leur situation personnelle et a pris une décision stéréotypée ;
- ils méconnaissent l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le préfet de pouvait légalement leur faire obligation de quitter le territoire français sur le fondement des dispositions du 6° du I de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile alors qu'il était saisi de demandes d'autorisations provisoires de séjour.
Par un mémoire en défense, enregistré le 26 août 2020, le préfet de Meurthe-et-Moselle conclut au rejet de la requête.
Il fait valoir que les moyens soulevés par les requérants ne sont pas fondés.
M. et Mme A... ont été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par deux décisions du bureau d'aide juridictionnelle du 14 janvier 2020.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 modifiée ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Le rapport de M. Goujon-Fischer, premier conseiller, a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. M. et Mme A..., ressortissants albanais, sont entrés sur le territoire français, selon leurs déclarations, au cours du mois d'avril 2018, accompagnés de leurs deux enfants mineurs. Leurs demandes d'asile ont été rejetées par deux décisions de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA) du 29 juin 2018, confirmées par la Cour nationale du droit d'asile (CNDA) par deux ordonnances du 31 janvier 2019. Par deux arrêtés du 29 mai 2019, le préfet de Meurthe-et-Moselle a obligé M. et Mme A... à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé leur pays de renvoi. M. et Mme A... font appel du jugement du 12 septembre 2019 par lequel le magistrat désigné par la présidente du tribunal administratif de Nancy a rejeté leurs demandes tendant à l'annulation de ces arrêtés.
Sur la régularité du jugement attaqué :
2. Il ressort des pièces du dossier que le magistrat désigné par la présidente du tribunal administratif de Nancy, qui n'était pas tenu de répondre à tous les arguments avancés par les parties, a répondu, avec une motivation suffisante, à l'ensemble des moyens soulevés par M. et Mme A.... Si les intéressés soutiennent que les premiers juges n'ont pas répondu au moyen tiré de ce que le préfet n'a procédé à aucune analyse personnalisée et circonstanciée de leur situation personnelle, il ressort de leurs écritures de première instance qu'ils n'avaient pas soulevé ce moyen, qui n'est pas d'ordre public. Dès lors, le moyen doit être écarté.
Sur le bien-fondé du jugement attaqué :
3. En premier lieu, les arrêtés du 29 mai 2019 en litige mentionnent les textes dont ils font application, notamment les dispositions du 6° du I de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, et précisent que les demandes d'asile des intéressés ont été rejetées par des décisions de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides du 29 juin 2018, confirmées par la Cour nationale du droit d'asile le 31 janvier 2019. Ils indiquent ainsi les considérations de droit et de fait qui leur servent de fondement et répondent dès lors à l'obligation de motivation. Il en ressort par ailleurs que le préfet a procédé à un examen particulier de la situation personnelle des intéressés. Par suite, les moyens tirés de l'insuffisante motivation des décisions attaquées et du défaut d'examen particulier doivent être écartés.
4. En deuxième lieu, aux termes du I de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étranger et du droit d'asile : " L'autorité administrative peut obliger à quitter le territoire français un étranger non ressortissant d'un Etat membre de l'Union européenne, d'un autre Etat partie à l'accord sur l'Espace économique européen ou de la Confédération suisse et qui n'est pas membre de la famille d'un tel ressortissant au sens des 4° et 5° de l'article L. 121-1, lorsqu'il se trouve dans l'un des cas suivants : (...) 6° Si la reconnaissance de la qualité de réfugié ou le bénéfice de la protection subsidiaire a été définitivement refusé à l'étranger ou si l'étranger ne bénéficie plus du droit de se maintenir sur le territoire français en application de l'article L. 743-2, à moins qu'il ne soit titulaire d'un titre de séjour en cours de validité (...) ".
5. Il ressort des pièces du dossier que, par un courrier du 28 février 2019, M. et Mme A..., ont sollicité la délivrance d'autorisations provisoires de séjour en faisant valoir l'état de santé d'un de leurs enfants. Le préfet de Meurthe-et-Moselle a rejeté cette demande par une décision expresse du 28 mai 2019 au motif qu'elle n'était pas accompagnée de certains documents nécessaires à son instruction. Dès lors, le moyen des requérants tiré de ce qu'ils ne pouvaient pas faire l'objet d'une obligation de quitter le territoire français sans que le préfet ait statué sur leur demande d'admission provisoire au séjour ne peut, en tout état de cause, qu'être écarté. En outre, si M. et Mme A... soutiennent que le préfet ne leur aurait pas laissé le temps nécessaire pour régulariser leur demande d'autorisations provisoires de séjour, ce moyen ne saurait être utilement invoqué à l'encontre des décisions les obligeant à quitter le territoire français, qui n'ont pas été prises sur le fondement du 3° du I de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, qui permet d'assortir un refus de titre de séjour d'une obligation de quitter le territoire français, mais uniquement sur le fondement du 6° du même I, au regard du rejet opposé par l'OFPRA et la CNDA à leur demande de reconnaissance de la qualité de réfugié. Il y lieu, par suite, d'écarter ces moyens.
6. Aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ".
7. Il ressort des pièces du dossier que les requérants sont entrés sur le territoire français accompagnés de leurs deux enfants mineurs en avril 2018, de sorte qu'ils n'étaient présents en France que depuis un an à la date à laquelle le préfet les a obligés de quitter le territoire. Ils ne démontrent pas être dépourvus d'attaches familiales en Albanie, où ils ont vécu respectivement jusqu'à l'âge de 46 et 39 ans. Ils ne justifient pas, par les pièces qu'ils produisent, que l'état de santé de leur enfant B... ne pourrait pas être pris en charge par un traitement approprié dans leur pays d'origine. Ainsi, rien ne s'oppose à ce que leur cellule familiale se reconstitue en Albanie. Dans ces conditions, le préfet de Meurthe-et-Moselle n'a pas porté au droit des intéressés au respect de leur vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels les décisions portant obligation de quitter le territoire français ont été prises. Dès lors, le moyen tiré de la méconnaissance de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit être écarté.
8. Il résulte de tout ce qui précède que M.et Mme A... ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné par la présidente du tribunal administratif de Nancy a rejeté leurs demandes tendant à l'annulation des arrêtés du 29 mai 2019 du préfet de Meurthe-et-Moselle. Dès lors, leurs conclusions à fin d'annulation, ainsi que, par voie de conséquence, leurs conclusions à fin d'application des dispositions combinées des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991, relative à l'aide juridique, ne peuvent qu'être rejetées.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de M. et Mme A... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. F... A..., à Mme D... A... née C... et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée au préfet de Meurthe-et-Moselle.
N° 20NC00399 2