Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 3 avril 2018, le Préfet de la Côte-d'Or, représenté par la SELARL Claisse et associés, demande à la cour d'annuler ce jugement du 23 février 2018 par lequel le tribunal administratif de Nancy a annulé les arrêtés des 5 et 9 février 2018, et a enjoint au préfet de la Côte-d'Or de délivrer à M. A...une autorisation provisoire de séjour dans un délai de quinze jours à compte de la notification du jugement le temps du réexamen de sa situation administrative.
Il soutient qu'eu égard au comportement de l'intéressé et à l'utilisation frauduleuse d'une fausse identité, la seule production de documents d'acte de naissance et d'un placement à l'aide sociale à l'enfance ne suffit pas à établir que M. A...était mineur et que l'identité qu'il avait utilisée pour séjourner en France était fausse.
Vu :
- les autres pièces du dossier ;
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 modifiée ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer ses conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de Mme Lambing a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. Monsieur " A...F...A... ", né le 31 mai 1990 de nationalité ivoirienne, est entré régulièrement en France le 5 mars 2017 muni d'un visa court séjour valable un mois. Le 5 février 2018, il a été intercepté, sans aucun document de voyage, par les services de la police aux frontières de la Côte-d'Or à la suite d'un contrôle d'identité. Après avoir constaté que M. A... n'avait pas sollicité de titre de séjour, par arrêté du 5 février 2018, le préfet de la Côte-d'Or lui a fait obligation de quitter, sans délai, le territoire français, a fixé le pays à destination duquel il pourra être reconduit et a prononcé à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée d'un an. Par un second arrêté du 9 février 2018, le préfet de la Côte-d'Or a décidé de le maintenir en rétention administrative. Le préfet de la Côte-d'Or relève appel du jugement du 23 février 2018 par lequel le tribunal administratif de Nancy a annulé les arrêtés des 5 et 9 février 2018, et lui a enjoint de délivrer à M. A...une autorisation provisoire de séjour dans un délai de quinze jours à compte de la notification du jugement le temps du réexamen de sa situation administrative.
Sur le motif d'annulation retenu par le tribunal :
2. Aux termes de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Ne peuvent faire l'objet d'une obligation de quitter le territoire français ou d'une mesure de reconduite à la frontière en application du présent chapitre : 1° L'étranger mineur de dix-huit ans (...) ". Aux termes de l'article L. 111-6 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " (...) La vérification de tout acte d'état civil étranger est effectuée dans les conditions définies par l'article 47 du code civil ". Aux termes de l'article 47 du code civil " Tout acte de l'état civil des Français et des étrangers fait en pays étranger et rédigé dans les formes usitées dans ce pays fait foi, sauf si d'autres actes ou pièces détenus, des données extérieures ou des éléments tirés de l'acte lui-même établissent, le cas échéant après, toutes vérifications utiles, que cet acte est irrégulier, falsifié ou que les faits qui y sont déclarés ne correspondent pas à la réalité ".
3. La présomption de validité des actes d'état civil établis par une autorité étrangère ne peut être renversée par l'administration qu'en apportant la preuve, en menant les vérifications utiles, du caractère irrégulier, falsifié ou non conforme à la réalité des actes en question. Il en va ainsi lorsqu'il s'agit pour le préfet d'établir qu'un étranger est majeur et ne peut, en conséquence, bénéficier de la protection prévue, en faveur des étrangers mineurs, par le 1° de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
4. Aux termes de l'article L. 611-6 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Afin de mieux garantir le droit au séjour des personnes en situation régulière et de lutter contre l'entrée et le séjour irréguliers des étrangers en France, les empreintes digitales ainsi qu'une photographie des ressortissants étrangers qui sollicitent la délivrance, auprès d'un consulat (...) d'un visa afin de séjourner en France (...) peuvent être relevées, mémorisées et faire l'objet d'un traitement automatisé dans les conditions fixées par la loi n° 78 17 du 6 janvier 1978 relative à l'informatique, aux fichiers et aux libertés. / Ces empreintes et cette photographie sont obligatoirement relevées en cas de délivrance d'un visa. ". Aux termes de l'article R. 611-8 du même code : " Est autorisée la création, sur le fondement de l'article L. 611-6, d'un traitement automatisé de données à caractère personnel dénommé VISABIO, relevant du ministère des affaires étrangères et du ministère chargé de l'immigration. Ce traitement a pour finalité : - de mieux garantir le droit au séjour des personnes en situation régulière et de lutter contre l'entrée et le séjour irréguliers des étrangers en France, en prévenant les fraudes documentaires et les usurpations d'identité ; (...) Il vise : 1° A améliorer les conditions de délivrance des visas en permettant de déceler les demandes présentées par la même personne sous plusieurs identités ; / (...) 5° A faciliter l'identification des étrangers en situation irrégulière en vue de leur éloignement. ". Aux termes de l'article R. 611-9 du même code : " Les données à caractère personnel enregistrées dans le traitement automatisé prévu à l'article R. 611-8 sont : 1° Les images numérisées de la photographie et des empreintes digitales des dix doigts des demandeurs de visas, collectées par les chancelleries consulaires et les consulats français équipés du dispositif requis. (...) L'impossibilité de collecte totale ou partielle des empreintes digitales sera mentionnée dans le traitement. "
5. Pour annuler les arrêtés en litige, le magistrat désigné du tribunal a considéré que les éléments produits par M. A...doivent être regardés comme établissant sa minorité, qui lui permettent, en tant que mineur, d'être protégé de l'éloignement en vertu des dispositions du 1° de l'article L. 511-4 précité du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Le préfet de la Côte-d'Or soutient que le tribunal a, à tort, retenu la minorité du requérant sur la base d'éléments insuffisants.
