Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée le 20 février 2018, la société SCCV PS Construction de Thann, représentée par MeA..., demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Strasbourg du 21 décembre 2017 ;
2°) d'annuler l'arrêté du maire de Thann du 30 juillet 2015 ;
3°) de mettre à la charge de la ville de Thann le versement de la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
La société SCCV PS Construction de Thann soutient que l'arrêté du 30 juillet 2015 rejetant sa demande de permis de construire et la décision du 17 mars 2015 par laquelle le maire de Thann avait refusé d'accuser réception de sa demande de permis de construire ont un objet distinct. Par suite, l'arrêté du 30 juillet 2015, qui n'est pas purement confirmatif de la décision du 17 mars 2015, lui faisait grief. C'est donc à tort que le tribunal administratif a rejeté sa demande comme irrecevable.
Par un mémoire en défense, enregistré le 4 septembre 2018, la commune de Thann, représentée par MeC..., conclut au rejet de la requête et à ce qu'une somme de 5 000 euros soit mise à la charge de la SCCV PS Construction de Thann sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
La commune de Thann soutient que :
- la décision du 17 mars 2015 et l'arrêté du 30 juillet 2015 refusaient tous deux à la société requérante le permis de construire qu'elle avait sollicité ; ces deux décisions ayant un objet identique et en l'absence, entre ces deux décisions, de tout changement dans les circonstances de droit ou de fait, l'arrêté du 30 juillet 2015 était purement confirmatif de la décision du 17 mars 2015 ;
- la société SCCV PS Construction de Thann n'avait pas qualité pour déposer la demande de permis de construire dès lors que l'autorisation de déposer un permis de construire sur le terrain appartenant à la commune qui lui avait été accordée par la délibération du 14 mars 2014 était devenue caduque.
Par ordonnance du 26 juillet 2018, la clôture d'instruction a été fixée au 10 septembre 2018.
Un mémoire présenté pour la SCCV PS Construction de Thann a été enregistré le 29 janvier 2019.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de l'urbanisme ;
- la loi n° 2000-321 du 12 avril 2000 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Laubriat, premier conseiller,
- les conclusions de M. Favret, rapporteur public,
- et les observations de MeA..., représentant la SCCV PS Construction de Thann, ainsi que celles de MeC..., représentant la commune de Thann.
Considérant ce qui suit :
1. Par une délibération du 14 mars 2014, le conseil municipal de la ville de Thann a autorisé la société civile de construction Pôle santé de Thann (SCCV PS Construction de Thann) à déposer un permis de construire un pôle santé sur un terrain appartenant à la ville, cadastré section 37, parcelles 34, 127, 130, 188, 190, 196, 197 et 228. Par cette même délibération, la ville s'engageait à céder à la SCCV PS la surface correspondant à l'emprise des futurs bâtiments au prix de 50 euros le m² soit un prix de vente d'environ 100 000 euros pour 2 000 m² d'emprise. La SCCV PS Construction de Thann a déposé une demande de permis de construire le 11 mars 2015. Par un arrêté du 30 juillet 2015, le maire de Thann a refusé le permis de construire sollicité. La SCCV PS Construction de Thann fait appel du jugement du 21 décembre 2017 par lequel le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande comme irrecevable.
Sur la régularité du jugement :
2. Pour rejeter la demande présentée par la SCCV PS Construction de Thann comme irrecevable, les premiers juges ont considéré que l'arrêté contesté du 30 juillet 2015 ne faisait pas grief dès lors qu'il était purement confirmatif d'une précédente décision du 17 mars 2015.
3. Il ressort des pièces du dossier que par une décision du 17 mars 2015, le maire de Thann a refusé d'instruire la demande de permis de construire déposée par la SCCV PS Construction de Thann, le dossier de demande étant, selon le maire, incomplet. A supposer même que l'arrêté du 30 juillet 2015, par lequel le maire de Thann a rejeté la demande de permis de construire présentée par la SCCV PS Construction de Thann, soit purement confirmatif de la décision du 17 mars 2015, par laquelle cette même autorité a refusé d'instruire le permis de construire, cette dernière décision, qui ne mentionne pas les voies et délais de recours, n'est pas, en tout état de cause, devenue définitive. C'est donc à tort que le tribunal administratif a rejeté comme irrecevable la demande présentée par la SCCV PS Construction de Thann. Ainsi, le jugement attaqué est irrégulier et doit par suite être annulé.
4. Il y a lieu d'évoquer et de statuer immédiatement sur la demande présentée par la SCCV PS Construction de Thann devant le tribunal administratif de Strasbourg.
