Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée sous le n°20NC00021 le 6 janvier 2020, M. F... C..., représenté par Me B..., demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Nancy du 4 décembre 2019 ;
2°) d'annuler, pour excès de pouvoir, les arrêtés du préfet de Meurthe-et-Moselle du 26 novembre 2019 ;
3°) d'enjoindre au préfet de Meurthe-et-Moselle de réétudier sa situation et de lui délivrer un titre de séjour, dans un délai de quinze jours à compter de l'arrêt à intervenir, et sous astreinte de 30 euros par jour de retard, en application des dispositions de l'article L. 911-2 et L. 911-3 du code de justice administrative ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros à verser à Me B... sur le fondement des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Il soutient que :
S'agissant de l'obligation de quitter le territoire français :
- elle méconnaît l'article 6-5 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 et l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
S'agissant de la décision fixant le pays de destination :
- elle est illégale du fait de l'illégalité de l'obligation de quitter le territoire ;
S'agissant de la décision portant interdiction de retour sur le territoire français :
- elle est insuffisamment motivée, dès lors notamment que la motivation retenue ne respecte pas les quatre critères visés par le huitième alinéa du III de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- il n'a pas fait l'objet d'une précédente mesure d'éloignement, et ne constitue pas une menace pour l'ordre public ;
S'agissant de la décision portant assignation à résidence :
- elle est illégale du fait de l'illégalité de l'obligation de quitter le territoire ;
- elle est entachée d'une erreur de droit : il ne ressort pas des dispositions de l'article L. 561-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile que le législateur ait entendu porter automatiquement à 45 jours la durée de toute décision d'assignation à résidence ; le préfet s'est cru lié par le délai de 45 jours prévu à l'article précité.
Par un mémoire en défense, enregistré le 29 juillet 2020, le préfet de Meurthe-et-Moselle conclut au rejet de la requête.
Il fait valoir que les moyens soulevés par le requérant ne sont pas fondés.
Par ordonnance du 16 juillet 2020, la clôture d'instruction a été fixée au 13 août 2020.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 relatif à la circulation, à l'emploi et au séjour en France des ressortissants algériens et de leurs familles et ses avenants ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Le rapport de M. Favret, premier conseiller, a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. M. F... C..., ressortissant algérien, né le 19 mars 1984, est entré en France à la fin de l'année 2015, selon ses déclarations. Il n'a jamais sollicité la délivrance d'un titre de séjour depuis son entrée sur le territoire français. Le 26 novembre 2019, le préfet de Meurthe-et-Moselle a pris à son encontre, d'une part, en application de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, un arrêté l'obligeant à quitter le territoire français sans délai, fixant le pays de destination et portant interdiction de retour sur le territoire français pour une durée de seize mois et, d'autre part, en application de l'article L. 561-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, un arrêté l'assignant à résidence dans la ville de Nancy pour une durée de quarante-cinq jours. M. C... fait appel du jugement du 4 décembre 2019 par lequel le tribunal administratif de Nancy a rejeté sa demande d'annulation de ces deux arrêtés.
Sur la légalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français :
2. Aux termes de l'article 6 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 modifié : " Le certificat de résidence d'un an portant la mention "vie privée et familiale" est délivré de plein droit : (...) 5) au ressortissant algérien, qui n'entre pas dans les catégories précédentes ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, dont les liens personnels et familiaux en France sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus (...) ".
3. M. C... ne saurait utilement se prévaloir à l'encontre de la décision l'obligeant à quitter le territoire national de la méconnaissance des stipulations du 5° de l'article 6 de l'accord franco-algérien précité, dès lors que ces stipulations ne régissent que la délivrance d'un titre de séjour.
4. Aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ".
5. M. C... déclare être entré en France à la fin de l'année 2015, à l'âge de 31 ans. Il ne résidait ainsi sur le territoire français que depuis quatre ans, à la date de l'arrêté préfectoral contesté. En outre, il ne ressort pas des pièces du dossier qu'il serait dépourvu de toute attache familiale dans son pays d'origine, où il a vécu jusqu'à son arrivée récente en France et où réside encore sa mère. Si M. C... soutient qu'il entretient depuis le mois de juillet 2017 une relation sérieuse avec une ressortissante française, Mme E... A..., avec laquelle il aurait un projet de mariage, il ne justifie pas, par les pièces qu'il produit, et alors qu'il déclarait encore aux services de police, dans un procès-verbal du 26 novembre 2019, qu'il était " célibataire sans enfant à charge ", du caractère sérieux et de la stabilité de la relation de couple dont il se prévaut, laquelle est en tout état de cause récente. Dans ces conditions, alors que l'intéressé n'a jamais sollicité la délivrance d'un titre de séjour depuis son entrée sur le territoire français, et nonobstant la circonstance que son frère, sa soeur et ses neveux et nièces résident régulièrement en France, M. C..., célibataire et sans enfant, n'est pas fondé à soutenir que la décision contesté les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
Sur la légalité de la décision fixant le pays d'éloignement :
6. Il résulte de ce qui précède que M. C... n'est pas fondé à soulever, par la voie de l'exception, l'illégalité de la décision l'obligeant à quitter le territoire français, à l'appui de ses conclusions dirigées contre la décision fixant le pays d'éloignement.
Sur la légalité de la décision portant interdiction de retour sur le territoire français :
7. Aux termes des dispositions du III de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans sa rédaction alors en vigueur : " L'autorité administrative, par une décision motivée, assortit l'obligation de quitter le territoire français d'une interdiction de retour sur le territoire français, d'une durée maximale de trois ans à compter de sa notification, lorsque aucun délai de départ volontaire n'a été accordé à l'étranger ou lorsque l'étranger n'a pas satisfait à cette obligation dans le délai imparti. (...) La durée de l'interdiction de retour mentionnée au premier alinéa du présent III ainsi que le prononcé et la durée de l'interdiction de retour mentionnée au quatrième alinéa sont décidés par l'autorité administrative en tenant compte de la durée de présence de l'étranger sur le territoire français, de la nature et de l'ancienneté de ses liens avec la France, de la circonstance qu'il a déjà fait l'objet ou non d'une mesure d'éloignement et de la menace pour l'ordre public que représente sa présence sur le territoire français (...) ".
8. Il ressort des termes mêmes de ces dispositions que l'autorité compétente doit, pour décider de prononcer à l'encontre de l'étranger soumis à l'obligation de quitter le territoire français une interdiction de retour et en fixer la durée, tenir compte, dans le respect des principes constitutionnels, des principes généraux du droit et des règles résultant des engagements internationaux de la France, des quatre critères qu'elles énumèrent, sans pouvoir se limiter à ne prendre en compte que l'un ou plusieurs d'entre eux.
9. Il incombe ainsi à l'autorité compétente qui prend une décision d'interdiction de retour d'indiquer dans quel cas susceptible de justifier une telle mesure se trouve l'étranger. Elle doit par ailleurs faire état des éléments de la situation de l'intéressé au vu desquels elle a arrêté, dans son principe et dans sa durée, sa décision, eu égard notamment à la durée de la présence de l'étranger sur le territoire français, à la nature et à l'ancienneté de ses liens avec la France et, le cas échéant, aux précédentes mesures d'éloignement dont il a fait l'objet. Elle doit aussi, si elle estime que figure au nombre des motifs qui justifie sa décision une menace pour l'ordre public, indiquer les raisons pour lesquelles la présence de l'intéressé sur le territoire français doit, selon elle, être regardée comme une telle menace. En revanche, si, après prise en compte de ce critère, elle ne retient pas cette circonstance au nombre des motifs de sa décision, elle n'est pas tenue, à peine d'irrégularité, de le préciser expressément.
