Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 11 octobre 2018, M. A... H..., représenté par Me F..., demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du 13 juin 2018 par lequel le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 2 février 2018 par lequel le préfet du Bas-Rhin a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination ;
2°) d'annuler cet arrêté du 2 février 2018 ;
3°) d'enjoindre au préfet du Bas-Rhin de lui délivrer un titre de séjour " vie privée et familiale " ou à défaut de réexaminer sa situation et ce dans un délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir sous astreinte de cent euros par jour de retard ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 800 euros à verser à son conseil en application des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Il soutient que :
Sur la légalité du refus de séjour :
- l'avis émis par le collège de médecins de l'OFII doit indiquer le nom du médecin instructeur ayant établi le rapport médical ; le courriel produit postérieurement par le préfet du Bas-Rhin doit être écarté ;
- le collège de médecins a omis de se prononcer sur la disponibilité des soins dans son pays d'origine et sur la durée de la prise en charge, rendant irrégulier son avis ; le préfet ne disposait ainsi pas des éléments nécessaires pour statuer ;
- le préfet a méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- il a entaché sa décision d'une erreur manifeste d'appréciation ;
Sur la légalité de l'obligation de quitter le territoire français :
- l'illégalité du refus de séjour entraîne l'annulation de l'obligation de quitter le territoire français ;
- le préfet a méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- il a entaché sa décision d'une erreur manifeste d'appréciation ;
Sur la légalité de la décision fixant le pays de destination :
- l'illégalité du refus de séjour et de l'obligation de quitter le territoire français entraîne son annulation ;
- le préfet a méconnu les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et l'article L. 513-2 code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
M. H... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 11 septembre 2018.
Vu :
- les autres pièces du dossier ;
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- l'arrêté du 27 décembre 2016 relatif aux conditions d'établissement et de transmission des certificats médicaux, rapports médicaux et avis mentionnés aux articles R. 313-22, R. 313-23 et R. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 modifiée ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer ses conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de Mme Lambing a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. M. H..., né en 1988 de nationalité kosovare, serait entré irrégulièrement en France le 22 décembre 2009 selon ses déclarations. Il a sollicité son admission au séjour au titre de l'asile. Sa demande d'asile a été rejetée par une décision de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides du 10 septembre 2010 confirmée par la Cour nationale du droit d'asile le 9 octobre 2012. M. H... a bénéficié d'un titre de séjour en qualité d'étranger malade du 20 janvier 2013 au 19 janvier 2017. Le 11 janvier 2017, il a demandé le renouvellement de son titre de séjour. Par arrêté du 2 février 2018, le préfet du Bas-Rhin a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination. M. H... relève appel du jugement du 13 juin 2018 par lequel le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté du 2 février 2018.
Sur la légalité du refus de séjour :
2. Aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention 'vie privée et familiale' est délivrée de plein droit :(...) 11° A l'étranger résidant habituellement en France, si son état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, il ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié. (...) La décision de délivrer la carte de séjour est prise par l'autorité administrative après avis d'un collège de médecins du service médical de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, dans des conditions définies par décret en Conseil d'Etat. ". Aux termes de l'article R. 313-22 du même code : " Pour l'application du 11° de l'article L. 313-11, le préfet délivre la carte de séjour au vu d'un avis émis par un collège de médecins à compétence nationale de l'Office français de l'immigration et de l'intégration. L'avis est émis dans les conditions fixées par arrêté du ministre chargé de l'immigration et du ministre chargé de la santé au vu, d'une part, d'un rapport médical établi par un médecin de l'Office français de l'immigration et de l'intégration et, d'autre part, des informations disponibles sur les possibilités de bénéficier effectivement d'un traitement approprié dans le pays d'origine de l'intéressé. ". Aux termes de l'article R. 313-23 du même code : " Le rapport médical visé à l'article R. 313-22 est établi par un médecin de l'Office français de l'immigration et de l'intégration à partir d'un certificat médical établi par le médecin qui