Procédure devant la cour :
I.) Par une requête, enregistrée le 6 août 2019, sous le numéro 1902553, M. E..., représenté par Me C..., demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement n° 1900967 du 4 juillet 2019;
2°) d'annuler cet arrêté du 25 mars 2019 ;
3°) d'enjoindre au préfet de l'Aube de lui délivrer un titre de séjour temporaire dans un délai de quinze jours à compter de l'arrêt et sous astreinte de 100 euros par jour de retard, à défaut de réexaminer sa situation sous les mêmes conditions de délai et d'astreinte ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Il soutient que :
En ce qui concerne la décision de refus de titre de séjour :
- elle est insuffisamment motivée ;
- elle n'a pas été précédée d'un examen approfondi de sa situation ;
- elle méconnaît les 7° et 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- elle méconnaît les dispositions du 7° de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- elle est entachée d'une erreur de fait ;
- elle viole les articles 3 et 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits humains et des libertés fondamentales et repose sur une appréciation manifestement erronée de sa situation ainsi que des conséquences de cette décision sur sa situation personnelle ;
- le préfet a commis une erreur manifeste d'appréciation.
En ce qui concerne la décision portant obligation de quitter le territoire français :
- elle est insuffisamment motivée ;
- elle est illégale par voie de conséquence de l'illégalité du refus de titre de séjour ;
- elle comporte des conséquences d'une exceptionnelle gravité sur sa situation personnelle.
Par un mémoire en défense, enregistré le 25 mai 2020, le préfet de l'Aube conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens soulevés par M. E... ne sont pas fondés.
II.) Par une requête, enregistrée le 13 août 2019, sous le numéro 1902612, Mme E..., représentée par Me C..., demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement n°1901092 du 17 juillet 2019;
2°) d'annuler cet arrêté du 25 avril 2019 ;
3°) d'enjoindre au préfet de l'Aube de réexaminer sa situation dans un délai de quinze jours à compter de l'arrêt ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Elle soutient que :
En ce qui concerne la décision portant obligation de quitter le territoire français :
- la décision lui refusant un titre de séjour est insuffisamment motivée ;
- elle n'a pas été précédée d'un examen approfondi de sa situation ;
- elle méconnaît l'article L. 313-14, le 7 ° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile,
- elle viole les articles 3 et 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits humains et des libertés fondamentales et repose sur une appréciation manifestement erronée de sa situation ainsi que des conséquences de cette décision sur sa situation personnelle ;
- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation ;
- le préfet s'est estimé lié par la décision de rejet de l'office français de protection des réfugiés et apatrides.
En ce qui concerne la décision fixant le pays de renvoi :
- elle viole l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits humains et des libertés fondamentales ainsi que les dispositions de l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
La requête a été communiquée au préfet de l'Aube qui n'a pas produit de mémoire en défense.
M. et Mme E... ont été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par décisions du bureau d'aide juridictionnelle du tribunal judiciaire de Nancy du 19 novembre2019.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits humains et des libertés fondamentales ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- l'ordonnance n° 2020-1402 et le décret n° 2020-1406 du 18 novembre 2020 ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer ses conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de Mme D... a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. M. et Mme E..., de nationalité russe, sont entrés irrégulièrement sur le territoire français le 3 septembre 2015 pour y solliciter l'asile. Leur demande d'asile a été rejetée par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides et par la Cour nationale du droit d'asile. M. E... a présenté, le 13 février 2018, une demande de titre de séjour en qualité d'étranger malade. Par un arrêté du 25 mars 2019, le préfet de l'Aube a refusé de lui délivrer ce titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel il est susceptible d'être éloigné. Par un deuxième arrêté du 25 avril 2019, le préfet de l'Aube a également obligé Mme E... à quitter le territoire français sur le fondement des dispositions du 6° de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, lui a octroyé un délai de départ volontaire de trente jours et a fixé le pays de destination. Les époux E... relèvent appel des jugements n°1900967 du 4 juillet 2019 et n° 1901092 du 17 juillet 2019 par lesquels le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a rejeté leurs demandes tendant à l'annulation de ces arrêtés.