10. Il ressort des pièces du dossier que pour prononcer à l'encontre de l'intéressé une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée de seize mois, le préfet a pris en compte, dans le cadre du pouvoir d'appréciation qu'il exerce à cet égard, les quatre critères énoncés par les dispositions du III de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, pour retenir en particulier la durée de présence de de M. C... sur le territoire français, ainsi que la nature et l'ancienneté de ses liens avec la France. En l'absence, notamment, de remise de son passeport original et tamponné, M. C... ne peut justifier de l'ancienneté de son séjour en France. En outre, compte tenu de ce qui a été dit au point 5 du présent arrêt, l'intéressé ne peut se prévaloir de liens stables, intenses et anciens avec la France. Il remplissait ainsi deux des critères énoncés au III de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile précité. Dès lors, et alors même qu'il n'avait pas fait l'objet de précédentes mesures d'éloignement et qu'il ne semblait pas représenter un menace pour l'ordre public, M. C... n'est pas fondé à soutenir que la décision contestée, qui comporte l'indication des motifs de droit et de fait sur lesquels le préfet s'est fondé, est insuffisamment motivée, dès lors notamment que la motivation retenue ne respecterait pas les quatre critères visés par le huitième alinéa du III de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
Sur la légalité de la décision portant assignation à résidence :
11. En premier lieu, Il résulte de ce qui précède que M. C... n'est pas fondé à soulever, par la voie de l'exception, l'illégalité de la décision l'obligeant à quitter le territoire français, à l'appui de ses conclusions dirigées contre la décision l'assignant à résidence.
12. En second lieu, aux termes du I de l'article L. 561-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile: " L'autorité administrative peut prendre une décision d'assignation à résidence à l'égard de l'étranger qui ne peut quitter immédiatement le territoire français mais dont l'éloignement demeure une perspective raisonnable, lorsque cet étranger : (...) 5° Fait l'objet d'une obligation de quitter le territoire français prise moins d'un an auparavant et pour laquelle le délai pour quitter le territoire est expiré ou n'a pas été accordé (...). Les huit derniers alinéas de l'article L. 561-1 sont applicables, sous réserve que la durée maximale de l'assignation ne puisse excéder une durée de quarante-cinq jours, renouvelable une fois pour les cas relevant des 1° et 2° à 7° du présent I, ou trois fois pour les cas relevant du 1° bis (...) ".
13. Il est constant que M. C... a fait l'objet d'une obligation de quitter le territoire français prise moins d'un an avant l'adoption de la décision contestée l'assignant à résidence et pour laquelle le délai pour quitter le territoire n'a pas été accordé. En outre, il ressort des pièces du dossier que l'intéressé a été interpellé le 26 novembre 2019 par les services de police de Nancy et placé en garde à vue, pour une implication éventuelle dans une affaire de vol par effraction avec violences. Dès lors, compte tenu par ailleurs de la situation personnelle de l'intéressé telle qu'elle a été décrite plus haut et du fait que M. C... ne s'est pas engagé à quitter le territoire national, le préfet, qui ne s'est pas cru lié par le délai de 45 jours prévu à l'article précité, n'a pas entaché la décision contestée d'une erreur de droit, en fixant à 45 jours la durée de l'assignation à résidence de l'intéressé.
14. Il résulte de tout ce qui précède que M. C... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nancy a rejeté sa demande tendant à annuler les arrêtés du préfet de Meurthe-et-Moselle du 26 novembre 2019. Ses conclusions tendant à ce qu'il soit enjoint au préfet de Meurthe-et-Moselle de réétudier sa situation et de lui délivrer un titre de séjour, dans un délai de quinze jours à compter de l'arrêt à intervenir, et sous astreinte de 30 euros par jour de retard, en application des dispositions de l'article L. 911-2 et L. 911-3 du code de justice administrative doivent être rejetées, par voie de conséquence.
Sur les frais liés à l'instance :
15. Aux termes de l'article L. 761-1 du code de justice administrative : " Dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens, ou à défaut la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à cette condamnation ".
16. Ces dispositions font obstacle à ce que soit mis à la charge de l'Etat, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, le versement de la somme que le conseil de M. C... demande au titre des dispositions précitées de l'article L. 761-1 du code de justice administrative
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de M. F... C... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. F... C... et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée au préfet de Meurthe-et-Moselle.
2
N° 20NC00021