le suit habituellement ou par un médecin praticien hospitalier inscrits au tableau de l'ordre (...) Sous couvert du directeur général de l'Office français de l'immigration et de l'intégration le service médical de l'office informe le préfet qu'il a transmis au collège de médecins le rapport médical. (...) Le collège à compétence nationale, composé de trois médecins, émet un avis dans les conditions de l'arrêté mentionné au premier alinéa du présent article. La composition du collège et, le cas échéant, de ses formations est fixée par décision du directeur général de l'office. Le médecin ayant établi le rapport médical ne siège pas au sein du collège (...) ". Aux termes de l'article 3 de l'arrêté du 27 décembre 2016 relatif aux conditions d'établissement et de transmission des certificats médicaux, rapports médicaux et avis mentionnés aux articles R. 313-22, R. 313-23 et R. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Au vu du certificat médical et des pièces qui l'accompagnent ainsi que des éléments qu'il a recueillis au cours de son examen éventuel, le médecin de l'office établit un rapport médical (...) ". Aux termes de l'article 5 de cet arrêté : " Le collège de médecins à compétence nationale de l'office comprend trois médecins instructeurs des demandes des étrangers malades, à l'exclusion de celui qui a établi le rapport (...) ". Aux termes de l'article 6 de cet arrêté : " Au vu du rapport médical mentionné à l'article 3, un collège de médecins désigné pour chaque dossier dans les conditions prévues à l'article 5 émet un avis (...) précisant : a) si l'état de santé de l'étranger nécessite ou non une prise en charge médicale ; b) si le défaut de cette prise en charge peut ou non entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité sur son état de santé ; c) si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont le ressortissant étranger est originaire, il pourrait ou non y bénéficier effectivement d'un traitement approprié ; d) la durée prévisible du traitement. Dans le cas où le ressortissant étranger pourrait bénéficier effectivement d'un traitement approprié, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, le collège indique, au vu des éléments du dossier du demandeur, si l'état de santé de ce dernier lui permet de voyager sans risque vers ce pays. Cet avis mentionne les éléments de procédure (...) ".
3. En premier lieu, il ne résulte d'aucune de ces dispositions, non plus que d'aucun principe, que l'avis du collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration devrait porter mention du nom du médecin qui a établi le rapport médical, prévu par l'article R. 313-22, qui est transmis au collège de médecins de l'Office. Si l'article 6 de l'arrêté du 27 décembre 2016 indique que l'avis mentionne " les éléments de procédure ", cette mention renvoie, ainsi qu'il résulte du modèle d'avis figurant à l'annexe C de l'arrêté, rendu obligatoire par cet article 6, à l'indication que l'étranger a été, ou non, convoqué par le médecin ou par le collège, à celle que des examens complémentaires ont été, ou non, demandés et à celle que l'étranger a été conduit, ou non, à justifier de son identité. Il s'ensuit que M. H... n'est pas fondé à contester pour ce motif la régularité de l'avis du collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration du 6 juillet 2017. Si le requérant a entendu faire valoir qu'il n'est pas établi que le médecin ayant établi le rapport médical n'a pas siégé au sein du collège de médecins à compétence nationale de l'Office français de l'immigration, le préfet du Bas-Rhin a produit un courriel de la directrice territoriale adjointe de l'Office français de l'immigration et de l'intégration du 22 mai 2018 qui indique que le rapport médical concernant M. H..., a été rédigé le 10 juin 2017 par le docteur G...B....au Kosovo Par suite, ce document permet de justifier que le médecin ayant établi le rapport n'a pas siégé au sein du collège de médecins ayant rendu son avis le 6 juillet 2017 et qui était composé des docteursE..., C...etD....au Kosovo
4. En deuxième lieu, le collège des médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration a indiqué, dans le même avis du 6 juillet 2017, que si l'état de santé de M. H... nécessitait une prise en charge médicale, le défaut de cette prise en charge ne devrait pas entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité et qu'au vu des éléments de son dossier, son état de santé pouvait lui permettre de voyager sans risque vers son pays d'origine. Dès lors qu'il avait été estimé que la condition tenant aux conséquences d'une exceptionnelle gravité du défaut d'une prise en charge médicale n'était pas remplie, il ne lui était pas nécessaire de mentionner si un accès effectif au traitement approprié dans le pays d'origine était possible et la durée des soins nécessités par l'état de santé. Il s'ensuit que l'avis est conforme aux exigences imposées par les dispositions de l'arrêté du 27 décembre 2016 précitées. Par suite, le moyen tiré de l'irrégularité de l'avis doit être écarté.