2. Les requêtes nos 19NC02553 et 19NC02612 présentées par M. et Mme E... présentent à juger les mêmes questions et ont fait l'objet d'une instruction commune. Il y a lieu de les joindre pour y statuer par un seul jugement.
Sur la requête n° 19NC02553 :
En ce qui la décision de refus de titre de séjour :
3. En premier lieu, l'arrêté contesté comporte l'énoncé des considérations de fait et de droit pour lesquelles le préfet de l'Aube a refusé de délivrer au requérant le titre de séjour qu'il sollicite. Dès lors et dans le respect des dispositions de l'article L. 211-5 du code des relations entre le public et l'administration, ce refus est régulièrement motivé.
4. En deuxième lieu, il ressort des pièces du dossier que, pour refuser à M. E... la délivrance du titre de séjour demandé, le préfet de l'Aube a procédé à un examen particulier de sa situation personnelle, au regard de l'ensemble des éléments caractérisant sa situation, portés à sa connaissance. Par suite, le moyen tiré de l'erreur de droit doit être écarté.
5. En troisième lieu, aux termes l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit : (...) 11° A l'étranger résidant habituellement en France, si son état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, il ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié. (...) La décision de délivrer la carte de séjour est prise par l'autorité administrative après avis d'un collège de médecins du service médical de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, dans des conditions définies par décret en Conseil d'Etat (...) ".
6. La partie qui justifie d'un avis du collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration (OFII) venant au soutien de ses dires doit être regardée comme apportant des éléments de fait susceptibles de faire présumer l'existence ou l'absence d'un état de santé de nature à justifier la délivrance ou le refus d'un titre de séjour. Dans ce cas, il appartient à l'autre partie, dans le respect des règles relatives au secret médical, de produire tous éléments permettant d'apprécier l'état de santé de l'étranger et, le cas échéant, l'existence ou l'absence d'un traitement approprié dans le pays de renvoi. La conviction du juge, à qui il revient d'apprécier si l'état de santé d'un étranger justifie la délivrance d'un titre de séjour dans les conditions ci-dessus rappelées, se détermine au vu de ces échanges contradictoires. En cas de doute, il lui appartient de compléter ces échanges en ordonnant toute mesure d'instruction utile ;
7. Il ressort des pièces du dossier que, pour refuser le titre sollicité sur le fondement des dispositions précitées, le préfet de l'Aube a considéré, sur le fondement de l'avis émis le 21 février 2019 par le collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, que si l'état de santé du requérant nécessite une prise en charge médicale dont le défaut peut entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité, il peut bénéficier d'un traitement approprié dans son pays d'origine. S'il est constant que M. E... souffre de problèmes cardiaques pour lesquels il a été opéré au centre hospitalier de Troyes et qu'il conserve une diminution modérée de la fonction ventriculaire gauche nécessitant un suivi hospitalier, les pièces médicales versées aux débats, consistant notamment en des certificats médicaux émis le 1er avril 2019 par le Dr Stricker, le 4 juillet 2018 par le Dr Lopez y Barona et le 23 juillet 2019 par le Dr Girodet, soit postérieurement à la date de l'arrêté en litige, ne permettent pas d'établir que le requérant ne pourrait pas disposer d'un traitement approprié dans son pays d'origine. Par suite, M. E... n'apporte aucun élément probant de nature à remettre en cause l'avis précité du collège de médecins de l'OFII ainsi que l'appréciation portée par le préfet sur l'existence d'un traitement approprié en Russie. Par conséquent, les moyens tirés de l'erreur de fait et de la méconnaissance des dispositions du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile doivent être écartés.
