Procédure devant la cour :
Par une requête et un mémoire, enregistrés les 8 janvier et 20 avril 2018, le GAEC de la Caille, représenté par MeB..., demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Châlons-en-Champagne du 7 novembre 2017 ;
2°) d'annuler l'arrêté du préfet de la Marne du 20 juillet 2015 ainsi que la décision implicite de rejet du recours gracieux formé contre cet arrêté ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 2 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Le GAEC de la Caille soutient que :
- le préfet a méconnu l'article L. 323-13 du code rural et de la pêche maritime en examinant sa demande au regard de la situation du GAEC personne morale sans prendre en compte la situation personnelle d'un des associés ;
- le projet de reprise des terres en litige relevait de la priorité n° 1 du schéma départemental des structures agricoles du département de la Marne.
Par un mémoire en défense, enregistré le 16 août 2018, le ministre de l'agriculture et de l'alimentation conclut au rejet de la requête.
Le ministre soutient que les moyens soulevés par le requérant ne sont pas fondés.
Par ordonnance du 14 juin 2018, la clôture d'instruction a été fixée au 20 août 2018.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code rural et de la pêche maritime ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Laubriat, premier conseiller,
- et les conclusions de M. Favret, rapporteur public.
Considérant ce qui suit :
1. Par une demande enregistrée le 4 février 2015, le groupement agricole d'exploitation en commun (GAEC) de la Caille, qui a pour associés Mme F...E...et MM. C...et A...E..., a sollicité du préfet de la Marne l'autorisation d'exploiter une superficie de 32 ha 13 a et 15 ca de terres agricoles situées sur le territoire de la commune d'Isse dans le département de la Marne. Par un arrêté du 20 juillet 2015, le préfet de la Marne a refusé d'accorder au GAEC de la Caille l'autorisation sollicitée. Le GAEC de la Caille fait appel du jugement du 7 novembre 2017 par lequel le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 20 juillet 2015, ainsi que de la décision implicite de rejet née du silence gardé pendant plus de deux mois par le préfet sur le recours gracieux qu'il avait formé contre cet arrêté le 24 septembre 2015.
2. Aux termes de l'article L. 331-3 du code rural et de la pêche maritime dans sa rédaction issue de la loi n° 2006-11 du 5 janvier 2006 : " L'autorité administrative se prononce sur la demande d'autorisation en se conformant aux orientations définies par le schéma directeur départemental des structures agricoles applicable dans le département dans lequel se situe le fonds faisant l'objet de la demande. Elle doit notamment : 1° Observer l'ordre des priorités établi par le schéma départemental entre l'installation des jeunes agriculteurs et l'agrandissement des exploitations agricoles, en tenant compte de l'intérêt économique et social du maintien de l'autonomie de l'exploitation faisant l'objet de la demande (...) / 3° Prendre en compte les biens corporels ou incorporels attachés au fonds dont disposent déjà le ou les demandeurs ainsi que ceux attachés aux biens objets de la demande en appréciant les conséquences économiques de la reprise envisagée (...) ". Selon l'article L. 331-1 du même code : " Le contrôle des structures des exploitations agricoles s'applique à la mise en valeur des terres agricoles ou des ateliers de production hors sol au sein d'une exploitation agricole, quels que soient la forme ou le mode d'organisation juridique de celle-ci, et le titre en vertu duquel la mise en valeur est assurée. / Est qualifié d'exploitation agricole, au sens du présent chapitre, l'ensemble des unités de production mises en valeur directement ou indirectement par la même personne, quels qu'en soient le statut, la forme ou le mode d'organisation juridique, dont les activités sont mentionnées à l'article L. 311-1. (...) ". Le schéma départemental des structures agricoles du département de la Marne, approuvé par arrêté préfectoral du 9 août 2007, fixe quatre rangs de priorités pour le secteur " polyculture-élevage ", soit notamment les installations de jeunes agriculteurs aidés en priorité n° 1, les installations progressives d'agriculteurs double actif en priorité n° 2 et les autres agrandissements en priorité n° 4. Par arrêté du 23 juillet 2007 du préfet de la Marne, l'unité de référence est fixée à 100 ha en polyculture élevage.