5. En troisième lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale ou à la protection des droits et libertés d'autrui. ".
6. Il ressort des pièces du dossier que M. H... est présent en France depuis huit ans à la date de la décision contestée, dont trois années résultent de l'instruction de sa demande d'asile. S'agissant de ses liens familiaux en France, son père est en situation irrégulière tout comme l'une de ses soeurs qui a fait l'objet d'une mesure d'éloignement en décembre 2017. Sa mère et deux de ses soeurs bénéficient de titres de séjour pour raisons de santé valables jusqu'en juin et juillet 2018 et n'ont ainsi pas vocation à demeurer en France. Une de ses soeurs réside régulièrement en France en tant que conjointe de français et l'un de ses frères se trouve en France en raison de son incarcération. Le requérant ne justifie pas par ailleurs des liens qu'il entretiendrait avec les membres de sa famille présente en France. En outre, un de ses frères et ses oncles et tantes demeurent....au Kosovo L'intéressé ne serait ainsi pas isolé en cas de retour dans son pays d'origine. Si M. H... a effectué des missions d'intérim et des contrats à durée déterminée entre mars 2013 et avril 2017, il ne bénéficiait pas d'une situation professionnelle stable à la date de la décision attaquée, percevant des allocations d'aide au retour à l'emploi. M. H... ne justifie pas de son insertion sociale et des liens qu'il aurait tissés en France. Il est célibataire et sans charges de famille. Ainsi, compte tenu de l'ensemble des circonstances de l'espèce, la décision contestée n'a pas porté à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée par rapport aux buts en vue desquels elle a été prise. Dès lors, elle ne méconnaît pas les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
7. En quatrième lieu, pour les mêmes motifs que ceux énoncés au point précédent, le préfet n'a pas entaché sa décision d'une erreur manifeste d'appréciation.
Sur la légalité de l'obligation de quitter le territoire français :
8. En premier lieu, il résulte de ce qui précède que M. H...n'est pas fondé à se prévaloir, à l'encontre de la décision portant obligation de quitter le territoire français de l'illégalité de la décision lui refusant la délivrance d'un titre de séjour.
9. En second lieu, eu égard à ce qui a été dit aux points 6 et 7, le préfet n'a pas méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et n'a pas entaché sa décision d'une erreur manifeste d'appréciation.
Sur la légalité de la décision fixant le pays de destination :
10. En premier lieu, il résulte de ce qui précède que M. H...n'est pas fondé à se prévaloir, à l'encontre de la décision fixant le pays de destination d'une illégalité des décisions lui refusant la délivrance d'un titre de séjour et portant obligation de quitter le territoire français.
11. En second lieu, aux termes de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants ". Aux termes de l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " un étranger ne peut être éloigné à destination d'un pays s'il établit que sa vie ou sa liberté y sont menacées où qu'il y est exposé à des traitements contraires aux stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ".
12. M. H... se prévaut de l'existence d'une vendetta visant sa famille au Kosovo et de l'incarcération de son frère pour meurtre. Cependant, les documents produits par le requérant ne suffisent pas à établir la réalité des menaces personnelles et actuelles en cas de retour dans son pays d'origine, où vit encore un de ses frères. Au demeurant, sa demande au titre de l'asile a été rejetée par l'Office français de protection des réfugiés et des apatrides et la Cour nationale du droit d'asile. Il s'ensuit que les moyens tirés de la méconnaissance des dispositions précitées de l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et des stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés doivent être écartés.
13. Il résulte de tout ce qui précède que M. H... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement contesté, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande. Il y a lieu de rejeter, par voie de conséquence, les conclusions aux fins d'injonction et celles tendant à l'application des dispositions de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.
D E C I D E :
Article 1er : La requête de M. H... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... H...et au ministre de l'intérieur.
Une copie du présent arrêt sera adressée au préfet du Bas-Rhin.
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N° 18NC02773