Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée sous le n° 19NC03657 le 19 décembre 2019, M. E... A..., représenté par Me D..., demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement du 19 novembre 2019 ;
2°) d'annuler la décision du préfet de l'Aube du 24 mai 2019 ;
3°) d'enjoindre au préfet de l'Aube de lui accorder le bénéfice du regroupement familial en faveur de son épouse dans un délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 2 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, à verser à son conseil en application de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique.
Il soutient que :
- la décision méconnaît les dispositions de l'article L. 411-5 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- il méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
Par un mémoire en défense enregistré le 20 juillet 2020, le préfet de l'Aube conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens soulevés par le requérant ne sont pas fondés.
M. A... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle partielle au taux de 25 % par une décision du 7 avril 2020.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n°91-647 du 10 juillet 1991 modifiée ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience
Le rapport de Mme F..., présidente, a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. M. E... A..., ressortissant marocain, titulaire d'une carte de résident valable du 24 juillet 2010 au 23 juillet 2020, a présenté, le 16 août 2018, une demande de regroupement familial au bénéfice de son épouse. Par une décision du 24 mai 2019, le préfet de l'Aube a rejeté sa demande. M. A... relève appel du jugement du 19 novembre 2019 par lequel le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cette décision.
2. En premier lieu, aux termes de l'article L. 411-5 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Le regroupement familial ne peut être refusé que pour l'un des motifs suivants : / 1° Le demandeur ne justifie pas de ressources stables et suffisantes pour subvenir aux besoins de sa famille. Sont prises en compte toutes les ressources du demandeur et de son conjoint indépendamment des prestations familiales, de l'allocation équivalent retraite et des allocations prévues à l'article L. 262-1 du code de l'action sociale et des familles, à l'article L. 815-1 du code de la sécurité sociale et aux articles L. 5423-1 et L. 5423-2 du code du travail. Les ressources doivent atteindre un montant qui tient compte de la taille de la famille du demandeur. Le décret en Conseil d'Etat prévu à l'article L. 441-1 fixe ce montant qui doit être au moins égal au salaire minimum de croissance mensuel et au plus égal à ce salaire majoré d'un cinquième. (...) ". Aux termes également de l'article R. 411-4 du même code : " Pour l'application du 1° de l'article L. 411-5, les ressources du demandeur et de son conjoint qui alimenteront de façon stable le budget de la famille sont appréciées sur une période de douze mois par référence à la moyenne mensuelle du salaire minimum de croissance au cours de cette période. Ces ressources sont considérées comme suffisantes lorsqu'elles atteignent un montant équivalent à : / - cette moyenne pour une famille de deux ou trois personnes ; ".
3. Si M. A... soutient que la moyenne mensuelle de ses ressources, calculée sur la période de douze mois précédant sa demande, s'élevait à une somme inférieure de seulement 18,51 euros à la moyenne du montant mensuel net du salaire minimum de croissance, il ressort des pièces du dossier que ses revenus étaient essentiellement issus des allocations d'aide au retour à l'emploi pour cette période, lesquelles ne présentent par principe aucune garantie de stabilité. Par ailleurs, si l'intéressé se prévaut d'un " contrat à durée indéterminée de chantier " qu'il avait conclu avec la société SARL LG, le 1er avril 2019, il ressort des pièces du dossier que ce contrat avait vocation à prendre fin au terme de l'opération de construction et prévoyait une durée prévisionnelle de deux mois. Enfin, M. A... ne saurait utilement se prévaloir de l'évolution favorable de ses ressources au cours d'une brève période de juin à octobre 2019, postérieure à la décision attaquée. Dans ces conditions, en estimant que M. A... ne justifiait pas de ressources stables durant la période considérée, le préfet de l'Aube n'a pas méconnu les dispositions précitées.
4. En deuxième lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1 - Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance - 2° Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, où à la protection des droits et libertés d'autrui ".
5. M. A... soutient qu'il bénéficie d'une carte de résident valable du 24 juillet 2010 au 23 juillet 2020, que plusieurs membres de sa famille, dont son enfant mineur né d'un mariage antérieur, résident en France, et qu'il vit séparé de son épouse, Mme B..., également ressortissante marocaine, depuis leur mariage célébré en septembre 2014. Toutefois, il ne ressort pas des pièces du dossier que M. A... aurait, antérieurement à la date de la décision contestée, entretenu des relations suivies avec son épouse, notamment par le biais de moyens de communication à distance. En outre, s'il fait valoir qu'il se serait rendu plusieurs fois au Maroc pour rendre visite à son épouse, il ne l'établit pas par les pièces qu'il produit. Dans ces conditions, il ne justifie pas de l'intensité des liens familiaux qu'il allègue entretenir avec son épouse, avec laquelle il n'a d'ailleurs jamais vécu. Par suite, M. A... n'est pas fondé à soutenir que le préfet de l'Aube aurait méconnu les stipulations précitées de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
6. Il résulte de tout ce qui précède que M. A... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision du 24 mai 2019 par laquelle le préfet de l'Aube lui a refusé le bénéfice du regroupement familial. Par suite, ses conclusions à fin d'injonction et d'astreinte, ainsi que celles tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent qu'être rejetées.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de M. E... A... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. E... A... et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée au préfet de l'Aube.
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N° 19NC03657