Sur la légalité de l'arrêté du 30 juillet 2015 :
5. Pour refuser par son arrêté du 30 juillet 2015 le permis de construire sollicité, le maire de Thann s'est fondé sur deux motifs. Il a d'abord considéré que la société pétitionnaire n'avait pas qualité pour déposer une demande d'autorisation de construire. Il a, par ailleurs, indiqué que le projet situé en zone UBb du plan d'occupation des sols ne respectait pas les dispositions de l'article UB12 relatives aux normes de stationnement.
En ce qui concerne la légalité externe :
6. Aux termes de l'article 24 de la loi du 12 avril 2000 alors applicable : " Exception faite des cas où il est statué sur une demande, les décisions individuelles qui doivent être motivées en application des articles 1er et 2 de la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979 relative à la motivation des actes administratifs et à l'amélioration des relations entre l'administration et le public n'interviennent qu'après que la personne intéressée a été mise à même de présenter des observations écrites et, le cas échéant, sur sa demande, des observations orales. Cette personne peut se faire assister par un conseil ou représenter par un mandataire de son choix. (...) ".
7. A l'appui de son moyen tiré de la méconnaissance des dispositions précitées de l'article 24 de la loi du 12 avril 2000, la société SCCV PS Construction de Thann fait valoir que dès lors que l'arrêté du 30 juillet 2015 procédait au retrait d'un permis tacite né le 12 juin 2015, le maire de Thann ne pouvait procéder à ce retrait sans la mettre préalablement à même de présenter ses observations.
8. Aux termes de l'article R. 423-19 du code de l'urbanisme : " Le délai d'instruction court à compter de la réception en mairie d'un dossier complet ".
9. Il ressort des pièces du dossier que la demande de permis de construire présentée le 11 mars 2015 par la SCCV PS Construction de Thann a été rejetée comme irrecevable par la décision du 17 mars 2015 au motif que la demande était incomplète car inexacte. La demande de permis de construire ayant ainsi été rejetée durant le délai d'instruction imparti à l'administration, la société requérante ne saurait se prévaloir de l'obtention d'un permis tacite à compter du 12 juin 2015. Par suite, le maire de Thann, par son arrêté du 30 juillet 2015, n'a pas procédé au retrait d'un prétendu permis tacite mais s'est borné à réitérer les termes de son précédent refus du 17 mars 2015. La décision du 17 mars 2015 et l'arrêté du 30 juillet 2015 faisant par ailleurs suite à la demande de permis de construire présentée par la SCCV PS Construction de Thann, le maire de Thann n'avait pas à mettre cette dernière à même de présenter des observations. Le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions de l'article 24 de la loi du 12 avril 2000 doit, par suite, être écarté.
En ce qui concerne la légalité interne :
S'agissant du premier motif de refus :
10. Aux termes de l'article R. 423-1 du code de l'urbanisme : " Les demandes de permis de construire, d'aménager ou de démolir et les déclarations préalables sont adressées par pli recommandé avec demande d'avis de réception ou déposées à la mairie de la commune dans laquelle les travaux sont envisagés : a) Soit par le ou les propriétaires du ou des terrains, leur mandataire ou par une ou plusieurs personnes attestant être autorisées par eux à exécuter les travaux ;(...) ".
11. Pour rejeter comme inexacte et donc incomplète la demande de permis de construire présentée par la société requérante, le maire de Thann a considéré que l'autorisation qui avait été donnée à cette société par la délibération du 14 mars 2014 de déposer une demande de permis de construire sur le terrain propriété de la mairie était devenue caduque, les professionnels de santé qui avaient initialement déclaré vouloir s'engager dans la réalisation du pôle de santé l'ayant informé de leur retrait du projet.
12. Il ressort des pièces du dossier que, par la délibération du 14 mars 2014, la ville de Thann a accordé à la société SCCV PS Construction de Thann l'autorisation de déposer une demande de permis de construire sur le terrain propriété de la ville cadastré section 37, parcelles 34, 127, 130, 188, 190, 196, 197 et 228 et a décidé de lui céder ledit terrain. Cette promesse de vente n'était assortie d'aucune condition. L'autorisation de construire ayant ainsi été accordée à la société SCCV PS Construction de Thann elle-même et non aux différents professionnels de santé qui avaient initialement fait connaître leur intention de s'implanter dans le futur pôle de santé, la circonstance, à la supposer établie, que l'ensemble de ces professionnels de santé se soient ravisés n'est pas de nature à rendre caduque l'autorisation accordée à la société pétitionnaire. Par ailleurs, la ville de Thann n'établit pas ni même n'allègue que la délibération du 14 juin 2014 aurait été retirée par une délibération postérieure. La SCCV PS Construction de Thann justifiait donc d'une autorisation régulièrement délivrée par la ville de Thann lui donnant qualité pour déposer une demande de permis de construire sur le terrain communal cadastré section 37, parcelles 34, 127, 130, 188, 190, 196, 197 et 228. Par suite, le maire de Thann a commis une erreur de droit en rejetant comme irrecevable la demande de permis de construire présentée par la SCCV PS Construction de Thann au motif que son dossier de demande était incomplet.
