Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée sous le n° 19NC03762 le 27 décembre 2019, Mme A... représentée par Me B... demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Strasbourg du 23 août 2019 ;
2°) d'annuler l'arrêté du 18 mars 2019 par lequel le préfet de la Moselle a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligée à quitter le territoire dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination ;
3°) d'enjoindre au préfet de la Moselle de lui délivrer un titre de séjour, subsidiairement, de réexaminer sa situation dans un délai déterminé, au besoin sous astreinte ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement à son conseil d'une somme de 1 500 euros au titre des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique.
Elle soutient que :
S'agissant du refus de titre de séjour :
- le préfet ne l'a pas mise à même de produire les éléments de nature à justifier de sa présence habituelle en France pendant la durée de validité de son visa uniforme, en méconnaissance de l'article L. 114-5 du code des relations entre le public et l'administration ;
- le préfet n'a pas procédé à un examen particulier de sa situation ;
- le préfet a méconnu l'article L. 211-2-1 et le 4° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
S'agissant de l'obligation de quitter le territoire français :
- l'arrêté porte une atteinte disproportionnée à son droit au respect de sa vie privée et familiale.
Par un mémoire en défense, enregistré le 26 octobre 2020, le préfet de la Moselle conclut au rejet de la requête.
Il fait valoir que les moyens soulevés par la requérante ne sont pas fondés.
Mme A... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par décision en date du 17 décembre 2019.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Le rapport de M. Goujon-Fischer, premier conseiller, a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. Mme A..., ressortissante marocaine, s'est vu délivrer par les autorités italiennes un visa de court séjour à entrées multiples, valable du 14 juillet au 11 septembre 2017, sous couvert duquel elle est entrée en Italie le 18 juillet 2017. Elle est entrée en France, selon ses déclarations, le 26 juillet 2017. Le 22 juin 2018, elle a sollicité du préfet de la Moselle la délivrance d'une carte de séjour temporaire sur le fondement du 4° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, au regard de son mariage, le 18 septembre 2017, avec M. A..., ressortissant français. Par un arrêté du 18 mars 2019, le préfet de la Moselle a rejeté sa demande, l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination de son éloignement. Mme A... relève appel du jugement du 23 août 2019 par lequel le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.
Sur la légalité de l'arrêté 18 mars 2019 :
2. En premier lieu, si l'article L. 114-5 du code des relations entre le public et l'administration impose à l'administration, à peine d'illégalité de sa décision, lorsque la demande est incomplète, d'indiquer au demandeur, dans l'accusé de réception, les pièces manquantes dont la production est requise pour l'instruction de sa demande, il ressort des pièces du dossier que, pour rejeter la demande d'admission au séjour de Mme A..., le préfet de la Moselle ne s'est pas fondé sur l'absence de documents ou de justificatifs nécessaires à l'instruction du dossier de l'intéressée, mais sur la circonstance, notamment, que celle-ci ne justifiait pas, compte tenu de la date d'expiration du visa qui lui avait été délivré par les autorités italiennes, de son entrée régulière sur le territoire français. Dès lors, le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions de l'article L. 114-5 du code des relations entre le public et l'administration doit être écarté comme inopérant.
3. En deuxième lieu, il ne ressort pas de l'arrêté attaqué que le préfet aurait rejeté la demande de la requérante sans avoir procédé préalablement à l'examen particulier de sa situation.
4. Aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit : (...) / 4° A l'étranger ne vivant pas en état de polygamie, marié avec un ressortissant de nationalité française, à condition que la communauté de vie n'ait pas cessé depuis le mariage, que le conjoint ait conservé la nationalité française et, lorsque le mariage a été célébré à l'étranger, qu'il ait été transcrit préalablement sur les registres de l'état civil français (...) ". Aux termes de l'article L. 311-1 du même code : " Sous réserve des engagements internationaux de la France ou de l'article L. 121-1, tout étranger âgé de plus de dix-huit ans qui souhaite séjourner en France pour une durée supérieure à trois mois doit être titulaire de l'un des documents de séjour suivants : 1° Un visa de long séjour, d'une durée maximale d'un an (...) ". Le 6ème alinéa de l'article L. 211-2-1 du même code prévoit que : " Lorsque la demande de visa de long séjour émane d'un étranger entré régulièrement en France, marié en France avec un ressortissant de nationalité française et que le demandeur séjourne en France depuis plus de six mois avec son conjoint, la demande de visa de long séjour est présentée à l'autorité administrative compétente pour la délivrance d'un titre de séjour. ".
5. Il résulte de la combinaison de ces dispositions que la production d'un visa de long séjour, délivré, le cas échéant, selon les modalités fixées au sixième alinéa de l'article L. 211-2-1 du code et du séjour des étrangers et du droit d'asile, est au nombre des conditions auxquelles est subordonnée la délivrance d'une carte de séjour temporaire sur le fondement du 4° de l'article L. 313-11 du même code. Dès lors, le préfet peut refuser une telle carte de séjour en se fondant sur le défaut de production par l'étranger d'un visa de long séjour.
6. D'une part, si Mme A..., qui bénéficiait d'un visa délivré par les autorités italiennes, valable du 14 juillet au 11 septembre 2017, soutient être entrée en France le 26 juillet 2017, elle n'en justifie pas par les pièces qu'elle a produit à l'appui de sa demande devant le tribunal administratif de Strasbourg et de sa requête d'appel. Par suite, le préfet de la Moselle, qui, à défaut d'entrée régulière de l'intéressée sur le territoire français, n'était pas compétent en vertu de l'article L. 211-2-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile pour délivrer un visa de long séjour, était tenu de refuser la délivrance d'un tel visa.
7. D'autre part, il résulte de ce qui a été dit au point 5 que le préfet de la Moselle a pu légalement se fonder sur la circonstance que Mme A... n'était pas titulaire d'un visa de long séjour pour lui refuser la délivrance d'une carte de séjour temporaire sur le fondement du 4° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
8. En dernier lieu, il appartient à Mme A..., entrée en France en 2017 et mariée depuis le 18 septembre 2017 à un ressortissant français, de solliciter la délivrance d'un visa de long séjour auprès des autorités consulaires au Maroc. Dans les circonstances de l'espèce, eu égard notamment au fait que la requérante est sans enfant et à la durée nécessaire à l'instruction de cette demande de visa, il ne ressort pas des pièces du dossier que la décision l'obligeant à quitter le territoire français porterait à son droit au respect de sa vie privée ou familiale une atteinte disproportionnée au regard des buts en vue desquels elle a été prise.
9. Il résulte de tout ce qui précède que Mme A... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande.
Sur les conclusions à fin d'injonction et d'astreinte :
10. L'exécution du présent arrêt n'implique aucune mesure d'exécution. Par suite, il y a lieu de rejeter les conclusions à fin d'injonction présentées par Mme A....
Sur les frais liés à l'instance :
11. Aux termes de l'article L. 761-1 du code de justice administrative : " Dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens, ou à défaut la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à cette condamnation ".
12. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de l'Etat, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, le versement de la somme que Mme A... demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de Mme A... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme C... A..., née E... et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée au préfet de la Moselle.
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N° 19NC03762