8. En quatrième lieu, aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention "vie privée et familiale" est délivrée de plein droit : (...) / 7° A l'étranger ne vivant pas en état de polygamie, qui n'entre pas dans les catégories précédentes ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, dont les liens personnels et familiaux en France, appréciés notamment au regard de leur intensité, de leur ancienneté et de leur stabilité, des conditions d'existence de l'intéressé, de son insertion dans la société française ainsi que de la nature de ses liens avec la famille restée dans le pays d'origine, sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus, sans que la condition prévue à l'article L. 311-7 soit exigée. L'insertion de l'étranger dans la société française est évaluée en tenant compte notamment de sa connaissance des valeurs de la République. (...) ". Aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits humains et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale. 2. Il ne peut y avoir d'ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale ou à la protection des droits et libertés d'autrui ".
9. M. E... réside, selon ses déclarations, depuis le 3 septembre 2015 sur le territoire français avec son épouse et leur fille. Comme le fait valoir le préfet, l'intéressé ne s'est maintenu en France qu'en raison de l'instruction de sa demande d'asile puis de manière irrégulière jusqu'au rejet de sa demande de titre de séjour. Si le requérant argue de liens personnels et familiaux importants en France, il ne les démontre pas. Par ailleurs, il ne justifie pas être dépourvu d'attaches familiales dans son pays d'origine, pays dans lequel il a vécu jusqu'à l'âge de trente-sept ans. Par ailleurs, l'intéressé, qui ne justifie d'aucune activité professionnelle ou associative, ne démontre pas avoir transféré en France le centre de ses intérêts et personnels. En outre, dès lors que son épouse, qui fait également l'objet d'une obligation de quitter le territoire français, n'a pas vocation à rester sur le territoire français, c'est à juste titre que les premiers juges ont considéré que rien ne faisait obstacle à que la cellule familiale se reconstitue en Russie. Dans ces conditions, compte tenu notamment des conditions de séjour en France de M. E..., les moyens tirés de ce que la décision lui refusant la délivrance d'un titre de séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des buts en vue desquels elle a été prise et méconnaîtrait par suite les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits humains et des libertés fondamentales ainsi que les dispositions du 7° de l'article L.313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile doivent être écartés. Pour les mêmes motifs, le préfet n'a pas non plus commis d'erreur manifeste d'appréciation sur les conséquences de sa décision de refus de titre sur la situation personnelle du requérant.
10. En cinquième lieu, aux termes de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " La carte de séjour temporaire mentionnée à l'article L. 313-11 ou la carte de séjour temporaire mentionnée aux 1° et 2° de l'article L. 313-10 peut être délivrée, sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, à l'étranger ne vivant pas en état de polygamie dont l'admission au séjour répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard des motifs exceptionnels qu'il fait valoir, sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 313-2 (...) ".
11. En se bornant à faire valoir qu'il vit en France depuis septembre 2015, qu'il y est médicalement suivi, qu'il y a de la famille, ce qui n'est au demeurant pas démontré, le requérant ne fait état ni de considérations humanitaires ni de motifs exceptionnels au sens des dispositions de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile précité. Dès lors, le moyen tiré de la méconnaissance de ces dispositions doit être écarté.
12. En dernier lieu, aux termes de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou des traitements inhumains ou dégradants ".
13. M. E... soutient qu'il encourt des risques de traitements inhumains et dégradants en cas de retour en Russie. Toutefois, le requérant, dont la demande d'asile a été rejetée par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides et la Cour nationale du droit d'asile, n'établit pas qu'il se trouverait, en cas d'éloignement, exposé à un risque réel, direct et sérieux pour sa vie ou sa liberté, ni à des traitements inhumains ou dégradants ou qu'il ne pourrait y bénéficier d'aucune protection de la part des autorités. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ne peut être accueilli.