S'agissant du second motif de refus :
13. Aux termes de l'article 12UB du plan d'occupation des sols de la ville de Thann : " Lors de toute opération de construction, d'extension, de création de surface de plancher, ou lors de tout changement d'affectation, d'occupation ou de destination de locaux, il devra être réalisé en dehors des voies publiques des aires de stationnement correspondant aux besoins nouveaux issus de ces opérations et selon les normes définies en annexe au présent règlement. / Ainsi il n'est pas tenu compte d'une application à la situation initiale de ces normes. Les besoins en stationnement étant essentiellement fonction du caractère de l'établissement, ces surfaces minimales pourront être modifiées, après justification compte tenu de la nature, de la situation de la construction ou d'une polyvalence éventuelle d'utilisation des aires. / Lorsque le pétitionnaire ne peut satisfaire lui-même aux obligations imposées par le paragraphe précédent, il peut être tenu quitte de ces obligations, soit en justifiant pour les places qu'il ne peut réaliser lui-même, de l'obtention d'une concession à long terme dans un parc public de stationnement existant ou en cours de réalisation, soit en versant une participation fixée par délibération du Conseil Municipal, en vue de la réalisation de parcs publics de stationnement dont la construction est prévue ". L'annexe II du plan d'occupation des sols prévoit les normes de stationnement suivantes : " - cliniques : 60 % de la surface de plancher ; - hôpitaux : 40 % de la surface de plancher (...) ".
14. Il ressort des pièces du dossier, notamment de la demande de permis de construire, que le projet, qui porte à la fois sur la construction d'un pôle santé mais également sur l'aménagement d'un parking, prévoit la réalisation de 116 places de stationnement. Les dimensions standard d'une place de stationnement étant de 5 mètres de longueur sur 2,5 mètres de largeur soit 12,5 m², les 116 places de stationnement prévues au projet représentent donc 1 450 m² de surface, soit 54,57 % de la surface de plancher du projet. La ville de Thann s'étant par ailleurs engagée dans sa délibération du 14 mars 2014 à réaménager le parking public attenant au site d'implantation du futur pôle de santé, le pétitionnaire pourra satisfaire aux prescriptions de l'article 12UB du plan d'occupation des sols en sollicitant une concession à long terme dans ce parc de stationnement, voire en versant la participation fixée par le conseil municipal en vue de la réalisation de futurs parcs publics de stationnement. Par suite, c'est à tort que, par son arrêté du 30 juillet 2015, le maire de Thann a rejeté la demande de permis de construire présentée par la SCCV PS Construction de Thann au motif que le projet ne respectait pas les dispositions de l'article UB12.
15. Il résulte de tout ce qui précède que la SCCV PS Construction de Thann est fondée à demander l'annulation de l'arrêté du maire de Thann du 30 juillet 2015.
Sur les conclusions présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
16. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de la SCCV PS Construction de Thann, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, le versement de la somme que la ville de Thann demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens. Il y a lieu, en revanche, de mettre à la charge de la ville de Thann une somme de 1 500 euros à verser à la société SCCVPS Construction de Thann sur le fondement des mêmes dispositions.
DÉCIDE :
Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Strasbourg du 21 décembre 2017 et l'arrêté du maire de Thann du 30 juillet 2015 sont annulés.
Article 2 : La ville de Thann versera à la société SCCV PS Construction de Thann une somme de 1 500 (mille cinq cents) euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : Les conclusions de la ville de Thann présentées sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à la société SCCV PS Construction de Thann et à la commune de Thann.
Copie en sera adressée à M. B...de la République près le tribunal de grande instance de Mulhouse.
Délibéré après l'audience du 7 février 2019, à laquelle siégeaient :
M. Meslay, président de chambre,
Mme Stefanski, président,
M. Laubriat, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 7 mars 2019.
Le rapporteur,
Signé : A. LAUBRIATLe président,
Signé : P. MESLAY
La greffière,
Signé : V. FIRMERY
La République mande et ordonne au préfet du Haut-Rhin en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
Pour expédition conforme,
La greffière,
S. ROBINET
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N° 18NC00413