Mme E... B... a demandé au tribunal administratif de Strasbourg d'annuler l'arrêté du 4 septembre 2018 par lequel le préfet du Haut-Rhin a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligée à quitter le territoire sans délai et a fixé le pays de destination.
Par un jugement n° 1805491 du 28 novembre 2018, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté la demande.
Procédure devant la cour :
I. Par une requête, enregistrée sous le n° 19NC00940 le 31 mars 2019, M. A... B..., représenté par Me D..., demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du 28 novembre 2018 par lequel le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande ;
2°) d'annuler cet arrêté du 4 septembre 2018 ;
3°) d'enjoindre au préfet du Haut-Rhin de lui délivrer un titre de séjour, ou à défaut de réexaminer sa situation dans un délai de quinze jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir et de lui délivrer dans l'attente de l'instruction une autorisation provisoire de séjour ;
Il soutient que :
Sur le refus de séjour :
- la décision est entachée d'incompétence du fait de l'absence de délégation de signature régulièrement publiée ;
- elle est insuffisamment motivée ;
- elle méconnaît les dispositions du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- elle méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et l'article L. 313-11 7° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
Sur l'obligation de quitter le territoire français :
- la décision est entachée d'incompétence du fait de l'absence de délégation de signature régulièrement publiée ;
- elle est insuffisamment motivée ;
- elle méconnaît les dispositions du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- elle méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et les dispositions du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
Sur la décision fixant le pays de renvoi :
- elle méconnaît l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
Par un mémoire en défense, enregistré le 6 juin 2019, le préfet du Haut-Rhin conclut au rejet de la requête.
Il soutient les moyens soulevés par M. B... ne sont pas fondés.
II. Par une requête, enregistrée sous le n°19NC00943 le 31 mars 2019, Mme E... B..., représentée par Me D..., demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du 28 novembre 2018 par lequel le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande ;
2°) d'annuler cet arrêté du 4 septembre 2018 ;
3°) d'enjoindre au préfet du Haut-Rhin de lui délivrer un titre de séjour, ou à défaut de réexaminer sa situation dans un délai de quinze jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir et de lui délivrer dans l'attente de l'instruction une autorisation provisoire de séjour ;
Elle soulève les mêmes moyens que ceux exposés ci-dessus au soutien de la requête n°19NC00940 présentée par M. B....
Par un mémoire en défense, enregistré le 6 juin 2019, le préfet du Haut-Rhin conclut au rejet de la requête.
Il conclut au rejet de la requête pour les mêmes motifs que ceux exposés sous le n°19NC00940
M. et Mme B... ont été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par des décisions du 5 mars 2019.
Vu :
- les autres pièces des dossiers ;
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 modifiée ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer ses conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de Mme C... a été entendu au cours de l'audience.
Considérant ce qui suit :
1. M. et Mme B..., nés respectivement en 1960 et 1961 et de nationalité kosovare, seraient entrés irrégulièrement en France le 29 mars 2016 selon leurs déclarations. Ils ont sollicité leur admission au séjour au titre de l'asile. Leurs demandes d'asile ont été rejetées par des décisions de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides des 23 et 26 juin 2016 confirmées par la Cour nationale du droit d'asile le 24 novembre 2016. Par des arrêtés du 4 janvier 2017, dont la légalité a été confirmée par jugement du tribunal administratif de Strasbourg le 22 février 2017, le préfet du Haut-Rhin a refusé de délivrer un titre de séjour aux intéressés et les a obligés à quitter le territoire français en fixant le pays de renvoi. Le 19 mars 2018, M. et Mme B... ont déposé des demandes de titre de séjour pour raisons de santé. Par des arrêtés du 4 septembre 2018, le préfet du Haut-Rhin a refusé de leur délivrer un titre de séjour et les a obligés à quitter le territoire français sans délai à destination de leur pays d'origine. M. et Mme B... relèvent respectivement appel des jugements du 28 novembre 2018 par lequel le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté leurs demandes tendant à l'annulation de ces arrêtés du 4 septembre 2018.
2. Les requêtes n° 19NC00940 et 19NC00943 présentent à juger les mêmes questions et ont fait l'objet d'une instruction commune. Il y a lieu de les joindre pour statuer par un seul arrêt.
Sur les arrêtés pris dans leur ensemble :
3. M. et Mme B... reprennent en appel, sans apporter d'éléments nouveaux, les moyens tirés de ce qu'il n'est pas justifié d'une délégation de signature régulièrement publiée et que les décisions portant refus de séjour et obligation de quitter le territoire français sont insuffisamment motivées. Il y a lieu d'écarter ces moyens par adoption des motifs retenus, à juste titre, par le tribunal administratif de Strasbourg dans son jugement du 28 novembre 2018.
Sur la légalité de la décision de refus de titre de séjour :
4. En premier lieu, aux termes du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit : (...) 11° A l'étranger résidant habituellement en France, si son état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, il ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié. La condition prévue à l'article L. 313-2 n'est pas exigée. (...) ".