En ce qui concerne la décision portant obligation de quitter le territoire français :
14. M. E... n'établissant pas l'illégalité de la décision lui refusant la délivrance d'un titre de séjour, le moyen tiré de l'exception d'illégalité de cette décision, soulevé à l'appui des conclusions à fin d'annulation de la décision portant obligation de quitter le territoire français, ne peut dès lors qu'être écarté.
15. Aux termes du I de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " (...) La décision énonçant l'obligation de quitter le territoire français est motivée. Elle n'a pas à faire l'objet d'une motivation distincte de celle de la décision relative au séjour dans les cas prévus aux 3° et 5° du présent I, sans préjudice, le cas échéant, de l'indication des motifs pour lesquels il est fait application des II et III (...) ". La décision faisant obligation à M. E... de quitter le territoire ayant été prise à la suite de la décision lui refusant la délivrance d'un titre de séjour, elle n'avait pas à faire l'objet d'une motivation distincte. La motivation de la décision de refus de délivrance de titre de séjour étant, ainsi qu'il a déjà été dit, suffisante, le moyen tiré de l'insuffisante motivation de la décision portant obligation de quitter le territoire français ne peut qu'être écarté.
16. M. E... se borne à soutenir que la décision l'obligeant à quitter le territoire français emporte des conséquences d'une exceptionnelle gravité sur sa situation personnelle, sans assortir ce moyen des précisions permettant d'en apprécier le bien-fondé. Dès lors, et eu égard en tout état de cause à ce qui a été dit ci-dessus, le moyen doit être écarté.
Sur la requête n° 19NC02612 :
En ce qui concerne la décision portant obligation de quitter le territoire français :
17. En premier lieu, la décision attaquée, qui n'avait pas à reprendre tous les éléments de la situation de Mme E... comporte les considérations de fait et de droit qui en constituent le fondement. Cette motivation ne présente, en l'espèce, aucun caractère stéréotypé. Par suite, le moyen tiré du vice de forme ne peut qu'être écarté.
18. En deuxième lieu, il ne ressort pas des pièces du dossier que le préfet de l'Aube se soit abstenu de procéder à un examen particulier de la situation de Mme E... ni qu'il se serait estimé être en situation de compétence liée par l'avis de l'OFPRA pour édicter la décision attaquée. Par suite, ces moyens doivent être écartés.
19. En troisième lieu, aux termes de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " I. _ L'autorité administrative peut obliger à quitter le territoire français un étranger non ressortissant d'un Etat membre de l'Union européenne, d'un autre Etat partie à l'accord sur l'Espace économique européen ou de la Confédération suisse et qui n'est pas membre de la famille d'un tel ressortissant au sens des 4° et 5° de l'article L. 121-1, lorsqu'il se trouve dans l'un des cas suivants : / (...) 6° Si la reconnaissance de la qualité de réfugié ou le bénéfice de la protection subsidiaire a été définitivement refusé à l'étranger ou si l'étranger ne bénéficie plus du droit de se maintenir sur le territoire français en application des articles L. 743-1 et L. 743-2 , à moins qu'il ne soit titulaire d'un titre de séjour en cours de validité. (...) ".
20. Mme E... s'étant vu refuser le statut de réfugié et ne pouvant par suite prétendre ni à la carte de résident à laquelle ouvre droit la qualité de réfugié statutaire ni à la carte de séjour temporaire à laquelle ouvre droit le bénéfice de la protection subsidiaire, le préfet de l'Aube a pu légalement décider de prononcer à son encontre une mesure d'éloignement dans les conditions prévues par les dispositions du 6° du I de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
21. En quatrième lieu, aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention "vie privée et familiale" est délivrée de plein droit : (...) / 7° A l'étranger ne vivant pas en état de polygamie, qui n'entre pas dans les catégories précédentes ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, dont les liens personnels et familiaux en France, appréciés notamment au regard de leur intensité, de leur ancienneté et de leur stabilité, des conditions d'existence de l'intéressé, de son insertion dans la société française ainsi que de la nature de ses liens avec la famille restée dans le pays d'origine, sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus, sans que la condition prévue à l'article L. 311-7 soit exigée. L'insertion de l'étranger dans la société française est évaluée en tenant compte notamment de sa connaissance des valeurs de la République. (...) ". Aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits humains et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale. 2. Il ne peut y avoir d'ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale ou à la protection des droits et libertés d'autrui ".
