Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée le 27 avril 2015, M.C..., représenté par
MeB..., demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Nancy du 27 mars 2015 ;
2°) d'annuler les arrêtés du 21 mars 2015 ;
3°) d'enjoindre au préfet de l'Aube de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour et de réexaminer sa situation dans un délai de quinze jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;
4°) de mettre à la charge de l'État une somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sous réserve de renonciation de Me B...au bénéfice de l'aide juridictionnelle par application de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Il soutient que :
Sur la décision portant obligation de quitter le territoire français :
- cette décision est insuffisamment motivée ;
- elle méconnaît les stipulations des articles 3 et 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- elle méconnaît les stipulations de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;
- cette décision est entachée d'une erreur manifeste dans l'appréciation de ses conséquences sur sa situation personnelle ;
Sur la décision refusant d'accorder un délai de départ volontaire :
- cette décision est insuffisamment motivée ;
- aucun élément de sa situation ne peut caractériser un risque de fuite ;
Sur la décision fixant le pays de destination :
- cette décision méconnaît les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et les dispositions de l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
Sur la décision ordonnant le placement en rétention administrative :
- cette décision est insuffisamment motivée ;
- elle doit être annulée par voie de conséquence de l'illégalité de l'obligation de quitter le territoire français ;
- elle a des conséquences d'une exceptionnelle gravité sur sa situation personnelle.
Par un mémoire en défense, enregistré le 25 juin 2015, le préfet de l'Aube conclut au rejet de la requête.
Il soutient qu'aucun des moyens de la requête n'est fondé.
M. C...a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par décision du bureau d'aide juridictionnelle de Nancy du 28 mai 2015.
Vu :
- les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979 modifiée dont les dispositions sont reprises par le code des relations entre le public et l'administration ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 modifiée ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer ses conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
A été entendu au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Martinez.
1. Considérant que M. A...C..., ressortissant azerbaïdjanais, a déclaré être entré en France le 22 février 2011 ; que la demande de reconnaissance du statut de réfugié qu'il a formée le 24 mars 2011 a été rejetée par l'Office de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA) le 31 mai 2011 ; que la Cour nationale du droit d'asile ( CNDA) a, le 1er février 2012, confirmé cette dernière décision ; que le 20 avril 2012, M. C...a présenté une demande de réexamen de sa situation qui a été traitée dans le cadre de la procédure prioritaire et rejeté par l'OFPRA le 30 avril 2012, puis par la CNDA le 6 février 2013 ; que, le 17 juillet 2012, le préfet de l'Aube a pris à l'encontre de l'intéressé, des décisions portant refus de délivrance d'un titre de séjour, obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et fixation du pays de renvoi ; que par un jugement du 4 décembre 2012, le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a confirmé l'ensemble des décisions du préfet ; que, par arrêtés du 21 mars 2015, le préfet de l'Aube lui a fait obligation de quitter le territoire français, a fixé le pays à destination duquel il pourra être renvoyé et a ordonné son placement en rétention administrative ; que M. C...relève appel du jugement du
27 mars 2015 par lequel le tribunal administratif de Nancy a rejeté sa demande tendant à l'annulation de ces arrêtés ;
Sur les conclusions à fin d'annulation :
En ce qui concerne l'obligation de quitter le territoire français :
2. Considérant, en premier lieu, qu'après avoir visé les dispositions applicables du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, et notamment le I de l'article L. 511-1, la décision attaquée rappelle que M. C...est entré irrégulièrement sur le territoire français le 22 février 2011, puis a fait l'objet d'un refus de séjour assorti d'une première obligation de quitter le territoire français le 17 juillet 2012, à laquelle il s'est soustrait ; que la décision attaquée indique en outre les raisons pour lesquelles le préfet a considéré que la nouvelle mesure d'éloignement prise à l'encontre du requérant ne portait pas atteinte à son droit au respect de sa vie privée et familiale ; que la circonstance que le préfet de l'Aube n'ait pas expressément mentionné que M. C...est hébergé depuis deux ans dans un foyer et que ses deux filles sont scolarisées n'est pas de nature à révéler une insuffisance de motivation dès lors qu'il a relevé que son épouse fait également l'objet d'une mesure d'éloignement et qu'il est père de deux enfants mineurs ; que, par suite, le moyen tiré de l'insuffisance de motivation de la décision attaquée doit être écarté comme manquant en fait ;
3. Considérant, en deuxième lieu, que M. C...ne peut utilement invoquer le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales à l'encontre de la décision portant obligation de quitter le territoire qui ne fixe pas par elle-même le pays de renvoi ; que, pour les mêmes motifs, le moyen tiré de l'existence d'une erreur manifeste dans l'appréciation des conséquences de cette décision sur la situation personnelle du requérant doit être écarté ;
4. Considérant, en troisième lieu, qu'aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1° Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance ; 2° Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale ou à la protection des droits et libertés d'autrui " ; que si M. C...fait valoir qu'il justifie d'une parfaite intégration en France et que ses enfants sont scolarisés, il ne démontre pas être dépourvu de toute attache privée ou familiale dans son pays d'origine où il a vécu jusqu'à l'âge de 32 ans ; qu'il n'apporte par ailleurs aucun élément de nature à établir l'existence d'un obstacle à ce qu'il retourne dans son pays d'origine avec ses enfants, son épouse et ses parents, qui font également l'objet d'une mesure d'éloignement, pour y poursuivre une vie familiale ; qu'ainsi, compte tenu de l'ensemble des circonstances de l'espèce, et notamment du fait que
