Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée sous le n° 19NC03271 le 12 novembre 2019, Mme G..., représentée par Me A..., demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement du 17 juillet 2019 ;
2°) d'annuler l'arrêté du préfet de le Marne du 21 décembre 2018 ;
3°) d'enjoindre au préfet de le Marne de lui délivrer un titre de séjour à compter de la notification de la décision à intervenir, sous astreinte de 100 euros par jours de retard ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 2 500 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, à verser à son conseil en application de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique.
Elle soutient que :
- la requête est recevable ;
- le jugement ne comporte pas les mentions requises en application de l'article R. 741-2 du code de justice administrative, et il est insuffisamment motivé ;
- le signataire de l'arrêté contesté était incompétent ;
- l'arrêté contestés est insuffisamment motivé ;
- la décision portant obligation de quitter le territoire a été prise en méconnaissance du droit d'être entendu, garanti par l'article 41 de la charte des droits fondamentaux de l'Union Européenne ;
- l'arrêté méconnaît l'article 9 de l'accord franco-congolais et les dispositions de l'article L. 313-7 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et est entaché d'une erreur manifeste d'appréciation ;
- la décision portant obligation de quitter le territoire français est illégale, dès lors qu'elle disposait d'un récépissé valide à la date de l'arrêté contesté ;
- le préfet ne justifie pas avoir procédé à un examen approfondi de la situation de l'intéressée ;
- l'arrêté méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et les dispositions du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la décision fixant le pays de destination est illégale, dès lors que le préfet ne justifie pas de son admissibilité dans son pays d'origine ou dans un autre pays.
Mme F... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision en date du 19 septembre 2019.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la convention franco-congolaise du 31 juillet 1993 ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n°91-647 du 10 juillet 1991 modifiée ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Le rapport de Mme E..., présidente, a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. Mme F..., ressortissante congolaise (République du Congo), est entrée régulièrement en France le 12 septembre 2016, sous couvert d'un visa long séjour portant la mention " étudiant ". Elle a bénéficié de titres de séjour portant la mention " étudiant ", régulièrement renouvelés jusqu'au 11 septembre 2018. Le 12 septembre 2018, elle a sollicité le renouvellement de son titre de séjour. Par un arrêté du 21 décembre 2018, le préfet de la Marne a refusé de renouveler son titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel elle pourra être reconduite. Mme F... fait appel du jugement du 17 juillet 2019 par lequel le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.
Sur la régularité du jugement attaqué :
2. En premier lieu, aux termes de l'article R. 741-2 du code de justice administrative : " La décision mentionne que l'audience a été publique, sauf s'il a été fait application des dispositions de l'article L. 731-1. Dans ce dernier cas, il est mentionné que l'audience a eu lieu ou s'est poursuivie hors la présence du public. / Elle contient le nom des parties, l'analyse des conclusions et mémoires ainsi que les visas des dispositions législatives ou réglementaires dont elle fait application. / Mention y est faite que le rapporteur et le rapporteur public et, s'il y a lieu, les parties, leurs mandataires ou défenseurs ainsi que toute personne entendue sur décision du président en vertu du troisième alinéa de l'article R. 732-1 ont été entendus. / Lorsque, en application de l'article R. 732-1-1, le rapporteur public a été dispensé de prononcer des conclusions, mention en est faite. / Mention est également faite de la production d'une note en délibéré. / La décision fait apparaître la date de l'audience et la date à laquelle elle a été prononcée ".
3. Il résulte de la lecture du jugement attaqué qu'il comporte l'ensemble des mentions exigées par les dispositions précitées. Les premiers juges ont notamment procédé à l'analyse de l'unique moyen soulevé en première instance par Mme F..., tiré de la méconnaissance des dispositions de l'article L. 313-7 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par ailleurs, à supposer même que le tribunal administratif aurait dû faire application des dispositions de la convention franco-congolaise et qu'il les aurait méconnues, l'erreur ainsi alléguée se rapporte au bien-fondé du jugement attaqué et non à sa régularité. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions de l'article R. 741-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ne peut qu'être écarté.
4. En deuxième lieu, compte tenu des arguments développés par Mme F... et des pièces produites en première instance, le jugement attaqué a répondu d'une manière suffisante au moyen unique de l'intéressée tiré de la méconnaissance des dispositions de l'article L. 313-7 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par suite, la requérante n'est pas fondée à soutenir que le jugement attaqué est insuffisamment motivé.
Sur la légalité de l'arrêté pris dans son ensemble :
5. En premier lieu, Mme F... n'avait soulevé, en première instance, qu'un moyen tiré de l'illégalité interne de l'arrêté attaqué. Si elle soutient en appel que l'arrêté contesté est entaché d'une insuffisance de motivation et d'un défaut d'examen approfondi de sa situation personnelle, ces moyens reposent sur une cause juridique distincte et doivent ainsi être écartés comme irrecevables.
