Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée le 8 août 2017, complétée par un mémoire enregistré le 26 janvier 2018, le préfet de la Moselle demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Strasbourg du 21 juillet 2017 ;
2°) de rejeter les demandes présentées par M. et Mme B...devant le tribunal administratif de Strasbourg.
Le préfet soutient que c'est à tort que le tribunal administratif de Strasbourg a considéré que ses décisions portant refus de titre de séjour étaient entachées d'erreur manifeste d'appréciation.
Par un mémoire en défense, enregistré le 22 janvier 2018, M. D... et Mme C...B..., représentés par Me Dollé, concluent au rejet de la requête et à ce que soit mise à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros à verser à Me Dolle sur le fondement des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.
M. et Mme B...soutiennent que :
- les décisions portant refus de séjour sont entachées d'erreur manifeste d'appréciation ;
- elles méconnaissent les stipulations des articles 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et 3-1 de la convention internationales relative aux droits de l'enfant ;
- le préfet s'est à tort estimé en situation de compétence liée pour assortir les décisions de refus de séjour d'une obligation de quitter le territoire français ;
- les décisions portant obligation de quitter le territoire français méconnaissent les stipulations des articles 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant et sont entachées d'erreur manifeste d'appréciation ;
- les décisions prononçant une interdiction de retour sur le territoire d'une durée d'un an méconnaissent les stipulations des articles 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant et sont entachées d'erreur manifeste d'appréciation.
Par ordonnance du 9 février 2018, la clôture d'instruction a été fixée au 23 février 2018.
M. et Mme B...ont été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par des décisions en date du 19 décembre 2017.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Laubriat, premier conseiller,
- et les observations de MeA..., pour M. et MmeB....
Considérant ce qui suit :
1. Par un courrier du 2 janvier 2017, M. et MmeB..., ressortissants albanais, ont sollicité du préfet de la Moselle leur admission exceptionnelle au séjour. Par deux arrêtés du 7 avril 2017, le préfet de la Moselle leur a opposé un refus, leur a fait obligation de quitter le territoire français sans délai, a fixé le pays à destination duquel ils pourront être reconduits d'office et a prononcé une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée d'un an. Par un jugement du 21 juillet 2017, dont le préfet de la Moselle fait appel, le tribunal administratif de Strasbourg a annulé les arrêtés préfectoraux du 7 avril 2017 et a enjoint au préfet de la Moselle de délivrer à M. et Mme B...des cartes de séjour temporaire " vie privée et familiale ".
Sur le bien fondé du jugement :
2. Il ressort des pièces du dossier que si M. et Mme B...se sont maintenus de façon irrégulière sur le territoire français depuis leur entrée en France en 2012, ils ont toutefois multiplié les démarches pour régulariser leur situation administrative en déposant à six reprises des demandes d'admission au séjour. Si le préfet de la Moselle leur a opposé à chaque fois un refus, il ne ressort, en revanche, d'aucune des pièces du dossier que le préfet aurait effectivement tenté de les éloigner, et encore moins que les époux B...se seraient soustraits à une éventuelle mesure d'éloignement. Contrairement aux affirmations du préfet, les époux B...ont démontré leur volonté d'intégration en France. Il ressort en effet des pièces du dossier de première instance que par des courriers de leur conseil des 6 juillet et 12 novembre 2015, M. et Mme B...avaient adressé au préfet des promesses d'embauche faites à M. B...en qualité de cuisinier, promesses qui se sont d'ailleurs concrétisées puisque M. B...a été embauché par l'auteur de ces promesses à compter du 9 octobre 2017 sous contrat à durée indéterminée. Les époux B...font, par ailleurs, valoir sans être contredits avoir appris le français au centre social Bellevue. Enfin leurs deux enfants, Ardis et Isra, nés respectivement en 1999 et 2004, sont régulièrement scolarisés depuis leur entrée en France avec leurs parents en 2012 et fréquentaient à la date des arrêtés attaqués la 1ère du lycée des métiers de l'hôtellerie de Metz pour le premier et la 5ème du collège Arsenal de Metz pour la seconde. Dans ces conditions, le préfet de la Moselle n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que les premiers juges ont considéré que ses arrêtés du 7 avril 2017 refusant l'admission exceptionnelle au séjour aux époux B...seraient entachés d'erreur manifeste d'appréciation.
3. Il résulte de tout ce qui précède que le préfet de la Moselle n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Strasbourg a annulé ses arrêtés du 7 avril 2017 refusant à M. et Mme B...la délivrance de titres de séjour, les obligeant à quitter le territoire français sans délai, fixant le pays à destination duquel ils pourront être reconduits d'office et prononçant une interdiction de retour sur le territoire français pendant une durée d'un an.
Sur les conclusions présentées sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 :
4. M. et Mme B...ont obtenu le bénéfice de l'aide juridictionnelle. Par suite, leur avocat peut se prévaloir des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et du deuxième alinéa de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, et sous réserve que Me Dollé, avocat de M. et MmeB..., renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'État, de mettre à la charge de l'Etat le versement à Me Dollé de la somme de 1 500 euros.
Par ces motifs,
DÉCIDE :
Article 1er : La requête du préfet de la Moselle est rejetée.
Article 2 : L'Etat versera à Me Dollé, avocat de M. etB..., une somme de 1 500 (mille cinq cents) euros en application des dispositions du deuxième alinéa de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, sous réserve que Me Dollé renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'intérieur, à M. D...B...et à Mme C...B....
Copie en sera adressée au préfet de la Moselle.
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N° 17NC02024