22. Mme E... est entrée en 2015 en France où elle n'a aucune attache à l'exception de son mari, également en situation irrégulière, et sa fille mineure. La requérante, qui ne justifie pas être dépourvue d'attaches familiales en Russie, pays où elle a vécu jusqu'à l'âge de 28 ans, ne démontre pas avoir transféré en France le centre de ses intérêts personnels et familiaux ni que la cellule familiale ne pourrait pas ne reconstituer en Russie. Par suite, eu égard aux conditions de séjour en France de l'intéressée, le préfet n'a pas porté à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée ni n'a méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits humains et des libertés fondamentales ainsi que les dispositions du 7° de l'article L.313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Pour les mêmes motifs, le préfet n'a pas non plus commis d'erreur manifeste d'appréciation sur les conséquences de sa décision de refus de titre sur la situation personnelle du requérant.
23. En cinquième lieu, aux termes de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " La carte de séjour temporaire mentionnée à l'article L. 313-11 ou la carte de séjour temporaire mentionnée aux 1° et 2° de l'article L. 313-10 peut être délivrée, sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, à l'étranger ne vivant pas en état de polygamie dont l'admission au séjour répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard des motifs exceptionnels qu'il fait valoir, sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 313-2 (...) ".
24. En se bornant à faire valoir qu'elle vit en France depuis septembre 2015, que son époux y est médicalement suivi, qu'elle y a de la famille, ce qui n'est au demeurant pas démontré, la requérante ne fait état d'aucune considérations humanitaires ou de motifs exceptionnels au sens des dispositions de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile précité. Dès lors, le moyen tiré de la méconnaissance de ces dispositions doit être écarté.
25. Enfin, le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales est inopérant à l'encontre d'une décision d'éloignement laquelle n'a pas pour objet de fixer le pays de destination.
En ce qui concerne le pays de renvoi :
26. Aux termes de l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " (...) Un étranger ne peut être éloigné à destination d'un pays s'il établit que sa vie ou sa liberté y sont menacées ou qu'il y est exposé à des traitements contraires à l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950 " et que ce dernier texte stipule que " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou des traitements inhumains ou dégradants ".
27. Mme E... soutient qu'elle encourt des risques de traitements inhumains et dégradants en cas de retour en Russie en raison du conflit qui l'oppose au pasteur de son église au sujet d'un héritage. Toutefois, la requérante, dont la demande d'asile a été rejetée par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides et la Cour nationale du droit d'asile, n'établit pas qu'elle se trouverait, en cas d'éloignement, exposée à un risque réel, direct et sérieux pour sa vie ou sa liberté, ni à des traitements inhumains ou dégradants ou qu'elle ne pourrait y bénéficier d'aucune protection de la part des autorités. Par suite, les moyens tirés par la requérante de la méconnaissance des stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et des dispositions de l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ne peuvent être accueillis.
28. Il résulte de tout ce qui précède que M. et Mme E... ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par les jugements n°1900967 du 4 juillet 2019 et n° 1901092 du 17 juillet 2019, le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a rejeté leurs demandes. Par suite, leurs requêtes doivent être rejetées en toutes leurs conclusions y compris celles tendant à l'application des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi ci-dessus visée du 10 juillet 1991.
D E C I D E :
Article 1er : Les requêtes ci-dessus visées de M. et Mme E... sont rejetées.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... E... et Mme B... E... et au ministre de l'intérieur.
Copie du présent arrêt sera adressée au préfet de l'Aube.
N° 19NC02553 - 19NC02612 2