6. Le préfet de la Côte-d'Or se prévaut des déclarations de M. A...lors de son interception le 5 février 2018 par les services de la police aux frontières de la Côte-d'Or, qui s'est présenté comme se prénommant " A...Franck StéphaneA... " né le 31 mai 1990 fils de A...Anicey et Lssou Pascale. Pour contester l'état de minorité de M.A..., le préfet de la Côte-d'Or a également produit devant le tribunal les données issues du système Visabio relatives à la délivrance d'un visa à Franck Stéphane A...né le 31 mai 1990, valable du 5 mars au 5 avril 2017, ayant permis à M. A...d'entrer régulièrement sur le territoire français. Lors de l'audience devant le tribunal, tel que cela ressort du jugement, M. A...a indiqué avoir emprunté l'identité de son frère majeur décédé pour obtenir son visa. Le préfet produit en appel un compte-rendu d'audition du 22 février 2018, émanant du consulat de Côte d'Ivoire, qui a entendu à fin d'identification M. F...A...né le 31 mai 1990. Ce dernier a été reconnu par le vice consul. Ce document, qui ne comporte aucune précision quant aux éléments qui ont permis d'identifier l'intéressé, atteste que M. F...A...n'est pas présent sur le territoire français. Il ressort en outre des pièces du dossier qu'au cours de la première instance, M. A...a produit un certificat de nationalité ivoirienne délivré le 26 juillet 2017 et un extrait d'acte de naissance du registre d'état civil de la République de Côte d'Ivoire, ces documents concernant " A...B...Hans Cédrick " né le 10 avril 2002, fils de M. G...A...B...et de Mme C...D.... Le préfet de la Côte-d'Or n'apporte aucun élément de nature à établir que l'acte d'état-civil ainsi produit ne serait pas authentique. A également été produit le procès-verbal d'audition du 7 février 2018 du directeur du dispositif d'accueil de mineurs isolés ayant hébergé M. A...B...E...né le 10 avril 2002 du 21 novembre 2017 au 1er février 2018. Cet accueil résultait d'une ordonnance d'ouverture d'une tutelle d'Etat du 12 janvier 2018 et d'un placement provisoire prononcés par le juge des tutelles du tribunal de grande instance de Mâcon en raison de la situation de mineur isolé en France de M. A...B...E.... Si M. A... a donné des informations contradictoires lors de son entrée sur le territoire français et lors de son audition en se prévalant d'une fausse identité, les seules données d'état civil issues de Visabio, sur lesquelles ne figurent pas les empreintes digitales de l'intéressé, ne suffisent pas, eu égard aux garanties attachées à l'état de minorité et en l'absence d'investigations complémentaires, à renverser la présomption de validité des actes d'état civil que l'intéressé a présentés devant le tribunal, lesquels mentionnent une date de naissance le 10 avril 2002. Le préfet de la Côte-d'Or ne peut dès lors de ce seul fait, soutenir que les actes produits par l'intéressé étaient irréguliers, falsifiés ou inexacts. Dans ces conditions, en estimant que M. A...n'était pas mineur lors de l'édiction de la mesure d'éloignement attaquée, le préfet de la Côte-d'Or a méconnu les dispositions du 1° de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers en France.
7. Il résulte de tout ce qui précède, que le préfet de la Côte-d'Or n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement contesté, le tribunal administratif de Nancy a annulé les arrêtés des 5 et 9 février 2018, et a enjoint au préfet de la Côte-d'Or de délivrer à M. A...une autorisation provisoire de séjour dans un délai de quinze jours à compte de la notification du jugement le temps du réexamen de sa situation administrative.
D E C I D E :
Article 1er : La requête du préfet de la Côte-d'Or est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. E... B...A...et au ministre de l'intérieur.
Une copie du présent arrêt sera adressée au préfet de la Côte-d'Or.
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N° 18NC01070