1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Strasbourg du 24 juillet 2018 ;
2°) d'annuler l'arrêté du 21 septembre 2015 par lequel le préfet de la Moselle lui a refusé la délivrance d'un titre de séjour, l'a obligée à quitter le territoire et a fixé son pays de destination, ainsi que l'arrêté du 30 mai 2016 du préfet de la Moselle portant refus de titre de séjour ;
3°) d'enjoindre au préfet de la Moselle de réexaminer sa situation ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement à son conseil d'une somme de 2 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Elle soutient que :
S'agissant de l'arrêté du 21 septembre 2015 :
- son signataire ne bénéficiait pas d'une délégation régulière de signature ;
- le refus de séjour est entaché d'un défaut de motivation ;
- le préfet n'a pas procédé à un examen personnel de sa situation ;
- ce refus méconnaît le 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et l'article 3-1 de la convention relative aux droits de l'enfant et il est entaché d'erreur manifeste dans l'appréciation de sa situation personnelle ;
- l'obligation de quitter le territoire français est privée de base légale compte tenu de l'illégalité du refus de séjour ;
- elle est entachée d'erreur manifeste dans l'appréciation de sa situation personnelle ;
- la décision fixant le pays de destination est entachée d'un défaut de motivation ;
- le préfet a méconnu l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
S'agissant de la décision de refus de séjour du 30 mai 2016 :
- son signataire ne bénéficiait pas d'une délégation régulière de signature ;
- cette décision est entachée d'un défaut de motivation ;
- l'avis du collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration ne mentionne pas le nom du médecin qui a établi le rapport médical au vu duquel il a été émis ;
- le préfet a méconnu l'étendue de sa compétence et a commis une erreur de droit ainsi qu'une erreur manifeste d'appréciation.
Mme B... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par décision en date du 27 septembre 2018.
Par un mémoire en défense, enregistré le 29 mai 2020, le préfet de la Moselle conclut au rejet de la requête.
Il fait valoir que :
- l'autorité de chose jugée attachée au jugement du tribunal administratif de Strasbourg du 8 mars 2016 fait obstacle à ce que la requérante forme de nouvelles conclusions contre l'arrêté du 21 septembre 2015 ;
- les moyens de la requête ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- l'ordonnance n° 2020-305 du 25 mars 2020 ;
- l'arrêté du 27 décembre 2016 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Le rapport de M. Goujon-Fischer, premier conseiller, a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. Mme B..., ressortissante albanaise, est entrée en France, selon ses déclarations, le 12 mars 2015, en vue de solliciter l'asile. Sa demande d'asile a été rejetée par décision de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides du 20 août 2015, confirmée par la Cour nationale du droit d'asile le 5 février 2016. Par un arrêté du 21 septembre 2015, le préfet de la Moselle a refusé de l'admettre au séjour, l'a obligée à quitter le territoire français et a fixé son pays de destination. Le 29 février 2016, Mme B... a sollicité son admission au séjour en qualité d'étranger malade sur le fondement du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, eu égard à son état de santé et, par décision du 30 mai 2016 le préfet de la Moselle a rejeté cette demande. Mme B... relève appel du jugement du 24 juillet 2018 par lequel le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 21 septembre 2015 et de la décision du 30 mai 2016.
Sur les conclusions dirigées contre l'arrêté du 21 septembre 2015 :
2. Il ressort des pièces du dossier que le tribunal administratif de Strasbourg avait été saisi par Mme B... d'une première demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 21 septembre 2015 et qu'il l'avait déjà rejetée par jugement n° 1506298 du 8 mars 2016, devenu définitif, à la date à laquelle il a été saisi de la seconde demande dirigée contre le même arrêté. Or, les moyens dont Mme B... a assorti cette dernière procèdent des mêmes causes juridiques que celles dont elle s'était prévalue à l'appui de la première. Par suite, eu égard à l'autorité de chose jugée dont est revêtu le jugement du 8 mars 2016, et ainsi que le soutient le préfet de la Moselle en défense, Mme B... n'est pas fondée à se plaindre de ce que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté à nouveau ses conclusions tendant à l'annulation de l'arrêté du 21 septembre 2015.