6. En deuxième lieu, le préfet de la Marne a, par un arrêté du 19 novembre 2018 régulièrement publié au recueil des actes administratifs de la préfecture le même jour, donné délégation à M. C... D..., sous-préfet de l'arrondissement de Reims, à l'effet de signer les décisions en matière de délivrance et de renouvellement des titres de séjour, titre d'identité républicain et document de circulation pour mineurs étrangers, à l'exception de certaines catégories d'actes au nombre desquelles ne figurent pas les décisions litigieuses. Par suite, le moyen tiré de ce que l'arrêté attaqué serait entaché d'incompétence doit être écarté comme manquant en fait.
7. En troisième lieu, les dispositions du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile relatives aux différents titres de séjour qui peuvent être délivrés aux étrangers en général et aux conditions de leur délivrance s'appliquent, ainsi que le rappelle l'article L. 111-2 du même code, " sous réserve des conventions internationales ". Aux termes de l'article 4 de la convention franco-congolaise du 31 juillet 1993 : " Pour un séjour de plus de trois mois, les ressortissants français à l'entrée sur le territoire congolais et les ressortissants congolais à l'entrée sur le territoire français doivent être munis d'un visa de long séjour et des justificatifs prévus aux articles 5 à 9 ci-après, en fonction de la nature de leur installation ". Aux termes de l'article 9 de cette convention : " Les ressortissants de chacun des Etats contractants désireux de poursuivre des études supérieures ou d'effectuer un stage de formation de niveau supérieur sur le territoire de l'autre Etat doivent, outre le visa de long séjour prévu à l'article 4, justifier d'une attestation d'inscription ou de préinscription dans l'établissement d'enseignement choisi, ou d'une attestation d'accueil de l'établissement où s'effectue le stage ainsi que, dans tous les cas, de moyens d'existence suffisants. Les intéressés reçoivent un titre de séjour temporaire portant la mention " étudiant ". (...) ". L'article 13 de cette même convention dispose que : " Les dispositions du présent accord ne font pas obstacle à l'application de la législation respective des deux Etats sur l'entrée et le séjour des étrangers sur tous les points non traités par l'accord ".
8. Il ressort des stipulations précitées de l'article 13 de la convention franco-congolaise que les dispositions du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ne sont applicables aux ressortissants congolais, que lorsqu'il n'existe pas de stipulations de la convention ayant le même objet. En l'espèce, les articles 4 et 9 de cette convention fixent les conditions dans lesquelles il est délivré un titre de séjour temporaire portant la mention " étudiant " aux ressortissants congolais désireux de suivre des études supérieures en France, et font ainsi obstacle à l'application des dispositions de l'article L. 313-7 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dont Mme F... ne peut donc pas utilement se prévaloir.
9. En quatrième lieu, il ressort des pièces du dossier, et il n'est au demeurant pas contesté que Mme F..., qui s'était inscrite en troisième année de licence informatique au titre de l'année scolaire 2016/2017, a abandonné ses études d'informatique dès le premier semestre. Il ressort également des pièces du dossier qu'après s'être inscrite en 2017/2018 en première année commune aux études de santé, aux fins de suivre des études de pharmacie, elle a été contrainte d'abandonner cette filière dès le second semestre, compte tenu de ses résultats insuffisants, le relevé de notes qu'elle a elle-même versé au dossier mentionnant qu'elle n'a pas obtenu de note supérieure à 4/20 à ses examens et qu'elle ne s'est pas présentée à plusieurs épreuves, sans justifier de ses absences. Si Mme F... s'est inscrite en première année de licence physique-chimie au titre du second semestre de l'année 2017/2018, il est constant qu'elle a redoublé. Si elle a été finalement admise à passer en deuxième année de licence physique-chimie à l'issue de la deuxième session de l'année universitaire 2018/2019, cette réussite, postérieure à la décision attaquée n'est pas de nature à pallier l'absence de résultats significatifs depuis le début de ses études supérieures.
10. Par ailleurs, si la requérante soutient que ses échecs répétés s'expliquent par l'obtention tardive de son visa, la séparation de ses parents en 2017 et des problèmes financiers, résultant notamment de retards dans le versement de sa bourse d'études, les pièces qu'elle produit à l'appui de ces allégations, notamment un extrait d'assignation par son bailleur en date du 13 novembre 2019, une attestation établie le 14 octobre 2019 par une assistante sociale, une lettre datée 12 août 2019 rédigée par sa mère, un plan d'épurement de dettes locatives du 9 juillet 2018 et une attestation rédigée par une personne qui l'aurait hébergée chez elle de décembre 2017 à novembre 2018, ne sont pas de nature à établir que ses échecs universitaires répétés n'auraient pas pour cause déterminante son manque de sérieux et d'assiduité dans ses études. Dès lors, en estimant que Mme F..., dépourvue de diplôme universitaire à l'âge de 26 ans, ne justifiait ni du caractère réel et sérieux de ses études, ni d'une progression significative de ses résultats, le préfet de la Marne n'a pas commis d'erreur de droit, ni inexactement apprécié la situation de l'intéressée au regard des dispositions de l'article 9 précité de la convention franco-congolaise du 31 juillet 1993.