5. Il appartient à l'autorité administrative, lorsqu'elle envisage de refuser la délivrance d'un titre de séjour à un étranger qui en fait la demande au titre des dispositions du 11° de l'article L. 313-11, de vérifier, au vu de l'avis émis par le collège de médecins mentionné à l'article R. 313-22, que cette décision ne peut avoir de conséquences d'une exceptionnelle gravité sur l'état de santé de l'intéressé et, en particulier, d'apprécier, sous le contrôle du juge de l'excès de pouvoir, la nature et la gravité des risques qu'entraînerait un défaut de prise en charge médicale dans le pays dont l'étranger est originaire. Lorsque le défaut de prise en charge risque d'avoir des conséquences d'une exceptionnelle gravité sur la santé de l'intéressé, l'autorité administrative ne peut légalement refuser le titre de séjour sollicité que s'il existe des possibilités de traitement approprié de l'affection en cause dans son pays d'origine. Elle doit alors, au vu de l'ensemble des informations dont elle dispose, apprécier si l'intéressé peut ou non bénéficier effectivement d'un traitement approprié dans son pays d'origine.
6. S'agissant de M. B..., il ressort des pièces du dossier que, pour refuser de lui délivrer un titre de séjour en qualité d'étranger malade, sur le fondement du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, le préfet du Haut-Rhin s'est notamment fondé sur l'avis du collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration du 30 avril 2018. Selon cet avis, l'état de santé du requérant nécessite une prise en charge médicale, dont le défaut peut entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité mais qu'eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé au Kosovo, l'intéressé peut bénéficier d'un traitement approprié. En se bornant à faire valoir son appartenance à la communauté rom, M. B... n'apporte aucun élément établissant qu'il ne pourrait pas effectivement bénéficier d'un traitement adapté à sa cardiopathie.
7. S'agissant de Mme B..., il ressort des pièces du dossier que, pour refuser de lui délivrer un titre de séjour en qualité d'étranger malade, sur le fondement du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, le préfet du Haut-Rhin s'est notamment fondé sur l'avis du collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration du 30 avril 2018. Selon cet avis, l'état de santé de la requérante nécessite une prise en charge médicale, dont le défaut ne devrait pas entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité et que son état de santé lui permet de voyager sans risque. Pour contester ces éléments, Mme B... produit un courrier de son médecin généraliste du 28 novembre 2016 adressé à un de ses confrères qui indique que l'intéressée a été opérée d'un carcinome ovarien en mai 2015 et qu'elle souffre de douleurs abdominales non expliquées. Il ne ressort pas de ce seul document que le défaut de prise en charge de la requérante entraînerait des conséquences d'une exceptionnelle gravité pour elle. Par ailleurs, en se bornant à faire valoir son appartenance à la communauté rom, la requérante ne justifie pas davantage qu'elle ne pourrait être prise en charge médicalement dans son pays d'origine.
8. Il résulte de ce qui précède que le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ne peut être accueilli.
9. En second lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1°) Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. 2°) Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ". Aux termes du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit : (...) 7° A l'étranger ne vivant pas en état de polygamie, qui n'entre pas dans les catégories précédentes ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, dont les liens personnels et familiaux en France, appréciés notamment au regard de leur intensité, de leur ancienneté et de leur stabilité, des conditions d'existence de l'intéressé, de son insertion dans la société française ainsi que de la nature de ses liens avec la famille restée dans le pays d'origine, sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus, sans que la condition prévue à l'article L. 313-2 soit exigée. L'insertion de l'étranger dans la société française est évaluée en tenant compte notamment de sa connaissance des valeurs de la République ; ".
10. M. et Mme B... se prévalent chacun du parcours en France de leur fille devenue majeure qui s'est vu délivrer un titre de séjour le 29 juin 2018. Il ressort cependant de ce courrier du préfet du Haut-Rhin du 29 juin 2018 que leur fille Sonita a obtenu à titre exceptionnel la délivrance d'un titre de séjour en qualité d'étudiant afin de lui permettre de finir ses études en France. Dans ces conditions, elle n'a pas vocation à demeurer en France à l'issue de son cursus scolaire. En se bornant à produire des attestations d'associations concernant leur participation à une action solidaire de récupération de pommes à l'automne 2017 et 2018 ainsi qu'à diverses activités festives, M. et Mme B... ne justifient d'aucun effort particulier d'intégration en France. Ils n'établissent pas être dépourvus d'attaches privées et familiales dans leur pays d'origine où ils ont vécu jusqu'à l'âge respectivement de 56 ans et 55 ans. Enfin, par des arrêtés du 4 janvier 2017, les intéressés ont fait l'objet d'une mesure d'éloignement qu'ils n'ont pas exécutés. Par conséquent, eu égard à la durée et aux conditions de séjour en France des intéressés, le préfet du Haut-Rhin n'a pas porté une atteinte disproportionnée au droit des requérants au respect de leur vie privée et familiale. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et des dispositions du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile doit être écarté.
Sur l'obligation de quitter le territoire français :
11. Pour les mêmes motifs que ceux exposés aux points 4 à 10, les moyens tirés de la méconnaissance des dispositions du 7° et du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ainsi que des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doivent être écartés.
Sur la décision fixant le pays de destination :
12. Le moyen tiré de la méconnaissance de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et de l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile doit être écarté par adoption des motifs énoncés au point 12 des jugements du tribunal administratif de Strasbourg, M. et Mme B... ne faisant état d'aucun élément nouveau en appel.
13. Il résulte de tout ce qui précède que M. et Mme B... ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par les jugements attaqués, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté leurs demandes. Il y a lieu de rejeter, par voie de conséquence, les conclusions aux fins d'injonction et celles tendant à l'application des dispositions de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.
D E C I D E :
Article 1er : Les requêtes respectives de M. et Mme B... sont rejetées.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B..., à Mme E... B... et au ministre de l'intérieur.
Une copie du présent arrêt sera adressée au préfet du Haut-Rhin.
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N° 19NC00940, 19NC00943