M. C...a fait l'objet d'une précédente mesure d'éloignement par arrêté du 17 juillet 2012, la décision attaquée n'a pas porté à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels elle a été prise et n'a donc pas méconnu l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
5. Considérant, en quatrième lieu, qu'aux termes de l'article 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant : " Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait des institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale " ; qu'il résulte de ces dernières stipulations que, dans l'exercice de son pouvoir d'appréciation, l'autorité administrative doit accorder une attention primordiale à l'intérêt supérieur des enfants dans toutes les décisions les concernant ;
6. Considérant que, compte tenu de ce qui a été dit au point 4, la décision attaquée n'implique pas par elle-même l'éclatement de la cellule familiale, les deux parents faisant l'objet d'une mesure d'éloignement ; qu'il n'est par ailleurs pas établi que les deux enfants de M. C...se trouveraient dans l'impossibilité de continuer leur scolarité dans le pays d'origine de la famille ; que, par suite, le moyen tiré d'une méconnaissance des stipulations précitées de la convention internationale relative aux droits de l'enfant ne peut qu'être écarté ;
En ce qui concerne la décision refusant d'accorder un délai de départ volontaire :
7. Considérant, en premier lieu, qu'aux termes du II de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Pour satisfaire à l'obligation qui lui a été faite de quitter le territoire français, l'étranger dispose d'un délai de trente jours (...). / Toutefois, l'autorité administrative peut, par une décision motivée, décider que l'étranger est obligé de quitter sans délai le territoire français : (... ) / 3° S'il existe un risque que l'étranger se soustraie à cette obligation. Ce risque est regardé comme établi, sauf circonstance particulière, dans les cas suivants (...) d) Si l'étranger s'est soustrait à l'exécution d'une précédente mesure d'éloignement ;(...) " ;
8. Considérant que pour motiver la décision refusant d'accorder à M. C...un délai de départ volontaire, le préfet de l'Aube pouvait valablement se contenter de relever que l'intéressé s'est déjà soustrait à une mesure d'éloignement prise le 17 juillet 2012 et qu'il existe ainsi un risque que M. C...se soustrait à la présente mesure ; que, par suite, le moyen tiré du défaut de motivation doit être écarté ;
9. Considérant, en second lieu, que si M. C...soutient qu'il est hébergé au foyer des " cytises " depuis plusieurs années et que sa famille est parfaitement intégrée, il ressort des pièces du dossier, et n'est pas contesté, que le requérant s'est soustrait à une précédente mesure d'éloignement ; qu'ainsi, le risque de M. C...de se soustraire à l'obligation qui lui est faite de quitter le territoire français est établi ; que, par conséquent, c'est sans méconnaître les dispositions précitées de l'article L. 511-1 II 3° d) précité, que le préfet n'a pas assorti cette obligation d'un délai de départ volontaire ;
En ce qui concerne la décision fixant le pays de destination :
10. Considérant qu'aux termes de l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " ( ...) Un étranger ne peut être éloigné à destination d'un pays s'il établit que sa vie ou sa liberté y sont menacées ou qu'il y est exposé à des traitements contraires aux stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950. " ; que ce dernier texte stipule que : " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants " ;
11. Considérant que M.C..., dont la demande d'asile a été rejetée par l'OFPRA et la CNDA, n'apporte, à l'appui de ses allégations selon lesquelles il serait personnellement exposé à des traitements inhumains ou dégradants en cas de retour dans son pays d'origine, aucun élément de nature à établir la véracité de ses dires ; que, par suite, il n'est pas fondé à soutenir que la décision attaquée méconnaîtrait les dispositions de l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ainsi que les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
En ce qui concerne la décision ordonnant le placement en rétention administrative :
12. Considérant, en premier lieu, que la décision ordonnant le placement de M. C... en rétention administrative mentionne les considérations de fait et de droit qui en constituent le fondement ; qu'elle est, par suite, suffisamment motivée ;
13. Considérant, en deuxième lieu, qu'il résulte de ce qui précède que le moyen tiré, par voie d'exception, de l'illégalité de la décision portant obligation de quitter le territoire doit être écarté ;
14. Considérant, en troisième lieu, que le moyen selon lequel le préfet de l'Aube aurait commis une erreur d'appréciation en ordonnant le placement en rétention administrative de M. C... n'est pas assorti des précisions suffisantes permettant d'en apprécier la portée et le bien-fondé ;
15. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que M. C...n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nancy a rejeté sa demande ;
Sur les conclusions à fin d'injonction :
16. Considérant que le présent arrêt, qui rejette les conclusions tendant à l'annulation de la décision attaquée, n'implique aucune mesure particulière d'exécution ; que, par suite, les conclusions susvisées ne peuvent être accueillies ;
Sur l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 :
17. Considérant qu'il résulte des dispositions combinées de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique et de l'article L. 761-1 du code de justice administrative que l'avocat du bénéficiaire de l'aide juridictionnelle peut demander au juge de condamner la partie perdante à lui verser la somme correspondant à celle qu'il aurait réclamée à son client, si ce dernier n'avait pas eu l'aide juridictionnelle, à charge pour l'avocat qui poursuit, en cas de condamnation, le recouvrement de la somme qui lui a été allouée par le juge, de renoncer à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'État à la mission d'aide juridictionnelle qui lui a été confiée ;
18. Considérant que l'État, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, ne saurait être condamné à verser à l'avocat de M. C...une somme en application de ces dispositions ;
D É C I D E :
Article 1er : La requête de M. C...est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A...C...et au ministre de l'intérieur.
Une copie du présent arrêt sera adressée au préfet de l'Aube.
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N°15NC00782