11. En cinquième lieu, lorsqu'il est saisi d'une demande de délivrance d'un titre de séjour sur le fondement de l'une des dispositions du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, le préfet n'est pas tenu, en l'absence de dispositions expresses en ce sens, d'examiner d'office si l'intéressé peut prétendre à une autorisation de séjour sur un autre fondement, même s'il lui est toujours loisible de le faire à titre gracieux, notamment en vue de régulariser la situation de l'intéressé. Dès lors, Mme F..., qui n'a pas sollicité de titre de séjour sur le fondement des dispositions du 7° l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, n'est pas fondée à soutenir que le préfet de la Marne n'a pas examiné d'office son droit au séjour sur ce fondement et qu'il aurait méconnu ces dispositions.
12. En sixième lieu, le moyen tiré de ce que le préfet a méconnu l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme n'est pas assorti de précisions permettant d'en apprécier le bien-fondé et doit par suite être écarté.
En ce qui concerne la décision portant obligation de quitter le territoire français :
13. En premier lieu, devant le tribunal administratif, Mme F... n'avait soulevé qu'un moyen tiré de l'illégalité interne de l'arrêté attaqué. Si devant la cour, elle soutient que la décision portant obligation de quitter le territoire français méconnaîtrait son droit à être entendue préalablement à son édiction, ce moyen, qui repose sur une cause juridique distincte, est ainsi irrecevable et doit donc être écarté.
14. En second lieu, aux termes du I de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour : " L'autorité administrative peut obliger à quitter le territoire français un étranger non ressortissant d'un Etat membre de l'Union européenne, d'un autre Etat partie à l'accord sur l'Espace économique européen ou de la Confédération suisse et qui n'est pas membre de la famille d'un tel ressortissant au sens des 4° et 5° de l'article L. 121-1, lorsqu'il se trouve dans l'un des cas suivants : (...) / 3° Si la délivrance ou le renouvellement d'un titre de séjour a été refusé à l'étranger ou si le titre de séjour qui lui avait été délivré lui a été retiré (...) ".
15. Si Mme F... soutient que la possession d'un récépissé de dépôt d'une demande de titre de séjour faisait obstacle à ce qu'une mesure d'éloignement soit prise à son encontre, le préfet était fondé à l'obliger à quitter le territoire français sur le fondement du 3 du I de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, même avant la fin du délai de validité de son récépissé, dès lors que le renouvellement du titre de séjour sollicité par l'intéressée lui avait été refusé.
En ce qui concerne la décision fixant le pays de destination :
16. Aux termes de l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droits d'asile : " L'étranger qui fait l'objet d'une mesure d'éloignement est éloigné : 1° A destination du pays dont il a la nationalité, sauf si l'Office français de protection des réfugiés et apatrides ou la Cour nationale du droit d'asile lui a reconnu le statut de réfugié ou lui a accordé le bénéfice de la protection subsidiaire ou s'il n'a pas encore été statué sur sa demande d'asile ; 2° Ou, en application d'un accord ou arrangement de réadmission communautaire ou bilatéral, à destination du pays qui lui a délivré un document de voyage en cours de validité ; 3° Ou, avec son accord, à destination d'un autre pays dans lequel il est légalement admissible. / Un étranger ne peut être éloigné à destination d'un pays s'il établit que sa vie ou sa liberté y sont menacées ou qu'il y est exposé à des traitements contraires aux stipulations de l'article 3 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950 ".
17. Il est constant que Mme F... a la nationalité congolaise. Dès lors, le préfet de la Marne pouvait légalement, en application du 1° de l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, décider son éloignement à destination de la République du Congo, sans que l'intéressée puisse utilement se prévaloir de la circonstance qu'elle n'y serait pas admissible, ce qu'au demeurant elle n'établit pas.
18. Il résulte de tout ce qui précède, sans qu'il soit besoin de statuer sur la fin de non-recevoir soulevée en première instance, que Mme F... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du préfet de la Marne du 21 décembre 2018. Par suite, ses conclusions à fin d'injonction et d'astreinte, ainsi que celles tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent qu'être rejetées.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de Mme G... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme G... et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée au préfet de la Marne
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N° 19NC03271