Sur les conclusions dirigées contre la décision du 30 mai 2016 :
3. En premier lieu, il ressort des pièces du dossier que la décision du 30 mai 2016 est signée de Mme C... D..., chef du bureau de l'admission au séjour, à qui le préfet de la Moselle a donné délégation, par un arrêté du 1er février 2016, régulièrement publié au recueil spécial des actes administratifs de la préfecture de la Moselle du même jour, à l'effet de signer, notamment, les décisions portant sur les matières du bureau de l'admission au séjour, notamment les décisions portant refus de titre de séjour. Par suite, le moyen tiré de ce que l'arrêté attaqué a été pris par une autorité incompétente doit être écarté comme manquant en fait.
4. En deuxième lieu, cet arrêté comporte l'énoncé des considérations de droit et de fait qui en constitue le fondement et est dès lors suffisamment motivé.
5. En troisième lieu, aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans sa rédaction applicable aux faits de l'espèce : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit : (...) A l'étranger résidant habituellement en France dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité, sous réserve de l'absence d'un traitement approprié dans le pays dont il est originaire, sauf circonstance humanitaire exceptionnelle appréciée par l'autorité administrative après avis du directeur général de l'agence régionale de santé, sans que la condition prévue à l'article L. 311-7 soit exigée. La décision de délivrer la carte de séjour est prise par l'autorité administrative, après avis du médecin de l'agence régionale de santé de la région de résidence de l'intéressé, désigné par le directeur général de l'agence (...) ". Aux termes de l'article R. 313-22 du même code, dans sa rédaction alors en vigueur : " Pour l'application du 11° de l'article L. 313-11, le préfet délivre la carte de séjour temporaire au vu d'un avis émis par le médecin de l'agence régionale de santé compétente au regard du lieu de résidence de l'intéressé, désigné par le directeur général (...) ". Enfin, aux termes de l'article 13 de l'arrêté du 27 décembre 2016 : " Les dispositions du présent arrêté entrent en vigueur le 1er janvier 2017 pour les demandes enregistrées en préfecture à compter de cette date. L'arrêté du 9 novembre 2011 relatif aux conditions d'établissement et de transmission des avis rendus par les agences régionales de santé en application de l'article R. 313-22 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile en vue de la délivrance d'un titre de séjour pour raison de santé demeure applicable aux demandes enregistrées en préfecture avant le 1er janvier 2017 ".
6. Si Mme B... soutient que l'avis du collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration ne mentionne pas le nom du médecin qui aurait établi le rapport médical au vu duquel il a été émis, la procédure d'instruction des demandes de cartes de séjour présentées sur le fondement du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, prévue par les dispositions précitées, en vigueur à la date de l'arrêté du préfet de la Moselle du 30 mai 2016, ne comportait ni la consultation d'un collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, ni l'intervention d'un rapport médical préalable à l'expression de son avis par le médecin de l'agence régionale de santé. Le moyen de la requérante ne peut dès lors qu'être écarté comme inopérant.
7. En dernier lieu, il ne ressort pas des pièces du dossier que le préfet se serait estimé lié par les termes de l'avis exprimé le 24 mai 2016 par le médecin de l'agence régionale de santé. Par ailleurs, alors que dans cet avis, ce médecin a estimé que si l'état de santé de Mme B... nécessitait une prise en charge médicale, le défaut de cette prise en charge ne devrait pas entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité, la requérante n'apporte aucun élément de nature à remettre en cause sur ce point les termes de cet avis. Dans ces conditions, le moyen tiré de ce qu'elle n'aurait pas accès à un traitement approprié dans son pays d'origine, ce qu'elle ne démontre d'ailleurs pas, présente un caractère inopérant.
8. Il résulte ce qui précède que Mme B... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté ses conclusions dirigées contre le refus de séjour du 30 mai 2016.
Sur les conclusions à fin d'injonction et d'astreinte :
9. L'exécution du présent arrêt n'implique aucune mesure d'exécution. Par suite, il y a lieu de rejeter les conclusions à fin d'injonction présentées par Mme B....
Sur les frais liés à l'instance :
10. Aux termes de l'article L. 761-1 du code de justice administrative : " Dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens, ou à défaut la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à cette condamnation ".
11. Ces dispositions font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme que Mme B... demande au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de Mme B... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme E... B... et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée au préfet du Bas-Rhin.
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N° 18NC02879