3. Pour rejeter la demande d'autorisation d'exploiter présentée par le GAEC de la Caille, le préfet a considéré que le projet de reprise consistait en un agrandissement et relevait ainsi de la priorité n° 4 du schéma départemental des structures.
4. A l'appui de sa requête, le GAEC de la Caille soutient que le préfet aurait, ce faisant, méconnu le principe d'équivalence de l'article L. 323-13 du code rural et de la pêche maritime, selon lequel " La participation à un groupement agricole d'exploitation en commun ne doit pas avoir pour effet de mettre ceux des associés qui sont considérés comme chefs d'exploitation et leur famille, pour tout ce qui touche leur statut professionnel, et notamment économique, social et fiscal, dans une situation inférieure à celle des autres chefs d'exploitation agricole, et à celle des autres familles de chefs d'exploitation agricole ". Le GAEC de la Caille fait valoir que le préfet s'est exclusivement déterminé au regard de la situation du GAEC, personne morale, sans prendre en compte la situation personnelle d'un des associés, M. A...E.... Selon le GAEC, le projet de reprise des 32 ha 13 a et 15 ca de terres en litige aurait dû être regardé par le préfet comme relevant de la priorité n° 1 en tant qu'il s'inscrivait dans une démarche d'installation.
5. Il ressort toutefois des termes mêmes de l'arrêté contesté du 20 juillet 2015 que pour estimer que la demande d'autorisation d'exploiter présentée par le GAEC relevait de la priorité n° 4, le préfet ne s'est pas limité à apprécier la situation du GAEC, personne morale, mais a également analysé la situation particulière de M. A...E....
6. Il ressort en effet des pièces du dossier qu'avant 2013, le GAEC de la Caille comptait deux associés, Mme F...E...et M. C...E.... M. A...E...a rejoint le GAEC le 3 octobre 2013 dans le cadre de son installation en qualité de jeune agriculteur. Il ressort également des pièces du dossier que lorsqu'il s'est installé, M. A...E...n'a pas fait état dans son plan de développement d'installation (PDE) de la reprise des terres en litige. Si le GAEC requérant se prévaut de ce que le PDE établi par M. E...a été modifié par un avenant du 20 février 2015 prévoyant, entre autres, la reprise desdites terres, cet avenant ne fait que compléter le PDE initial sans le modifier rétroactivement. Par suite, le préfet était fondé à considérer que la reprise des 32 ha 13 a et 15 ca de terres en litige constituait un agrandissement de l'exploitation de M. A...E..., relevant en conséquence de la priorité n° 4.
7. Le préfet, saisi d'une demande d'autorisation d'exploiter des terres, est tenu de rejeter cette demande lorsqu'un autre agriculteur, prioritaire au regard des dispositions du schéma directeur des structures agricoles, soit a également présenté une demande portant sur les mêmes terres, soit, si l'opération qu'il envisage n'est pas soumise à autorisation, a informé la commission départementale d'orientation de l'agriculture et l'administration qu'il souhaite les exploiter en établissant la réalité et le sérieux de son projet.
8. Il ressort des pièces du dossier qu'un autre agriculteur, M.D..., a demandé à être autorisé à exploiter les mêmes terres. Le préfet a estimé que la demande de M. D...relevait de la priorité n° 1 du schéma départemental des structures agricoles du département de la Marne. Si le GAEC de la Caille soutient que la demande de M. D...relevait de la priorité n° 2, cette circonstance est sans incidence sur la légalité de la décision contestée dès lors que le GAEC n'établit pas en tout état de cause que sa propre demande relevait d'un rang de priorité supérieur à celui de la demande présentée par M.D.... Par suite, le préfet de la Marne était tenu de rejeter la demande présentée par le GAEC de la Caille.
9. Il résulte de tout ce qui précède que le GAEC de la Caille n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions présentées sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent qu'être rejetées.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête du GAEC de la Caille est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié au GAEC de la Caille et au ministre de l'agriculture et de l'alimentation.
Copie en sera adressée au préfet de la Marne.
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N° 18NC00067